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dimanche 25 septembre 2016

J'ai testé l'indemnisation en ligne des retards d'avion

L'été dernier, le vol ramenant au bercail un membre de ma famille, à l'issue de vacances méritées, s'est posé avec 5H45 de retard.
J'en ai profité pour essayer un service internet de dédommagement des passagers.



Les ailes protectrices de l’Europe

Depuis 2004, l'Union Européenne impose aux transporteurs aériens d'indemniser leurs clients victimes d'annulation de vol, de refus d'embarquement ou de retard conséquent.

J'en profite pour relever que l'Europe - que nous adorons vilipender - a de nombreuses conséquences positives dans notre quotidien.
Ainsi, cette réglementation favorable aux consommateurs est une initiative bruxelloise pour répondre à l'incapacité de chaque état à peser face aux géants de l'aviation.

Des compagnies aériennes tous aérofreins dehors

Pour des raisons compréhensibles à défaut d'être morales, les transporteurs ont fait preuve d'un enthousiasme limité dans l'application spontanée des lois européennes.
Absences de réponse et trainages de pieds ont souvent été opposés aux passagers demandant un dédommagement.

Le combat des pots de terre contre les avions en fer était mal engagé.

Des e-juristes prennent leur envol

Toutefois, un peu partout en Europe, des startups ont été créées pour proposer, en ligne, assistance juridique et collecte d'indemnisation aux passagers floués.

Ces entreprises, qui font commerce de la défense des consommateurs, n'hésitent pas à aller au tribunal à chaque fois qu'une compagnie aérienne refuse d'appliquer la législation.
Ainsi, petit à petit, elles gagnent en crédibilité auprès du public mais aussi dissuadent les manœuvres dilatoires.

La plupart de ces services internet ne demandent aucun frais préalable à leurs clients car ils se financent par une commission sur l'indemnité obtenue.

Essai transformé

J'ai donc fait appel à Flightright, entreprise berlinoise qui, d'après les gazettes et Google réunis, serait le leader dans son domaine.

En quelques clics, j'ai fourni sur le web mon identité, les paramètres du voyage retardé et mes coordonnées bancaires.
J'ai ensuite reçu, au fil des jours, quelques mails décrivant les étapes de la procédure suivie.

Au final, six semaines plus tard, Flightright a conservé 25% de l'indemnité reçue de la compagnie aérienne et m'a versé 175 €, légèrement plus que le coût du billet d'avion.

Vu la simplicité et l'efficacité de ce service de dédommagement en ligne, je les réutiliserai si je subis, à nouveau, une annulation ou un fort retard lors d'un voyage aérien.

Vivement la suite !

Pour conclure, je lance un appel simultané à Bruxelles et aux dirigeants de Flightright pour qu'ils étendent, respectivement, leur législation et leurs services aux trains et aux autoroutes.

Pourquoi ne pas être sérieusement indemnisé quand un train régional affiche une heure de retard pour un trajet d'une heure ?
Pourquoi payer le péage plein tarif lorsqu'une autoroute est totalement bouchée ou couverte de travaux ?

E-consumériquement votre

Références et compléments
Les lecteurs intéressés peuvent fureter sur le site de Flightright.
Pour lever toute ambiguïté, je précise que mon seul lien avec Flightright est l'indemnisation relatée dans cette chronique.
Avant août 2016, j'ignorais l'existence de cette entreprise.

Voir aussi le texte intégral et parfaitement soporifique du règlement européen CE 261/2004 "établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol".

Comme à l'accoutumée, si des politiques européens, des responsables de Flightright ou encore ceux des compagnies aériennes, ferroviaires et autoroutières souhaitent réagir à ce billet, les colonnes du blog leur sont ouvertes, de préférence sous forme d'une interview.

L'image qui montre le trafic aérien au dessus de l'Europe le dimanche 25 septembre à 10H20 provient du site flightradar24.com.

mercredi 14 septembre 2016

Quand les émirs du pétrole régnaient sur l'Europe

Les monarques d'Arabie et du Golfe, avec leur train de vie fastueux et kitsch ainsi que leur autoritarisme teinté de religion nous choquent.
Pourtant, l'essentiel du patrimoine culturel européen est l'œuvre de souverains aussi peu exemplaires.

Des monarchies archaïques et pourtant prospères

Avec la Renaissance, au 16ème siècle, a débuté, en Europe, une ère de progrès agricoles, techniques et sanitaires qui, pas à pas et dans la douleur, a boosté productions, villes et populations.

Ces changements économiques ont toutefois tardé à se transformer en évolutions politiques.
Clergé et noblesse s'empressaient de rappeler au bon peuple que cet ordre des choses pyramidal et inégalitaire était, pour l'éternité, un don de Dieu.
Aussi les monarchies absolues et leurs cortèges de féodaux ont bénéficié, pendant presque trois siècles, des fruits juteux à souhait de la rente foncière et des multiples taxes.

Peu soucieux de redistribution sociale, les rois et leurs obligés s'ingéniaient à dépenser illico ces sommes prodigieuses en guerres mais aussi en constructions ostentatoires, tant civiles que religieuses.

Palais royal de Turin

Paraitre pour être 

Le 18ème siècle fut l'apogée de ce système.
Les styles baroques et rococo, avec leurs cargaisons de dorures et de décorations, reflètent de goûts et envies de nouveaux riches.
Un palais royal ou ducal devait d'abord en mettre plein la vue !

Mobilier rococo au pavillon de chasse de Stupinigi

Le roi de France Louis XIV - alors souverain le plus puissant d'Europe - fit bâtir le gigantesque château de Versailles pour montrer qui était le patron en impressionnant ses sujets et ses voisins.

Dans le même temps, les émirs de Savoie, qui régnaient, depuis Turin, sur la province éponyme mais aussi sur le nord de l'Italie actuelle, voulurent se mettre en évidence. Pourtant la première garnison française n'était qu'à une trentaine de kilomètres de leur capitale.
Les rois de Piémont-Sardaigne - comme ils aimaient se faire appeler - érigèrent en un temps record une multitude de palais non loin du Pô ainsi qu'un pavillon de chasse somptuaire à quelques encablures.

Coupole du pavillon de chasse de Stupinigi

Les fastes royaux en héritage 

En bon touriste, j'ai récemment arpenté Turin et visité plusieurs de ses monuments.
Désormais, cet imposant patrimoine - les anglo-saxons disent heritage - procure émotions et plaisir à ses hôtes tout en propulsant l'activité économique.
Pourtant, ces palais et églises ont été commandités par des monarques dépensiers aux motivations douteuses et financés une paysannerie miséreuse essorée par l'impôt.

Pavillon de chasse de la maison de Savoie à Stupinigi
Peut-être, dans quelques années, irons-nous, de même, à Riyadh ou Dubaï admirer en flânant les oeuvres des rois du pétrole...

Baroquement votre

Références et compléments
Voir aussi les chroniques :
Rimbaud + McDo + Dubaï = le plateau ivre
Le Vatican : des Saouds bien de chez nous
Daech s'est déjà implanté deux fois en Europe

Site web de l'office du tourisme de Turin / Torino

Photos prises par l'auteur à Turin / Torino et Stupinigi le 10 septembre 2016.

mardi 19 juillet 2016

Un génocide presque parfait

Les auteurs de génocides ne sont pas uniquement obsédés par l’extermination des populations qu'ils exècrent.
Ils veulent aussi faire place nette en supprimant toute trace matérielle ou symbolique de leurs victimes. 

Retour sur un passé européen trop vite passé. 

1944

Imaginez une bourgade de 20 000 habitants - comme il en existe des milliers en Europe - et dont la principale particularité est de n'en point avoir.

Imaginez deux communautés cohabitant dans cette ville depuis plus de deux siècles.

Imaginez, à l’issue de la première guerre mondiale, la dislocation du fragile équilibre et la lente montée de la haine sectaire.

Imaginez la seconde guerre mondiale poussant ces passions délétères à leur paroxysme.

Imaginez une armée étrangère en pleine débâcle, soutenue par des miliciens locaux, trouvant les moyens et le temps d’entasser dans quelques maisons de deux petites rues un habitant sur quinze, la totalité de la communauté minoritaire.

