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jeudi 20 décembre 2018

Mon entreprise s’engage dans la transition écologique

Humeurs Mondialisées reprend une tradition anormalement délaissée qui consiste à accueillir sur ce blog des auteurs amis ayant des points de vue différents des miens.
Voici donc une livraison sur la transition écologique rédigée par Benoît Corteel.

Mon entreprise

C’est celle où je travaille.
Ses dirigeants aussi y travaillent. Quelquefois, même les actionnaires y travaillent. Si, si !
Et puis, parfois, je suis les trois à la fois : salarié, dirigeant, actionnaire… Mon entreprise est une SCOP.
Bon, OK, ce n’est pas le cas de tout le monde, mais j’en connais plusieurs.
Et puis parfois, je ne suis que salarié et on ne me demande pas mon avis !

Que fait cette entreprise pour entrer dans cette nouvelle économie de la transition écologique et énergétique ? 

Les dirigeants ont décidé de modifier progressivement (ils ont dit "en biseau") leur catalogue de produits et d’y introduire des produits répondant à un cahier des charges rédigé au plan national.
Un nouveau produit entre au catalogue, un ancien en sort : c’est ça le biseau.

Des produits à Haute Valeur Ajoutée Durable

Ces nouveaux produits sont conçus, fabriqués et distribués selon ce cahier des charges pour être économiques à produire, économiques à réparer ou recycler.
C'est ce qui définit leur caractère de Haute Valeur Ajoutée Durable (HVAD).

L’avantage pour mon entreprise est que plusieurs départements vont pouvoir s’occuper de la réparation ou, au choix, du recyclage, voire de l’amélioration des produits issus de nos ateliers de production.
Cela va générer des tâches valorisantes pour plusieurs ateliers et personnes.

Mais le client dans tout çà ?

Pourquoi acheter ces produits plutôt que ceux que l'on jette ?
Parce que leur valeur d’achat-revente est améliorée de différentes manières :

  • D’abord il est gratifiant pour moi acheteur de posséder un produit en lequel j’ai confiance.
    On peut le réparer pour moi ou le recycler pour d’autres ou bien le reconditionner en y intégrant de nouvelles qualités ou fonctions.
  • Ensuite, je peux le revendre !
    Pour en acheter un autre plus performant, qui correspond mieux à mon besoin du moment. J’alimente ainsi un marché de la seconde main (où mon entreprise a décidé d’investir aussi !).
  • Mais surtout je paie moins de taxes, donc mon produit est moins cher à l’achat !
    Comment est-ce possible ?
    C’est assez simple, plus le produit que j’achète remplit de critères "vertueux" (réparable ou recyclable à 25, 50%, 99%…), plus la taxe que je paie est faible.

Une taxe dégressive

Cette taxe dégressive accompagnera une approche en biseau de la transition écologique et permet à mon entreprise - TPE, PME ou groupe mondial - d’aborder facilement cette transition autour de laquelle tournent tant et tant de gens sans savoir comment la saisir et la définir.

La Taxe à la Valeur Ajoutée Durable s’applique aux produits qui répondent aux critères de durabilité.
Elle ne remplace pas la TVA classique qui continue à s’appliquer aux produits classiques, ceux qu’on jette quand ils ne marchent plus…
On a donc deux régimes de TVA qui fonctionnent en biseau. L’une devant à terme remplacer l’autre.
Nul doute que nos "chers" fonctionnaires de Bercy sauront mettre cela au point…

Ce qui en fera le succès doit être sa dégressivité !
Si celle-ci ne suffit pas ou est trop lente à décider nos concitoyens pour les produits vertueux, on peut imaginer qu’un malus pénalise les produits dont l’obsolescence programmée est évidente.
Ça aussi, on sait faire…


Comment compenser le manque à gagner pour l’état ?

En perdant sa « chère » TVA, l'état perd aussi sa principale source de revenu.
Mais l’état aussi s’est engagé dans une démarche en biseau vers sa propre transition écologique. Il a bien fallu perdre un peu de gras et gagner un peu de muscle !

Moins de fonctionnaires ici ou là et plus ailleurs où on a besoin d’eux.
Il peut s’agir des mêmes qui se sont reconvertis (en biseau eux aussi) !