Imaginez ces 1221 personnes de tous âges, déportées, dans des wagons à bestiaux, vers un camp de la mort, au terme d'un trajet chaotique de 500 kilomètres.

Imaginez moins de cent survivants.

Imaginez une nouvelle dictature poussant insidieusement à la fuite ces rares rescapés.

2016

Observez les paisibles rues ensoleillées du centre de cette même bourgade européenne, 72 ans plus tard.



Observez la floraison de statues, de monuments et de plaques à la gloire des héros nationaux et des célébrités locales.





Observez que deux plaques seulement commémorent des victimes du génocide.




Observez un bâtiment imposant et rénové en lisière du centre-ville.
Google et l’office du tourisme le décrivent comme l’auditorium municipal.
Mais Wikipedia explique sobrement qu'avant cela, il fut le principal édifice religieux de la communauté disparue.



« C’est peut-être là que se cache le diable : non dans le fait que l'homme tue, mais dans celui que les vertus indispensables au crime deviennent pour lui l'ordre du monde. »
Imre Kertész
Mémoriellement votre

Références et compléments
Ma gratitude à Odile qui, sans le savoir, est à l’origine de cette chronique.

Pour être précis, le cimetière de la bourgade abrite un monument aux victimes du génocide.
Toutefois, ce lieu - qui n’est pas indiqué dans les documentations et informations anglophones à destination des visiteurs - n’est pas à proximité du centre-ville.
Aussi mes pérégrinations pédestres ne m’y on pas conduit.
Plus de détails, en suivant ce lien qui conduit à un article en anglais.

Voir aussi, sur un thème voisin, la chronique "à Berlin entre anciens et nouveaux démons".

Les photos ont été prises par l'auteur en avril et juillet 2016.

dimanche 3 juillet 2016

À Berlin entre anciens et nouveaux démons

Berlin est une de ces villes qui portent en elles un trop-plein d'histoire.
Impressions fugaces captées lors d'une brève escapade dans la capitale allemande.

Avions



En 1948, les USA, aidés par la Grande Bretagne et la France, organisaient un pont aérien pour ravitailler Berlin-Ouest que le blocus mis en place par l'URSS avait mis en grande difficulté.
Des photos mythiques montrent des civils saluant des avions à hélices rasant les immeubles avant de se poser sur une piste aménagée à la hâte par les militaires occidentaux.

Désormais, les habitations berlinoises sont toujours survolées...
L'aéroport de Tegel déborde de passagers venus du monde entier.

Checkpoints



Quelques checkpoints, dont le célèbre Charlie, assuraient les trop rares passages entre les deux parties de Berlin.

Désormais, il y a toujours autant d’obstacles et de chicanes dans les environs de l’avenue « Unter den Linden »...
Une nouvelle ligne de métro y est en construction.

Mur



La porte de Brandebourg, construite au 18ème siècle, fut le symbole de la division de Berlin.
Le « mur de la honte » bloquait son accès ouest et barrait la perspective.

Désormais, la porte de Brandebourg est toujours bouchée...
Un écran géant et une « fan zone » y ont été implantés pour l'euro de football.

Départs



En 1963, le président américain John Fitzgerald Kennedy, dans son célèbre discours « Ich bin ein Berliner », s'exclamait :
« La liberté connaît beaucoup de difficultés et la démocratie n'est pas parfaite.
Mais nous n'avons jamais eu besoin d'ériger un mur pour conserver nos citoyens, pour les empêcher de s'enfuir. »

Désormais, il y a toujours de longues files d'attente à l'aéroport de Berlin...
Des touristes court vêtus - après avoir acheté un fragment réputé authentique du « mur de la honte » à la boutique de souvenirs - s'apprêtent à se rendre à Moscou, à bord d'un Airbus plaisamment baptisé Youri Gagarine.

Pressentiments

Je suis né, en Europe de l'ouest, l'année de la construction du mur de Berlin.
Marcher, tranquillement et librement, au petit matin, à l'est de la porte de Brandebourg est une joie symbolique.

Comment, durant cette promenade, ne pas remercier Vaclav Havel, Adam Michnik, Jean-Paul II, Lech Walesa, Mikhaïl Gorbatchev et, surtout, les anonymes qui ont expédié aux oubliettes la division européenne ?
Comment ne pas réécouter Kennedy ?
Comment ne pas se remémorer les images inouïes du 9 novembre 1989 ?

Comment, dans le même temps, ne pas avoir un pincement au cœur ?

Face aux menaces, ma génération - qui devrait se réjouir d'avoir été comblée par l'histoire - préfère se replier sur elle-même plutôt que d’affirmer et défendre des valeurs positives.

Des nuages grisâtres s'accumulent.
De nouveaux murs s'élèvent dans nos têtes et, désormais, dans nos urnes.
Nous sommes passés du mauvais coté des barbelés qui resurgissent à nos frontières...

Let's remember Berlin!
Souvenons-nous de Berlin !

Librement votre

Références et compléments
Voir aussi les chroniques :
- Mes valeurs
- Ich bin ein Tunesier

La vidéo de ce chef d'oeuvre d'éloquence et de réthorique qu'est le discours "Ich bin ein Berliner" de John Fitzgerald Kennedy à Berlin le 26 juin 1963 (avec sous-titres en français) :
- Texte original en anglais
- Traduction en français par Wikisource
- Article Wikipedia

Article Wikipedia sur le mur de Berlin

Les photos ont été prises par mes soins à Berlin les 22 et 23 juin 2016.
J'avoue avoir succombé à la tentation en achetant mon petit morceau de mur.

samedi 4 juin 2016

L’Europe est au fond de nos poches

L’air grisâtre du temps nous susurre que tous nos malheurs ont pour unique cause « l’Europe ». Seul un repli résolu vers nos ancestraux états-nations rétablirait prospérité, sécurité et sérénité.

Je suggère aux tenants de cette thèse d’examiner leurs poches avant de poursuivre leur propagande.
Jugez, si j’ose m'exprimer ainsi, sur pièces.

Ce matin, après avoir effectué mon devoir familial, c’est à dire quelques courses destinées à emplir le garde-manger, je me suis amusé à inventorier de mon porte-monnaie.


Sur 8 pièces, 2 étaient françaises, 2 autres italiennes, 1 espagnole, 1 néerlandaise, 1 allemande et 1 autre finlandaise.

Des statistiques plus fouillées que ce déballage personnel indiquent qu’environ 4 pièces sur 10 que nous manipulons sont « étrangères ».

Avant d'être un marqueur économique - la menue monnaie représente une faible part des échanges pour l’essentiel dématérialisés - ce mélange numismatique illustre l'immense et permanent brassage humain au sein de notre continent.

Lorsqu'une pièce finlandaise rejoint la France, c’est qu’un compatriote d’Alain Prost a visité ceux de Mika Häkkinen ou qu’un électeur de Sauli Niinistö est passé par le pays de Hollande.
Certains euros suivent des trajets encore plus complexes via plusieurs pays.

Si d'aventure, nous refermions nos frontières nationales, au delà de l’effet négatif sur nos emplois et revenus, c’est d'abord notre manière quotidienne de vivre qui serait affectée.

Un petit rappel historique pour conclure : les très croissantes et très regrettées années 1960, que d’aucuns voudraient faire renaitre, furent la période la plus dynamique de la construction européenne.

Monétiquement votre

Références et compléments
Voir aussi sur le thème des statistiques du quotidien la chronique "petit rappel de probabilité à l'usage des amalgameurs".

L’euro est la monnaie officielle de 26 états et territoires :
  • Les 19 membres de la « zone euro » : Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Slovaquie, Slovénie.
  • Quatre timbres-poste : Andorre, Monaco, Saint-Marin, Vatican.
  • Et même un territoire britannique plaisamment baptisé « Akrotiri et Dhekelia », c’est à dire les bases militaires de Sa Très Gracieuse Majesté situées sur l’île de Chypre.

Pour des détails statistiques fouillés, se reporter à l’article d’avril 2012 de l’INED « Dix ans de diffusion des euros étrangers en France ».

Alain Prost et Mika Häkkinen sont des pilotes automobiles professionnels respectivement français et finlandais.
Sauli Niinistö est, comme presque chacun le sait, le président de la république de Finlande.

Comme à l'accoutumée sur ce blog, la photo a été réalisée sans trucage.

dimanche 1 mai 2016

Deux rayons de soleil dans un ciel européen grisâtre

Trop souvent nous préférons porter notre attention sur les déraillements plutôt que sur les trains qui arrivent à l’heure à bon port.
Les colonnes de ce blog ne font pas, en ce domaine, exception.


Aussi, une fois n’est pas coutume, je voudrais relater deux rayons de soleil ayant dardé cette semaine. Bien que ténus et fragiles, ils possèdent l’immense mérite de contraster avec la morosité de l’heure.

Des docteurs qui changent le monde

« Mais soyons vrais, docteur, quand la jeunesse et l'amour sont d'accord … »
Beaumarchais - Le barbier de Séville
La semaine dernière, j’ai eu l’opportunité et la chance d’assister à des présentations par des « doctorants » grenoblois de leurs travaux et d’échanger avec plusieurs d’entre eux.

Le néologisme « doctorant » désigne un étudiant en train de réaliser une thèse de doctorat, c’est à dire d’approfondir durant environ trois ans un sujet de recherche très précis qui n’a encore été défriché par personne.

Optimisme et dynamisme se dégageaient de ces exposés variés.

Demain bouillonne et émerge dès aujourd'hui dans les laboratoires de recherche.
Des jeunes des quatre coins de la planète, s’exprimant indifféremment en anglais ou en français, s’acharnent à faire émerger des caméras sans fil ni pile, des trains plus économes, des bâtiments plus agréables et moins énergivores, des puces en diamant, des accès encore plus aisés à internet ou des avions plus surs, pour ne citer que quelques uns des thèmes des 500 doctorats en « electrical engineering » en cours dans la région de Grenoble.

Bien entendu, certaines de ces recherches ne déboucheront pas mais la plupart - directement mais aussi de manière inattendue - modifieront dans le futur nos quotidiens personnels et professionnels.
Notre avenir apparaissait, au cours de cette conférence, déjà palpable.

Erasmus ou l’amour saute-frontières

« Vos filles et vos fils vont la main dans la main
Faire l'amour ensemble et l'Europe de demain »
Georges Brassens - Les deux oncles
À peu près au même moment, Sandro Gozi donnait une interview au magazine français Le Point à l’occasion de la sortie de son livre « Génération Erasmus - Ils sont déjà au pouvoir ».

Je m’excuse auprès de mes amis transalpins mais, jusqu’alors, j’ignorais l’existence de Sandro Gozi qui est un professeur et homme politique italien, actuellement secrétaire d’état aux affaires européennes.

Dans son entretien, ce ministre polyglotte explique que les premiers étudiants à avoir bénéficié du programme universitaire européen Erasmus - il fut l’un d’entre eux dans les années 1990 à Paris et Bruxelles - occupent désormais des postes de responsabilité et « qu’ils doivent sauver l’Europe ».

Plus étonnant et plus énergisant, il rappelle aussi qu’Erasmus a eu pour conséquence la formation de nombreux couples transfrontaliers qui ont « l’Europe inscrite dans leur ADN ».
Environ un quart des étudiants ayant bénéficié de ce programme vit avec une personne d’une autre nationalité que la sienne.
Désormais presque 500 000 couples - sensiblement 1 ménage européen sur 200 - doivent leur rencontre à Erasmus.

Le chiffre du million de bébés Erasmus rendu public par la commission de Bruxelles et repris par Sandro Gozi n’est pas encore atteint mais devrait l’être d’ici 5 ans.

Tous comptes faits, les « deux oncles » de Brassens sont en passe de « devenir des soldats inconnus ».


Scène du film de Cédric Klapisch « casse-tête chinois » avec Romain Duris.
Ce film est le dernier volet d’une trilogie composée aussi de « l’auberge espagnole » et des « poupées russes » qui retraçe la vie d’étudiants Erasmus se rencontrant initialement à Barcelone au début des années 2000.

« C’est en croyant aux roses qu’on les fait éclore »
Anatole France

Optimistement votre

Références et compléments
Je remercie Gérard Meunier pour m’avoir invité à la journée des doctorants de EEATS.
Toutes les informations sur les doctorats en « electrical engineering » dans la région de Grenoble sont disponibles sur le site de l’école doctorale EEATS.

La chanson « les deux oncles » de Georges Brassens - qui choqua beaucoup lors de sa sortie en 1964 - prône la réconciliation européenne après les deux conflits mondiaux.
Le texte met en scène deux oncles décédés à la guerre, l’un « ami des Tommies » c’est à dire des anglais, l’autre autre « ami des Teutons » autrement dit des allemands, dont l’auteur se sert pour appeler à dépasser leur opposition passée « maintenant que vos controverses se sont tues ».

L’interview de Sandro Gozi a été évoquée par Jacques Munier sur France Culture dans son billet quotidien « le journal des idées ».
Elle est disponible en ligne sur le site du Point (consultation payante).

Page sur le site des Éditions Plon au sujet du livre de Sandro Gozi « Génération Erasmus - Ils sont déjà au pouvoir ».

Articles Wikipedia sur Erasmus et sur Sandro Gozi.

La photo extraite du film de Cédric Klapisch « casse-tête chinois » a été trouvée dans un article de Libération sur le million de bébés Erasmus et provient de StudioCanal.

jeudi 24 mars 2016

Les terroristes se moquent des frontières, quand allons-nous faire de même ?

Cette semaine, pendant que des brutes kamikazes semaient la mort à Bruxelles, je participais à de longues séances de travail avec des collègues originaires de plusieurs régions de notre globe.

Paradoxalement, cette tragédie publique et ces actions privées portent en elles exactement les mêmes enseignements.

Dessin d'Ali Dilem

Un langage mondial

Il y a une jolie lurette qu’une grande part de mon travail s’effectue dans la langue de Bob Marley, à défaut de celles de Shakespeare.
Mes dernières réunions n’ont pas échappé à cette habitude.

Les 7 milliards d’humains que nous somment disposent désormais d’un idiome global - certes aux accents variés, au vocabulaire fluctuant et à la grammaire imprécise - mais permettant une communication minimale.

Il en est de même à Racca. Les salopards rassemblés pour l'apocalypse qui y planifient la terreur mondiale échangent plus certainement dans le parler de Calvin Klein que dans celui de Mahomet.

Des outils mondiaux

Nos instruments professionnels sont de plus en plus des ordinateurs et des téléphones de marques similaires avec des logiciels identiques accédant un unique internet.
Ainsi deux de mes collègues du Tennessee étaient équipés strictement du même engin que moi.

Il en est de même pour les djihadistes qui ont laissés dernières eux plusieurs PC utilisés dans leur macabre équipée.

Une peine et des cibles mondiales

Notre groupe cosmopolite a débuté sa séance de mercredi par une minute de silence en hommage aux victimes des attentats de Belgique. Ces instants de recueillement dans le cadre professionnel ne se sont que trop multipliés ces derniers mois.

L’émotion était palpable.
Désormais, de Bruxelles à Tunis, de Bamako à Paris, de Copenhague à Palmyre, vivre, travailler, prendre du bon temps, bénéficier d’un minimum de libertés et vouloir décider de son sort par des moyens non-violents nous transforme en cible, indépendamment de la couleur et du blason de notre passeport.

Il en est de même des barbares qui tentent de nous terroriser.
Cette internationale du mal et de la bêtise fait ouvertement fi de nos nuances, de nos frontières et de nos états d’âme.

Nous sommes mondiaux

Que cela nous plaise ou non, force est de constater que le monde est devenu irrémédiablement mondial.
De surcroit, nous sommes confrontés à une menace mortelle ouvertement mondialisée.

À l’instar de la ligne Maginot avant la seconde guerre mondiale, aucune frontière plus n’est apte à nous protéger efficacement.

Le repli sur nous-même est une tentation délétère que les terroristes espèrent.
Seules l’union et la coopération peuvent améliorer notre sécurité mais aussi notre vie quotidienne.

Nous devons à nos morts de cesser de nous comporter en autruches frileuses !