Nous avons besoin de plus de présence de l’Etat dans nos régions faiblement peuplée,  de plus de transports et de plus de services décentralisés, répartis horizontalement.
A ce titre, les exemples autrichiens, suisses et allemands de transports ruraux rentables devraient être suivis !

Et puis la TVA.D ne devrait pas être nulle non plus...

Les questions semblent nombreuses et insolubles

Mon entreprise produit des services, mon cousin est agriculteur, mon neveu est artisan… comment allons-nous réaliser cette transition ?

Où vais-je trouver les idées et les ressources qui vont permettre à la PME (ou TPE…) que je dirige d’évoluer vers ces produits plus vertueux ?

Cela va me coûter cher, comment trouver les moyens d’investir ou d’embaucher pour des activités dont on ne connaît pas la rentabilité à court et moyen terme ?

La structure économique de notre société va évoluer, comment allons-nous survivre en évoluant vers cette "économie circulaire" dans une Europe et un monde largement globalisés ?

Ce régime fiscal sera-t’il partagé par nos partenaires et nos concurrents ?

Comment l’état va t’il compenser le manque à gagner de la TVA.D sans créer de nouvelles taxes ?

Des critères clairs et connus

Les critères de la HVAD doivent être clairement définis et connus, aisés à maîtriser en fonction du type d’activité.

Pour les biens et produits industriels, il est possible d'imaginer des critères autour de la recyclabilité, de la réparabilité, de la neutralité écologique du démantèlement, de l'optimisation de l’énergie nécessaire, des origines durables de cette énergie, d'une main d’oeuvre stable, de la nature des contrats de services et de travail, de la réduction des distances de transport...

Pour les services, les critères seraient proches tout en étant adaptés aux spécificités des ces activités.

Pour les biens et produits agricoles, il conviendrait de prendre en compte la réduction des intrants, les procédés et pratiques culturales mécaniques et biologiques, les circuits locaux courts, la limitation des transports en amont et en aval, la rémunération du producteur...

Les lieux de la transition sont les métropoles

Le Forum sur l’Environnement de Paris en Novembre 2018 a en effet identifié que les villes-métropoles sont bien souvent engagées dans des démarches visant à réduire la pollution dont leur population est victime.
Productrices de pollution et victimes d’elles-mêmes, les villes sont de puissants moteurs de la transition.

Il est donc logique que leurs dirigeants soient les premiers à avoir le courage de prendre des décisions sur le moyen et long terme, au contraire des gouvernements qui n’agissent souvent que sur le court terme.
Paris ou Grenoble sont des exemples parmi d’autres et rien n’assure leur maire actuel d’une réélection.
Pourtant, il est pratiquement acquis que l’alternance politique - si elle a lieu - poursuivra le même type de politique engagé depuis longtemps, à quelques aménagements épidermiquement sensibles près.

Des bourses à projets dans les métropoles

Construites sur le modèle des bourses financières, les bourses à projets permettraient de coter et d'échanger des brevets et même des procédés.
Ces projets bénéficieraient de protections de propriété intellectuelle.
Ces bourses seraient une sorte de marché parallèle où les valeurs échangées seraient des "valeurs-travail".

Une économie bancaire nouvelle (faisons confiance aux banquiers pour cela…) s’y grefferait sans doute afin de proposer les "meilleurs" financements aux entrepreneurs désireux de transition.

Pourquoi « mon » entreprise doit-elle s’engager dans la transition ? 

Pour survivre, d’abord, en abordant de nouveaux marchés de manière créative et innovante.
Pour assurer les salaires futurs et les revenus du capital ensuite (ou l’inverse, c’est vous qui voyez…).

Dans ce modèle en devenir, on ne raisonne plus en terme de marché par nombre de produits vendus. La compétition tient aussi compte des produits repris et reconditionnés, recyclés, remis dans le circuit.

La définition comptable du chiffre d’affaires doit évoluer en ce sens.
Et comme on peut aussi être une entreprise qui reconditionne en vue du ré-usage de produits de toutes origines et tous fabricants, la notion même de compétition évolue vers par exemple :

  • Mes produits d’origine recyclés et/ou reconditionnés sont préférés par les utilisateurs, terme qui a définitivement remplacé celui de consommateur.
     