No pasaran

Mondialement et européennement votre

Références et compléments
Voir aussi les chroniques :
- 10 citations contre le terrorisme et la barbarie
- Ils ont tiré sur notre liberté de refuser et notre droit à la complexité
- Après les attentats de Paris, ni Sarajevo ni Munich !
- Après l'attentat du Bardo, "Muse dis-moi les raisons"
- Mes valeurs

Le dessin a été réalisé par Ali Dilem caricaturiste algérien le 22 mars 2016.


samedi 13 février 2016

Un porte-conteneurs est-il plus écologique qu'une Twingo ?

​Porte-conteneurs géants, début de construction de l'autoroute de la soie pour relier Chine et Europe, projet de tunnel sous le détroit de Béring...
Les transports internationaux sont en effervescence.


Au delà des considérations géopolitiques et des défis techniques que soulèvent ces nouveautés, j'ai souhaité aborder l'aspect énergétique et écologique.

Les porte-conteneurs, mastodontes frugaux

Ces navires démesurés impressionnent par leur gigantisme.
Les plus récents, longs de 400 mètres et armés par moins de 20 personnes, emportent 18 000 conteneurs, c'est à dire, grosso modo, l'équivalent de 9 000 camions semi-remorque.
Ils effectuent les 20 000 km de traversée entre la Chine et l'Europe en une grosse trentaine de jours.

Porte-conteneurs géant Bougainville aux environs de Hambourg (photo Wikimedia Commons)
Le passage à la pompe d'un tel rafiot réjouit les émirs pétroliers.
Pour aller de Shenzhen au Havre, la consommation s'élève à pas moins de 4.5 millions de litres de fuel, soit 100 000 pleins de ma Twingo diesel.
Chaque voyage absorbe l'énergie dépensée annuellement par 1 500 français.

Toutefois, ces chiffres astronomiques masquent une grande efficacité.
Transbahuter 100 kg au sein d'un conteneur entre le pays de Confucius et celui de Descartes ne demande qu'un peu plus de 4 kg de CO2.
Autant que pour les véhiculer en camion sur 1 500 km.

Tout est dans l'effet d'échelle, le transport de marchandises équivalentes par péniche requiert 6 fois plus de combustible.

Pour être complet, il convient de préciser que si les porte-conteneurs sont économes en carbone, ils recrachent des volumes importants de dioxyde de soufre et de particules fines car le fuel lourd qu'ils emploient est une immonde cochonnerie plus proche du goudron que du carburant pour Formule 1.
La photo ci-dessus montre d'ailleurs un intéressant panache de fumée noirâtre.

Les poids-lourds, flexibles mais gourmands

Si, après-demain, l'autoroute de la soie est construite, la Cité Interdite se trouvera à 10 000 km terrestres de la Tour Eiffel.
Avec un système de relais de chauffeurs, le fret devrait mettre environ 8 jours entre les capitales chinoises et françaises.

Ce gain de temps et la plus grande finesse de choix des points de départ et d'arrivée sera loin d'être gratuite.
Les coûts salariaux seront 2 000 fois plus importants que pour un trajet maritime et la dépense énergétique 10 fois plus élevée, autour de 40 kg de CO2 pour 100 kg.

Le train, un excellent compromis

Sur longue distance, le ferroviaire pourrait s'avérer un client sérieux.
Vitesse commerciale plus qu'honorable et régularité - 4 à 5 jours de Beijing à Paris sont imaginables - se conjuguent avec une sympathique efficacité énergétique.

Tracté au diesel ou mu par de l'électricité d'origine thermique, un train émet 3 fois plus de CO2 pour une même cargaison qu'un porte conteneur mais quand même 4 fois moins que des semi-remorques.

Alimentés par de l'électricité non carbonée, c'est-à-dire hydraulique ou nucléaire, les cheminots battent les marins et leurs navires géants à plates coutures.

Seul bémol, le rail demande plus d'investissements que la route ou la mer.
Un porte-conteneurs géant ne coûte qu'entre 100 et 500 km de voies ferrées.
De surcroît, la production électrique est encore plus vorace en finances. Une centrale thermique, suivant sa taille, vaut de 3 à 15 bateaux géants.

La voiture, gloutonne méconnue

Même les toutes petites cylindrées ne réussissent pas à rivaliser avec les transports de masse.

Si je rabat les sièges de ma Renault Twingo et que je la charge à bloc, les 400 kg embarqués demanderont par kilomètre parcouru autant de gazole que 50 tonnes acheminées par porte-conteneurs ou que 4 tonnes roulant dans un camion.

L'avion, quoiqu'un peu moins mauvais, tient compagnie à la bagnole en queue de peloton.

Shenzhen - Rotterdam, Rotterdam - Lyon et Lyon - Grenoble même combat !

Distance en kilomètres pouvant être parcourue par 100 kg de marchandises pour une même émission de 4 kg de CO2 en fonction des modes de transport.
30 000 km en train alimenté par de l'électricité non fossile ou 150 km en voiture individuelle ont le même impact carbone.

Pour rendre ces données plus palpables, je vous propose pour conclure un petit scénario récapitulatif.

Un tailleur de clefs à pipe du sud de la Chine réussit à séduire un importateur hollandais à qui il expédie un conteneur rempli à ras bord de ces denrées coudées.
Le transport transcontinental requiert 4 kg de CO2 pour 100 kg de quincaille.

L'entreprise batave trouve un distributeur au coeur de la nouvelle région Rhône-Alpes-Auvergne qui se fait fort de fourguer un semi-remorque complet de ces superbes outils.
Cette partie du trajet demande elle aussi 4 kg de CO2 pour 100 kg de camelote.

Tel le bon samaritain soucieux de plaire à son entourage, j'effectue une commande groupée que je vais chercher avec ma voiture personnelle dans la capitale des Gaules afin de la ramener et la disperser dans celle des Alpes.
Ce dernier parcours nécessite, comme ses prédécesseurs, 4 kg de CO2 pour 100 kg de clefs à pipe chinoises.

Carboniquement votre

Références et compléments
Voir aussi les chroniques :

Merci à Laurent qui m'a soufflé le thème de cette chronique et qui, en retour, devrait être soufflé par les chiffres qui y figurent.

Probablement admiratifs de cette chronique, les très démocratiques gouvernements chinois et iraniens ont le 15 février 2016 (2 jour après la parution de ce billet) ouvert une "route de la soie" ferroviaire en reliant par train de fret Beijing à Téhéran via l'Asie Centrale en 14 jours.
Plus de détails grâce à l'AFP en suivant ce lien.

Les données proviennent :
L'image du porte-conteneurs Bougainville de CMA CGM provient de Wikimedia Commons. Elle a été diffusée par "Buonasera" et est couverte par une licence Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported.

mercredi 2 septembre 2015

La frontière et la mer

À Kelibia, au nord-est de la Tunisie, lorsque la météo est de la partie, l'île italienne de Pantelleria, montagne dressée en Méditerranée, est visible depuis le littoral.
Sur l'horizon, depuis une plage de Kelibia, au coeur de la brume maritime et numérique, l'île de Pantelleria et sa Montagna Grande

De même, sur la colline du fort et sur certaines plages, il est possible de capter des opérateurs téléphoniques transalpins.

L'opérateur téléphonique italien TIM reçu à Kelibia

Pourtant, faisant fi de la liberté des ondes - aux deux sens du terme - quelque part en mer passe une invisible mais bien réelle frontière entre le pays du jasmin et celui de la pizza, entre l'Afrique et l'Europe.
Des milliers de migrants, au péril de leur vie, sur des embarcations de fortune payées à prix d'or à des mafieux, se jettent à l'assaut de cette limite mythique.

Même si ma tête me rappelle que les frontières sont des éléments - si j'ose m'exprimer ainsi - incontournables de real politik, mon cœur ne peut s'empêcher de souhaiter leur disparition.
Ces lignes arbitraires de démarcation accentuent, en pratique, les différences entre des personnes aux nombreux points communs.

Peut-être, devrions-nous nous souvenir que Méditerranée se disait en latin mare nostrum, notre mer ...
À quand une Schengen-Méditerranée devenue un lac intérieur ?
Mosaïque d'Ulysse du musée du Bardo de Tunis, symbole d'une Méditerranée unie
Humainement votre

Références et compléments
Voir aussi les chroniques :
Images réalisées par l'auteur à Kelibia et au musée du Bardo en août 2015

vendredi 10 juillet 2015

Malgré l'asphyxie de la Grèce la Commission Européenne est au meilleur de sa forme

Alors que 400 millions d'européens s'ingénient à s'engluer dans le conservatisme, l'égoïsme national, le manque de hauteur de vue et les tentations populistes, la Commission Européenne reste l'unique aiguillon cherchant à remettre simultanément notre économie en marche et nos oreilles dans le sens du vent.

Le sémillant Martin Selmayr - ci-devant chef de cabinet du non moins sémillant président-commissaire Jean-Claude Juncker - en a donné une brillante illustration hier soir.

Alors que le gouvernement de Grèce peinait à ficeler un plan budgétaire à la fois crédible, satisfaisant les créanciers et ne déglinguant encore plus ce pays en chute libre, le brillant eurocrate indiquait tranquillement sur Twitter que la proposition d'Aléxis Tsipras n'étant pas signée n'était pas recevable.

Tweet authentique publié par Martin Selmayr le 9 juillet 2015 vers 21:30
À bien y réfléchir, je trouve que ce sympathique rond de cuir est beaucoup trop accommodant.
Il aurait du exiger, sous peine de grexit immédiat, que le gouvernement d'Athènes ressuscite les coureurs de Marathon, les habille de fustanelles et les envoie à travers les Balkans en direction de Bruxelles avec des papyrus dûment scellés à la cire.

Alors que le téléphone avoisine les 150 ans et qu'internet triomphe, cela aurait - si j'ose dire - un cachet fou.

Aiguilloniquement votre

Références et compléments
- Voir aussi la chronique "Grèce & Europe : si nous rouvrions nos livres d'histoire ?"

lundi 6 juillet 2015

Grèce & Europe : rouvrir nos livres d'histoire ! Vite !

Les derniers rebondissements autour de la Grèce, de sa dette et de son maintien dans l'Euro, voire dans l'Union Européenne, ont une détestable odeur de dix-neuvième siècle et d'années 1930.

Tous autant que nous sommes, au sud comme au nord, politiques comme citoyens, nous aurions meilleure part à nous remémorer l'histoire afin d'éviter d'énormes bévues collectives.

Voici trois points que nous devrions tous avoir en tête.
  • La baisse massive de niveau de vie a des effets dévastateurs qui effacent rapidement tous les souvenirs de croissance.
    Presque à chaque fois qu'un pays a connu une décroissance persistante, les conséquences politiques ont été délétères.
    L'Italie de Mussolini et l'Allemagne de Hitler sont d'abord le fruit d'économies en panne.
    Souhaitons-nous un état failli voire fasciste au sud des Balkans ?
    Ne sommes-nous pas en train de rejouer, une fois de plus, une fois de trop, le funeste scénario du Congrès de Versailles de 1919 affirmant qu'un pays dit coupable doit payer, à tous les sens du terme ?
  • Un appareil étatique efficace et une saine administration ne se décrètent, ni ne se pilotent, durablement, de l'extérieur.
    Hormis de très courtes périodes de transition à l'issue d'un conflit armé, je ne connais pas de précédent historique ayant porté ses fruits.
    Les récentes, et non résolues, sottises américaines en Irak et en Afghanistan en sont les derniers exemples en date.
    La construction d'un état réellement moderne et performant ne peut être qu'une oeuvre de très longue haleine, s'étalant sur, au moins, une génération, et recueillant l'assentiment tacite, à défaut d'être explicite, d'une majorité.
    Pour preuve, la difficulté actuelle de la France à se réformer.
  • Un référendum avec une question ambiguë portant sur un texte incompréhensible et inapplicable n'est pas un exercice démocratique mais, à proprement parler, populiste.
    Cela s'appelle un plébiscite et a pour seul but de recharger les batteries anémiées du pouvoir en place.
    En France, les Napoléon premiers et troisièmes du nom - splendides démocrates devant l'Éternel - en ont beaucoup usé.
    Le goût immodéré de Charles de Gaulle pour ce mode électoral ternit le bilan de ce grand bonhomme.
La résolution des problèmes grecs et européens suppose de trouver des compromis raisonnés et raisonnables évitant ces trois écueils que pourtant toutes les parties prenantes - Grèce, France et Allemagne en tête - ont allègrement percuté au cours de leur histoire moderne.

Mnémoniquement votre

Références et compléments
- Voir aussi la chronique "Malgré l'asphyxie de la Grèce la Commission Européenne est au meilleur de sa forme"
- Mes remerciements à Maxime et Alain dont les réflexions ont partiellement inspiré cette chronique grecque et européenne.
- Chronique remaniée le dimanche 12 juillet 2015 vers 13:45.

dimanche 28 juin 2015

Le niveau de la classe politique européenne en chute libre

L'imbroglio grec et l'incapacité - à l'heure où j'écris ces lignes - des différentes parties à trouver un compromis raisonnable illustre jusqu'à la nausée la dégradation du personnel politique partout en Europe.
18 gouvernements, 18 parlements et de multiples institutions dites communautaires sont incapables d'avancer sur un dossier où chaque pays a beaucoup à perdre si aucune solution viable n'émerge.

Un mélange délétère d'incompétence, d'impuissance bureaucratique, d'inexpérience, de cynisme, d'excès de communication et de manque de hauteur de vue caractérise désormais les politiciens de tous pays, bords et poils.
La médiocrité est devenue la règle.
Pour preuve, ce petit test : pouvez-vous citer les noms de 3 politiciens européens actuels avec lesquels vous auriez plaisir à partir en vacances ?

Même les partis récents ne relèvent pas le niveau.
L'irréalisme nationaliste de Syriza en Grèce ou les pantalonnades de Beppe Grillo en Italie sont la preuve que les "nouveaux" mouvements issus de la contestation populaire ne valent pas mieux que leurs aînés.

Désormais, partout en Europe, les meilleurs talents fuient la politique.
C'est simultanément un très bon et un très mauvais symptôme.

D'un coté, cela illustre que nos sociétés, sous l'effet des changements technologiques et sociaux, sont en voie "d'horizontalisation" et que les anciens processus "verticaux" ont de moins en moins de prise sur la marche du monde.

Mais, dans le même temps, cette transition est loin d'être achevée.
La phase turbulente dans laquelle nous sommes serait moins âpre si, comme le disait Rudyard Kipling, nous avions des dirigeants "sachant conserver leur courage et leur tête".

Deux menaces pèsent en permanence sur les démocraties libérales - les anciennes comme les plus jeunes - la tentation autoritaire mais aussi l'impuissance des démocrates.
Hitler a atteint le pouvoir autant par ses propres actes que par l'incapacité pathologique de la république de Weimar a surmonter la grande crise économique débutée dans les années 1920.
De même, "l'étrange défaite" de 1940 est moins une victoire de l'Allemagne nazie qu'un écroulement de la troisième république française.

Un sale fumet d'années 1930 flotte de manière persistante au dessus du Vieux Continent et nulle brise ne semble en vue pour le faire partir.

Tristement votre

Références et compléments
- Voir aussi la chronique "l'étrange défaite de Marc Bloch étrangement actuelle".
- Chronique rédigée le dimanche 28 juin 2015 vers 18:30

mardi 17 mars 2015

Les 30 glorieuses étaient-elles si glorieuses ?

Pour sortir de la mouise dans laquelle nous pataugeons, d'excellents esprits - l'impayable Eric Zemmour en tête - nous suggèrent de ressusciter les années 1960.

Je vous propose, fidèle aux traditions de ce blog, d'examiner cela de plus près.

Forte croissance et plein emploi

Les “30 glorieuses” - grosso modo de 1955 à 1975 - furent le siège d'une activité économique florissante.
La France et l'ouest de l'Europe, abondamment financés par les États-Unis, s'échinaient à se reconstruire puis à rattraper leurs libérateurs et modèles.
Chaque année, la richesse nationale française augmentait de 5% à 8%. Actuellement, nous sablons le champagne quand cet indicateur dépasse péniblement 1%.
Seul, 1 français sur 50 souhaitant travailler était au chômage, contre 1 sur 10 désormais.