  • Mes offres sont à très haute valeur durable et sont donc moins taxées moins que celles mes concurrents.
    Par exemple, un fournisseur d’électricité disposant de plus de sources renouvelables qu’un autre.
    Ou bien un fournisseur de gaz qui méthanise à partir de déchets agricoles.
    Ou encore, un transporteur de personnes public ou privé met en valeur des territoires par des moyens peu énergivores (trains automoteurs ou bus à hydrogène, …).
     
  • Mes céréales, mes fruits et légumes exempts de produits phytosanitaires et de métaux lourds sont plus sains et leurs produits dérivés moins taxés que ceux de mes concurrents.
    J’ai donc plus de clients pour mes farines ou mes conserves de légumes car je peux adopter des tarifs concurrentiels et résister à la concurrence d'où qu'elle vienne.

Mais la TVA.D c’est quand-même une TVA ? 

Et donc les produits seront autant taxés qu’aujourd’hui, comment l'état pourrait se passer d'une telle recette ?

Aujourd’hui, la TVA représente à peu près 7% du PIB.
Demain, la TVA.D devra être inférieure voire nulle et rendre les produits attractifs car beaucoup moins chers.
C’est même LA condition du succès !

C’est vrai, mais l’économie circulaire va permettre à tous, entreprise comme état de faire de grosses économies.
D’après un rapport demandé à McKinsey par la Fondation Ellen Macarthur, les entreprises en Europe devraient économiser environ 220 milliards d'euros par an sur leurs achats de matières premières, dont beaucoup sont importées.
Cette réduction des dépenses à l’importation de matières premières, la France en bénéficiera.

Dans quelle proportion cette économie sur le budget des matières premières importées pourra compenser le manque à gagner en passant de la TVA à la TVA.D ?
Mais si le chômage recule et que la richesse progresse…

Une mine d’emplois nouveaux !

L'économie circulaire est créatrice d’emplois ! Des emplois durables, spécialisés et non spécialisés !

Le même rapport indique que "le recyclage de 10 000 tonnes de déchets nécessite jusqu’à 250 emplois contre 20 à 40 emplois pour l’incinération et 10 emplois pour la mise en décharge".
Or le secteur de la gestion des déchets et du recyclage représente dans les 27 pays de l’Union européenne, entre 1,2 et 1,5 million d’emplois.

Quel taux pour la TVA.D ?

Si la TVA.D ne peut pas être nulle (aux exemptions près), elle doit être de manière sensible bien inférieure à la TVA actuelle : on doit vraiment voir la différence !
Je ne fais pas de pronostic, mais par exemple 5% de TVA.D pour un produit raisonnablement recyclable me semble un objectif facile à atteindre.

Prenons un produit dont le tarif hors taxe est de 25 €, avec une TVA à 20%, je le paierai 3 0€.
Avec une TVA.D à 5%, il ne me coutera plus que 26,50 €.

Un produit dont le prix hors taxe est de 2 000 € sera payé 2 400 € avec une TVA de 20%, et seulement 2 200 € avec une TVA.D à 5%.
Mais on doit pouvoir faire moins : pourquoi pas 3% voire 2 % ?
L’achat de produits devrait être facilité par ce mécanisme de TVA.D dégressive. On assistera à une relance par les achats intérieurs (on ne peut alors plus dire "consommation").

Et les produits importés de l’étranger ? 

A l'instar des mécanismes actuels, soit ils sont soumis à la TVA à 20%, soit ils sont éligibles à la TVA.D parce que leur fin de vie est prévue pour ne pas laisser de déchets ou que ceux-ci sont réutilisables.

Nos partenaires et concurrents seront donc incités à revoir leurs process et la conception de leurs produits pour rester compétitifs sur notre marché.
La concurrence des pays à bas coût de main d’œuvre sera d’autant moins dangereuse pour notre économie que les emplois créés par l’économie circulaire sont non délocalisables à 90%.

Quel impact sur les pays à bas coût de main d'oeuvre ? 