Des frontières économiques ouvertes

Les traités de libre échange de la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier) en 1952 puis de Rome en 1957 ont fait tomber les barrières douanières à l'ouest de l'Europe.
La constitution d'un vaste espace économique a procuré un grand coup de doping à une activité déjà soutenue.

Une époque calme

Les sixties n'étaient guère criminelles. Annuellement, 1 personne sur 75 était victime d'une agression, d'un vol ou d'un délit déclarés aux forces de l'ordre.
Ce ratio s'est dégradé à partir du début des années 1970. De 1980 à 2000, il a même atteint des pics à 1 personne sur 15.
Depuis une petite dizaine d'années, le taux de criminalité s'est stabilisé. Environ un français sur 20 est touché chaque année par la délinquance.

Un monde dangereux avec deux blocs face à face

La fin de la seconde guerre mondiale a accouché de deux superpuissances, USA et URSS, qui, rapidement, divisèrent l'Europe en deux zones d'influence séparées par l'imperméable rideau de fer.
Le dispendieux équilibre de la terreur nucléaire a, petit à petit, transformée la guerre froide en paix aussi peu chaleureuse.
Jusqu'au milieu des années 1970, le risque de conflit est resté maximal. Des milliers de chars, prêts à se fracasser, se faisaient face dans les plaines d'Europe centrale. La sympathique Armée Rouge n'était, comme le disait Charles de Gaulle, qu'à une étape du Tour de France de l'Alsace.
Le reste de la planète, qualifié de tiers monde, était sommé de s'aligner sur l'un ou l'autre camp et peinait à se développer.

Service militaire obligatoire et risque de guerre

La confrontation est-ouest reposait sur des appareils militaires pléthoriques nourris par la conscription.
La France, après avoir sacrifié sa jeunesse dans deux conflits mondiaux, n'a pas su lâcher assez vite son empire colonial. De 1954 à 1962, les appelés du contingent se sont battus et sont morts pour rien en Algérie.
Leurs successeurs, dont une part importante était stationnée en Allemagne, étaient incorporés dans des unités dont la mission était d'arrêter les forces soviétiques.

Forte immigration

Durant la décennie 1960, le nombre d'étrangers venant s'installer dans notre bel Hexagone était sensiblement identique à aujourd'hui, 200 000 chaque année.
Toutefois, la population totale était moindre, 45 millions de français contre 65 actuellement.
Aussi le taux d'immigration annuel était de sensiblement 1 pour 200, alors qu'il a diminué à 1 pour 325.

Les hommes aux hauts fourneaux, les femmes à la cuisine

L'éventail des emplois était largement peu qualifié.
Vers 1960, 1 actif sur 4 était toujours paysan, moins de 3% désormais.
1 sur 3 était ouvrier, principalement en usine, souvent avec des conditions de travail très physiques et des horaires autour de 45 heures hebdomadaires. Aujourd'hui, les ouvriers ne représentent plus qu'un actif sur 5, employés surtout dans l'artisanat et la logistique. Les usines ne font plus travailler directement qu'un français sur 20.
Enfin, 4 personnes sur 10 oeuvraient dans les services, avec des paies maigrichonnes. Ce secteur occupe désormais presque 85% d'entre nous.
À peine 1 personne sur 10 exerçait un métier requérant des études supérieures, 60% maintenant.
Grandes absentes des usines, moins de 4 femmes sur 10 avaient une activité hors de leur domicile, à comparer aux 85% actuels.

Baby boom

Cause ou conséquence, difficile à dire, mais le faible taux d'emploi des femmes s'accompagnait d'une très forte fertilité.
La natalité était presque une fois et demie plus dynamique qu'actuellement : 2.85 enfants par femme en 1960, 2 désormais.
Parallèlement, notre espérance de vie a gagné 11 ans, 82 ans contre 71.

Des mœurs surannées

Les libertés privées ou sexuelles et l'égalité entre hommes et femmes ont mis beaucoup de temps à s'imposer au niveau législatif :
  • Suppression de l'autorisation de l'époux pour permettre à une femme mariée de travailler ou d'ouvrir un compte en banque : 1965
  • Légalisation de la contraception : 1967
  • Suppression de la notion de chef de famille : 1970
  • Légalisation de l'avortement : 1974
  • Divorce par consentement mutuel : 1975
  • Dépénalisation de l'adultère : 1975
  • Dépénalisation de l'homosexualité : 1981
  • Gestion commune du foyer par les deux époux : 1985
Conséquence, il y avait annuellement, lors de la décennie 1960, 7 à 8 mariages pour 1 000 personnes. Ce ratio a chuté à moins de 4, malgré la forte augmentation des divorces qui, pourtant, mécaniquement, favorisent les remariages.

Rareté de l'information

Bien évidemment dans les sixties et seventies, il n'y avait ni internet, ni téléphone portable.
Un proverbe disait même que la moitié de la France attendait le téléphone et l'autre moitié la tonalité. En 1970, à l'issue d'un effort national, le ministre des “PTT” se vantait d'avoir atteint 10 millions d'abonnés au téléphone, fixe et hors de prix.
La première chaîne de télévision, en noir et blanc et aux mains exclusives de l'état, a vu le jour en 1949. Il faudra toutefois attendre la fin des années 1950 pour que sa couverture et son audience décollent.
La seconde chaîne de télévision est née en 1964. Son passage à la couleur débuta en 1967.
Le paysage radiophonique était nettement plus diversifié.
Les trois radios publiques - France Inter, France Culture, France Musique - faisaient face à une forte concurrence. Trois stations dites périphériques - elles émettaient hors de France pour échapper au monopole - bousculaient les voix officielles de l'état gaulliste.
Ces rebelles, dont le son grésillant ne pouvait être capté qu'en “grandes ondes”, étaient Radio Luxembourg devenue RTL, Europe n°1 qui diffusait depuis la Sarre et Radio Monte-Carlo, inaudible au nord de la Loire.

L'histoire, telle une médaille, possède deux faces, difficiles à séparer.

Glorieusement votre

Références et compléments
- Voir aussi la chronique "Généalogie de la croissance - L'histoire familiale raconte l'économie et la démographie"
- L'évolution du taux de criminalité provient du blog Actualitix
- Les "30 glorieuses" est une expression due à Jean Fourastié

samedi 24 janvier 2015

Combien d'immigrés musulmans en France ?

De bons esprits, dont la voix au chapitre a été affermie par l'actualité française récente, professent que l'hérédité et la géolocalisation engendreraient, une bonne fois - une bonne foi ? - pour toutes, pratiques religieuses, convictions, voire même comportements.

D'aucuns aperçoivent même une cinquième colonne à l'emblème du croissant et de l'étoile envahir le pays de Vercingétorix, Charles Martel et Jeanne d'Arc et venir jusque dans nos bras … …
À les croire, ces cohortes étrangères feraient la loi dans nos foyers !

Quoi qu'il m'en coûte, j'ai cherché à mesurer la longueur de cette cohorte à l'aide de l'étalon froid et dépassionné des statistiques.

Peu d'informations fiables

Comme pour l'estimation des croyances religieuses, les données indubitables manquent car nul ne peut être sommé d'assumer ses aïeux.

Toutefois, l'INSEE effectue des évaluations avec un niveau correct de sérieux scientifique. Les derniers chiffres datent de 2008 et restent représentatifs des ordres de grandeurs actuels.

Combien de migrants et d'enfants de migrants en France ?

À cette date, 4 résidents français sur 5, c'est à dire 52 millions de personnes, faisaient partie de ce que les démographes baptisent plaisamment la population “majoritaire”, c'est à dire nés en France de parents nés aussi en France.

Un cinquième des hexagonaux, 12 millions d'individus, ne répondaient pas à ce critère, car soit nés à l'étranger, soit ayant au moins un de leurs parents venu au monde loin de la patrie de Charles Maurras.

La tranche d'âge de 18 à 50 ans comporte le plus de personnes liées aux migrations, environ un tiers.
Par voie de conséquence, actuellement, 4 nouveaux-nés sur 10 dans notre bel Hexagone possèdent au moins un grand-parent étranger.

Pour l'ensemble de la population, la statistique n'a pas été actualisée depuis longtemps. Raisonnablement la proportion se situe entre un quart et un tiers.
Je vous invite à faire le test dans votre entourage, en remontant même, dans la mesure du possible, aux arrière-grands-parents. La barre symbolique de la moitié est très souvent franchie.
Répartition de la population résidant en France métropolitaine en 2008. "Issue de l'immigration" regroupe les personnes nées hors de France métropolitaine ou avec au moins un parent né hors de France métropolitaine.

D'où viennent-ils ?

Parmi les personnes immigrées ou d'ascendance directe immigrée, une petite moitié, 5.5 millions, un français sur 12, est originaire d'Europe.

Un peu plus de 3.5 millions, c'est à dire un hexagonal sur 18, ont leurs racines au Maghreb.

L'Afrique subsaharienne et la Turquie ont fourni respectivement 1.2 million et 500 000 personnes.

Enfin 2% de la population française, grosso modo 1.3 millions, sont liés aux autres contrées de notre belle planète.
Répartition de la population résidant en France métropolitaine en 2008. Mêmes critères que graphique précédent.

Combien de “musulmans” parmi eux ?

Faisant fi de la liberté de conscience et des trajectoires individuelles, de doctes commentateurs soutiennent que croyances et conduites sont déterminées par la géographie des ancêtres.
Selon eux est “musulman” tout individu dont une partie de la famille a des attaches dans des régions où l'islam est la religion majoritaire.

Pour éviter à ces brillants cerveaux une trop lourde charge arithmétique, j'ai effectué le comptage à leur place.

En mettant des lunettes grossissantes, on peut estimer qu'un peu plus de 4.5 millions de résidents français, un sur 14, sont originaires de pays dits “musulmans”.
Ces supposés “musulmans” ne sont pas majoritaires au sein des migrants et enfants de migrants puisque 6 sur 10 d'entre eux ont leurs attaches dans des zones dépourvues de mosquées.
Répartition de la population résidant en France métropolitaine en 2008. Mêmes critères que le premier graphique.

#JesuisCharlie
Mélangiquement votre

Références et compléments
- Voir aussi, dans la même veine :
- Sources
  • Etudes INSEE "Immigrés et descendants d'immigrés en France - Insee Références - Édition 2012" et "Trajectoires et Origines - Enquête sur la diversité des populations en France - 2010".
  • Article Wikipedia "l'immigration en France"
- Les phrases mises en évidence en début de chronique sont extraites des couplets 1 et 3 de la Marseillaise de Rouget de Lisle, hymne national de la France.
Liberté, Liberté chérie, combats avec tes défenseurs !

mercredi 24 septembre 2014

Göttingen / Maghreb - Chanter pour ne pas haïr

En cette sinistre soirée où une barbarie sauvage et publicisée est suivie, sur les réseaux sociaux, d'un déferlement de bêtise et de haine, me reviens une chanson écrite et composée par Barbara, en Allemagne, moins de 20 ans après la fin de la seconde guerre mondiale.
Je me suis permis de l'adapter à notre triste actualité.

Göttingen / Maghreb

Bien sûr, ce n'est pas la Seine,
Ce n'est pas le bois de Vincennes,
Mais c'est bien joli tout de même,
Le Maghreb, le Maghreb.

Pas de quais et pas de rengaines
Qui se lamentent et qui se traînent,
Mais l'amour y fleurit quand même,
Au Maghreb, au Maghreb.

Ils savent mieux que nous, je pense,
L'histoire de nos rois de France,
Mehdi, Habib, Mouna, Tarek,
Au Maghreb.

Et que personne ne s'offense,
Mais les contes de notre enfance,
"Il était une fois" commencent
Au Maghreb.

Bien sûr nous, nous avons la Seine
Et puis notre bois de Vincennes,
Mais Dieu que le jasmin est beau,
Au Maghreb, au Maghreb.

Nous, nous avons nos matins blêmes
Et l'âme grise de Verlaine,
Eux c'est la vitalité même,
Au Maghreb, au Maghreb.

Quand ils ne savent rien nous dire,
Ils restent là à nous sourire
Mais nous les comprenons quand même,
Les enfants bruns du Maghreb.

Et tant pis pour ceux qui s'étonnent
Et que les autres me pardonnent,
Mais les enfants ce sont les mêmes,
A Paris ou au Maghreb.

Ô faites que jamais ne revienne
Le temps du sang et de la haine
Car il y a des gens que j´aime,
Au Maghreb, au Maghreb.

Et lorsque sonnerait l'alarme,
S'il fallait reprendre les armes,
Mon cœur verserait une larme
Pour le Maghreb, pour le Maghreb.

Mais c'est bien joli tout de même,
Le Maghreb, le Maghreb.

Et lorsque sonnerait l'alarme,
S'il fallait reprendre les armes,
Mon cœur verserait une larme
Pour le Maghreb, pour le Maghreb.

No pasaran

Germano-franco-maghrébiquement votre

Références et compléments
- La version originale de Göttingen chantée par Barbara en 1967

mardi 2 septembre 2014

3 questions d'actualité pour rafraîchir notre mémoire courte

Nul ne contestera tes droits
Tu pourras crier “vive le Roi !”
Sans intrigue,
Si l'envie te prend de changer
Tu pourras crier sans danger
“Vive la Ligue !”.
D'après Georges Brassens

Au cœur de l'Europe, et même désormais au sud de la Méditerranée, crise et désenchantement nous poussent à dédaigner la démocratie et ses jeux politiques.

Certes les organisations de nos sociétés sont très loin d’être parfaites. De nombreux ajustements seraient fort utiles, je m'en fait souvent l'écho au fil de ce blog.
Mais vouloir jeter notre bulletin de vote avec l'eau de notre bain est une attitude d'enfant gâté qui trouve sa soupe trop chaude et ses frites trop salées.

Pourtant, aujourd'hui 2 septembre 2014, comme trop de jours ces derniers temps, l'actualité immédiate nous interpelle sur la valeur de notre système.
  • Pour former un nouvel état, préférons-nous la méthode éclatante de Poutine et de ses lascars militaires dans l'est de l’Ukraine ou bien le terne référendum prévu en Écosse sous quinzaine ?
     
  • Pour rendre inopérantes des options politiques, préférons-nous le fracassant tir au pistolet sur député, comme en Tunisie, ou bien le traditionnel passage par l'isoloir ?
     
  • Pour promouvoir idées ou  croyances, préférons-nous terroriser avec entrain des populations civiles, à l'instar des barbus noirs d’Irak et Syrie, ou bien jauger tranquillement des points de vue contradictoires sur Facebook ou dans des journaux ?
     
No pasaran

Démocratiquement votre

Références et compléments
- Voir aussi les trois chroniques
. L'islamisme ne vient pas du sous-développement
. Éloge de la Sainte Guerre
. Bosnie, Bâmiyân, Tombouctou … Chronique de la barbarie et de l'espoir

- L'exergue est un extrait légèrement adapté de la chanson "Oncle Archibald" de Georges Brassens.
  

samedi 30 août 2014

En Europe, le lobbying aspire les économies d'énergie

Les frasques sentimentales d'Arnaud Valls et de Manuel Montebourg ont rejeté dans l'ombre la nouvelle la plus intéressante de la semaine écoulée.
L'Union Européenne a décidé d'interdire les aspirateurs excédant 1 600 watts dès ce lundi 1er septembre 2014 et ceux dépassant 900 watts en 2018.

L'argument pour justifier cette relégation est la sauvegarde de notre planète.
En réduisant à marchés forcés la puissance de nos instruments de ménage, Bruxelles aspire à diminuer la consommation énergétique de l'Europe.

Malheureusement, cette belle intention ne résiste pas à une analyse sommaire. Comme à l'accoutumée, jugez sur pièces.