C’est vrai, on peut s’en inquiéter.
Ils seront de fait incités à produire de manière durable s’ils veulent exporter, mais surtout ils vont pouvoir fournir leur propre marché intérieur en croissance par le nombre d’emploi généré par les différentes filières de recyclage, de réparation et de retraitement des matières premières de réemploi.

On peut même penser qu’ils nous en apprendrons beaucoup sur la manière de prolonger la durée de vie des produits ! Beaucoup d’entre eux sont experts dans la réparation de ce que nous jetons si facilement !

Chacun fait sa part

L'apparition de Nicolas Hulot à la télévision le 22 novembre 2018 m'a laissé sur ma faim et a suscité cette brève réflexion qui ne vaut que parce que vous l'avez lue.
Elle est ma part d'action, tel le colibri qui fait sa part contre l'incendie de forêt en transportant en son bec l'eau pour l'éteindre.
En cette fin décembre 2018, plus d'un million de français ont, en 2 jours, signé une pétition pour accélérer la transition écologique. Cela seul compte. Je l'ai signée.

Benoît Corteel

Références et compléments
L'économie circulaire c’est ce qui survient quand au moins la moitié des gens d’un pays gagnent leur vie en travaillant selon le modèle économique "en boucle", se passant ainsi de la notion de déchet. Son objectif est de produire des biens et services tout en limitant fortement la consommation et le gaspillage des matières premières, et des sources d'énergies non renouvelables.

Une économie devient "circulaire" quand plus de la moitié des gens d’un pays ne consomment plus, mais utilisent des biens et services durables, que d’autres peuvent réutiliser quand on n’en a plus besoin. 
On continue à acheter (et vendre), on continue à coter des entreprises en Bourse afin qu’elles trouvent des moyens financiers de se développer et on cote et échange des projets en Bourse de Projets afin que les entreprises développent leur  "valeur-travail".

Pour aller plus loin : 

samedi 13 février 2016

Un porte-conteneurs est-il plus écologique qu'une Twingo ?

​Porte-conteneurs géants, début de construction de l'autoroute de la soie pour relier Chine et Europe, projet de tunnel sous le détroit de Béring...
Les transports internationaux sont en effervescence.


Au delà des considérations géopolitiques et des défis techniques que soulèvent ces nouveautés, j'ai souhaité aborder l'aspect énergétique et écologique.

Les porte-conteneurs, mastodontes frugaux

Ces navires démesurés impressionnent par leur gigantisme.
Les plus récents, longs de 400 mètres et armés par moins de 20 personnes, emportent 18 000 conteneurs, c'est à dire, grosso modo, l'équivalent de 9 000 camions semi-remorque.
Ils effectuent les 20 000 km de traversée entre la Chine et l'Europe en une grosse trentaine de jours.

Porte-conteneurs géant Bougainville aux environs de Hambourg (photo Wikimedia Commons)
Le passage à la pompe d'un tel rafiot réjouit les émirs pétroliers.
Pour aller de Shenzhen au Havre, la consommation s'élève à pas moins de 4.5 millions de litres de fuel, soit 100 000 pleins de ma Twingo diesel.
Chaque voyage absorbe l'énergie dépensée annuellement par 1 500 français.

Toutefois, ces chiffres astronomiques masquent une grande efficacité.
Transbahuter 100 kg au sein d'un conteneur entre le pays de Confucius et celui de Descartes ne demande qu'un peu plus de 4 kg de CO2.
Autant que pour les véhiculer en camion sur 1 500 km.

Tout est dans l'effet d'échelle, le transport de marchandises équivalentes par péniche requiert 6 fois plus de combustible.

Pour être complet, il convient de préciser que si les porte-conteneurs sont économes en carbone, ils recrachent des volumes importants de dioxyde de soufre et de particules fines car le fuel lourd qu'ils emploient est une immonde cochonnerie plus proche du goudron que du carburant pour Formule 1.
La photo ci-dessus montre d'ailleurs un intéressant panache de fumée noirâtre.

Les poids-lourds, flexibles mais gourmands

Si, après-demain, l'autoroute de la soie est construite, la Cité Interdite se trouvera à 10 000 km terrestres de la Tour Eiffel.
Avec un système de relais de chauffeurs, le fret devrait mettre environ 8 jours entre les capitales chinoises et françaises.

Ce gain de temps et la plus grande finesse de choix des points de départ et d'arrivée sera loin d'être gratuite.
Les coûts salariaux seront 2 000 fois plus importants que pour un trajet maritime et la dépense énergétique 10 fois plus élevée, autour de 40 kg de CO2 pour 100 kg.

Le train, un excellent compromis

Sur longue distance, le ferroviaire pourrait s'avérer un client sérieux.
Vitesse commerciale plus qu'honorable et régularité - 4 à 5 jours de Beijing à Paris sont imaginables - se conjuguent avec une sympathique efficacité énergétique.

Tracté au diesel ou mu par de l'électricité d'origine thermique, un train émet 3 fois plus de CO2 pour une même cargaison qu'un porte conteneur mais quand même 4 fois moins que des semi-remorques.

Alimentés par de l'électricité non carbonée, c'est-à-dire hydraulique ou nucléaire, les cheminots battent les marins et leurs navires géants à plates coutures.

Seul bémol, le rail demande plus d'investissements que la route ou la mer.
Un porte-conteneurs géant ne coûte qu'entre 100 et 500 km de voies ferrées.
De surcroît, la production électrique est encore plus vorace en finances. Une centrale thermique, suivant sa taille, vaut de 3 à 15 bateaux géants.

La voiture, gloutonne méconnue

Même les toutes petites cylindrées ne réussissent pas à rivaliser avec les transports de masse.

Si je rabat les sièges de ma Renault Twingo et que je la charge à bloc, les 400 kg embarqués demanderont par kilomètre parcouru autant de gazole que 50 tonnes acheminées par porte-conteneurs ou que 4 tonnes roulant dans un camion.

L'avion, quoiqu'un peu moins mauvais, tient compagnie à la bagnole en queue de peloton.

Shenzhen - Rotterdam, Rotterdam - Lyon et Lyon - Grenoble même combat !

Distance en kilomètres pouvant être parcourue par 100 kg de marchandises pour une même émission de 4 kg de CO2 en fonction des modes de transport.
30 000 km en train alimenté par de l'électricité non fossile ou 150 km en voiture individuelle ont le même impact carbone.

Pour rendre ces données plus palpables, je vous propose pour conclure un petit scénario récapitulatif.

Un tailleur de clefs à pipe du sud de la Chine réussit à séduire un importateur hollandais à qui il expédie un conteneur rempli à ras bord de ces denrées coudées.
Le transport transcontinental requiert 4 kg de CO2 pour 100 kg de quincaille.

L'entreprise batave trouve un distributeur au coeur de la nouvelle région Rhône-Alpes-Auvergne qui se fait fort de fourguer un semi-remorque complet de ces superbes outils.
Cette partie du trajet demande elle aussi 4 kg de CO2 pour 100 kg de camelote.

Tel le bon samaritain soucieux de plaire à son entourage, j'effectue une commande groupée que je vais chercher avec ma voiture personnelle dans la capitale des Gaules afin de la ramener et la disperser dans celle des Alpes.
Ce dernier parcours nécessite, comme ses prédécesseurs, 4 kg de CO2 pour 100 kg de clefs à pipe chinoises.

Carboniquement votre

Références et compléments
Voir aussi les chroniques :

Merci à Laurent qui m'a soufflé le thème de cette chronique et qui, en retour, devrait être soufflé par les chiffres qui y figurent.

Probablement admiratifs de cette chronique, les très démocratiques gouvernements chinois et iraniens ont le 15 février 2016 (2 jour après la parution de ce billet) ouvert une "route de la soie" ferroviaire en reliant par train de fret Beijing à Téhéran via l'Asie Centrale en 14 jours.
Plus de détails grâce à l'AFP en suivant ce lien.

Les données proviennent :
L'image du porte-conteneurs Bougainville de CMA CGM provient de Wikimedia Commons. Elle a été diffusée par "Buonasera" et est couverte par une licence Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported.

samedi 23 mai 2015

J'accuse Émile Zola d'embrouiller notre perception de l'économie

Plus d'un siècle après sa mort, l'auteur de Germinal, dont les romans sont très présents dans l'imaginaire collectif français, biaise nos perceptions de l'économie d'aujourd'hui.