Il y a, grosso modo, en Europe, 200 millions d'aspirateurs, autant que de ménages.
En comptant très large, on peut estimer leur puissance moyenne à 1 500 watts et leur durée hebdomadaire d'utilisation à 30 minutes, constamment à pleine charge.
En mettant tous ces chiffres bout à bout, lorsque, dans une douzaine d'années, tout le parc européen aura été remplacé par des aspirateurs bridés, l'économie annuelle d'électricité devrait être de 3 térawattheures.
Cette valeur, d'apparence astronomique, est en fait ridicule.
L'ostracisation des gros aspirateurs n'abaissera la consommation énergétique européenne que de 1 pour 50 000.
Autant vider un puits de pétrole saoudien avec une petite cuiller !

Deux facteurs complémentaires peuvent expliquer cette réglementation inutile.

Tout d'abord, un souffle de bêtise collective parcourt parfois (souvent ?) la machine administrative et politique européenne.
Ce petit monde technocratique gagnerait à potasser à nouveau ses cours de physique de lycée qui sont d'excellents dopants du pragmatisme.

Il ne faut toutefois pas négliger la force du lobbying d'entreprise.
Imaginez que vous soyez un spécialiste de l'électroménager - par exemple, doté d'une marque commençant par un dy et finissant par un son - et que vous conceviez des aspirateurs plus chers que la moyenne et ne nettoyant pas notablement mieux le tapis hérité de votre bisaïeule.
Néanmoins, vos engins au design futuriste ont le bon goût d'être dotés d'une puissance nominale réduite.
Ce mix marketing original rend probablement la vente de vos moulins à vents un peu compliquée au delà du cercle restreint des gadgetophiles.
Dans ces conditions, quoi de mieux, pour accroître votre chiffre d'affaire, que d'envoyer dans les couloirs de Bruxelles de preux militants qui, la main sur le cœur et la larme à l'œil, vont appeler à la défense de l'avenir réuni de notre belle Terre et des actionnaires européens ?

Oups, j'ai un peu dérapé sur la fin de ma dernière phrase, je voulais, bien entendu, évoquer les technologies et non pas les actionnaires.

Venteusement votre

Références et compléments
- Les très rares lecteurs de ce blog qui douteraient des explications ci-dessus sont invités à savourer le communiqué de presse de l'entreprise qui commence par un dy et finit par un son.
Les nombreux amateurs d'électrotechnique et de traductions approximatives y apprécieront à sa juste valeur le paragraphe où il est question de brosses de carbone.
  

lundi 9 juin 2014

Faut-il remplir les prisons pour réduire la délinquance ?

L'examen parlementaire de la nouvelle loi pénale dite Taubira a ravivé le sempiternel débat entre les tenants de la répression et les supporters de l’humanisme.
Goûtant toujours aussi peu les dogmes et fidèles aux habitudes de ce blog, j’ai cherché à départager les deux camps grâce aux statistiques et aux comparaisons avec nos voisins européens.

En quelques clics, l'excellent site de la communauté européenne Eurostat fournit deux séries de données, le nombre de personnes incarcérées par pays ainsi que la quantité d’infractions déclarées annuellement aux forces de police.
En divisant ces chiffres par la population de chaque état, on peut comparer des politiques judiciaires et carcérales très diverses.

En Europe, en permanence, 1 personne sur 700 dort en prison, soit grosso modo un total de 800 000 taulards, l’analogue de Marseille, d’Amsterdam ou d’un petit Turin.

La France se situe nettement en dessous de la moyenne avec un ratio de 1/1 000, soit environ 65 000 détenus, l’équivalent de Troyes, Valence, Mérignac ou Levallois-Perret.
Belgique, Grèce, Italie, Portugal et Croatie font sensiblement aussi bien que la patrie des droits de l’homme.
Allemands et hollandais mettent en taule 20% moins souvent.

Slovènes et finlandais sont nettement moins répressifs. À Helsinki ou à Ljubljana, on n’enferme qu’une personne pour 1 700 habitants.

À l'inverse, Royaume-Uni, Espagne et Roumanie coffrent 1.5 plus fréquemment qu'en France.
La palme du bouclage est détenue par les baltes. En Lettonie et Lituanie, pourtant peu réputées pour leur ensoleillement, 1 habitant sur 300 est autoritairement mis à l'ombre.

Mesurer la délinquance est beaucoup plus compliqué que de compter les types retenus derrière des barreaux.
Grosso modo, deux méthodes existent pour évaluer la criminalité.

La première, que les spécialistes baptisent plaisamment enquêtes de victimation, consiste à demander à un échantillon, que l’on espère représentatif de la population, si on lui a fait du mal récemment.
Ce type d’analyse possède les avantages, mais surtout les défauts, des sondages d'opinion.
Seules les déclarations des personnes qui répondent sont prises en compte, sans possibilité de recouper leurs dires. Les biais sont nombreux et dans tous les sens possibles.
De surcroît, ces questionnaires ne concernent qu’un nombre limité de pays, avec des méthodologies variées, ce qui rend les comparaisons illusoires.

La seconde manière de procéder est de dénombrer les déclarations officielles déposées par les victimes supposées auprès des services de police.
Là encore, les biais sont légion.
La confiance dans la police, sa probité et son efficacité varie grandement en Europe.
De surcroît, les incitations à porter plainte sont très diverses. Par exemple, le signalement des cambriolages à la maréchaussée dépend de la couverture d’assurance et de l’exigence ou non par les compagnies d’un papier officiel pour procéder à l’indemnisation.
Malgré tous ses défauts, le taux d’infractions déclarées par habitant est le seul indicateur statistique réellement international.

Annuellement, les européens indiquent à la police de l’ordre de 30 millions d’infractions, près de 2.5 fois la quantité de voitures neuves immatriculées.
Autrement dit, une personne sur 20 se rend chaque année dans un commissariat pour porter plainte, soit un ratio de 50 faits délictueux déclarés pour 1 000 habitants.
L’entourage familial, amical et professionnel de chacun d'entre nous comprend, en moyenne, entre 100 et 300 personnes. Aussi, trimestriellement, voire mensuellement, nous connaissons personnellement quelqu'un ayant contacté les forces de l’ordre pour un dommage ou une agression.
Cette fréquence relationnelle nourrit le sentiment d’insécurité.

Dans ce domaine, la France, à l’instar de l’Italie, du Portugal, de l’Espagne ou de la Hongrie, se situe juste sur la moyenne européenne.
Anglais et allemands se rendent plus souvent chez les pandores, avec des taux respectivement de 65 et 75 plaintes pour 1 000 têtes de pipe.

La Suède est championne d’Europe de la plainte avec 150 déclarations pour 1 000 habitants. Chaque année, les collègues du commissaire Wallander reçoivent un citoyen sur 7. Pas étonnant qu’ils apparaissent légèrement neurasthéniques dans les romans policiers.

À l’autre extrémité de l'échelle, les policiers grecs, bulgares, roumains et baltes ne sont que modérément interpellés par leur population. À peu près une personne sur 50 seulement consent chaque année à leur donner du travail.

En croisant les statistiques européennes de prisonniers et d’infractions déclarées, on obtient une vue d’ensemble passablement hétérogène.

Comparaison européenne des ratios pour 1 000 habitants de prisonniers et d'infractions déclarées à la police (chiffres Eurostat 2012)
[Cliquer sur l'image pour l'agrandir]
Sans lunettes, le nuage de points donne l’impression que beaucoup coffrer diminue les plaintes.
Toutefois, à y regarder de plus près, les exceptions pullulent.
Suède et Norvège ont le même taux d’incarcération, alors que les plaintes y varient d’un facteur 3.
Autre exemple, on emprisonne 3 fois plus en Lituanie qu'en Grèce avec un ratio similaire d'infraction déclarées.

Avec des chiffres aussi peu probants et autant sujets à caution, les discussions enflammées sur le degré nécessaire de répression pénale ne vont pas se tarir de sitôt.
Peut-être s'agit-il d’un sujet trop passionnel pour que nous l'abordions sereinement ...

Sarkotaubiriquement votre

Références et compléments
- Voir aussi les chroniques :
. Quand sondage rime avec bidonnage
. Pauvre Claude G. !

- Les valeurs présentées dans cette chronique proviennent des chiffres 2012 d'Eurostat. Les ratios ont été arrondis pour faciliter leur compréhension.

- Les pays européens sont nommés sur le graphique par leurs codes ISO.