À son époque, lors de l'essor de l'industrie, les objets manufacturés étaient essentiellement constitués de matériaux et de travail manuel réalisé au coeur d'usines par des cohortes d'ouvriers mal payés.
Depuis, la part d'information incorporée dans les différents biens n'a cessé d'augmenter exponentiellement.

Concevoir, fabriquer et vendre un produit a toujours demandé de l'information à chacune des étapes.
  • Les bureaux d'études manipulent des plans, des programmes et des calculs.
  • Une usine reçoit des commandes, en transmet d'autres à ses fournisseurs et définit ce qui est effectué sur chaque poste de travail, à quel moment et en quelles quantités.
  • Toute la chaîne logistique piste et flèche livraisons et stocks.
  • La commercialisation suppose d'informer et de séduire les clients potentiels sur les prix et les spécificités du produit que ce soit par le design, la publicité, la documentation ou encore le bouche à oreille.
Toutefois, depuis le XIXème siècle, les perfectionnements et diversifications successifs ont accru la quantité d'information agrégée dans nos achats.

Si une Renault Twingo coûte moins cher à l'achat, consomme moins de carburant et nécessite moins de matières premières qu'une 4 CV de la même marque, c'est avant tout le résultat de la manipulation de beaucoup plus d'informations tout au long du cycle de vie des voitures.
Ainsi un fiacre, dont la conception n'avait guère évolué depuis les romains et qui était fabriqué et vendu dans sa ville d'utilisation, requérait moins d'informations qu'une Ford T.
Cette dernière, peu complexe, était moins avide en bits qu'une Citroën DS, désormais totalement dépassée sur ce plan par une Smart ou une Audi.

Et que dire des appareils électroniques et informatiques qui peuplent désormais notre quotidien ?

En un gros demi-siècle, l'équation économique entre matériel et intangible s'est quasiment inversée.
Vers 1950, sur 100 Francs d'achats d'objets manufacturés grand public, 65 Francs rémunéraient des matériaux et du travail manuel et seulement 35 Francs étaient consacrés à de l'information.
Aujourd'hui, 100 € d'achats similaires se répartissent en 60 € d'information et 40 € de matériel.
Dans beaucoup de services, dans les biens à destination des entreprises ainsi que dans les ordinateurs, smartphones et autres gadgets électroniques, la part d'information est plus élevée.

Proportion de coûts liés à l'information et de coûts matériels dans les objets manufacturés grand public, en France, en 1950 et en 2015.
Ces changements sont porteurs de conséquences que nous peinons à appréhender.

Le lent, mais inexorable, déclin de la classe ouvrière au profit des "manipulateurs de symboles" en est un.
L'usine et le champ ne sont déjà plus les lieux privilégiés de la production économique et de l'emploi.
Dans ces conditions, le salariat pourra-t-il perdurer ? La question mérite d'être posée. Les réponses sont loin d'être évidentes et confortables.

Une autre mutation insuffisamment mise en valeur est que la croissance économique, qui reste le meilleur antidote au chômage, est de plus en plus immatérielle.
C'est une excellente nouvelle pour la planète. Personnellement, je préfère l'informatique à la décroissance, au plan philosophique mais aussi - surtout ? - au niveau pécuniaire.

Info-zolaïquement votre

Références et compléments
Au printemps 2017, j'ai rebondi sur le propos de cette chronique accusatoire et j'en ai fait une vidéo de la série "Le Projet Fait Rage".


- Les chiffres sur la valeur en information de nos achats découlent de ratios que j'ai publié dans mon livre "Développer un produit avec les méthodes agiles" (Éditions Eyrolles). Ils étaient eux-même issus de travaux de Daniel Cohen.

- Voir aussi les chroniques
. Le prix de l'essence et des voitures en forte baisse

- L'expression "manipulateurs de symboles" est de Robert Reich.

mercredi 25 mars 2015

10 questions pour résister au marketing téléphonique et s'amuser à clore le bec aux importuns

Il ne se passe plus de semaine sans que je reçoive plusieurs appels téléphoniques aussi intempestifs que publicitaires.

Des correspondants aux accents variés interrompent occupations domestiques et rédaction de chroniques pour, à les croire, améliorer mon bien-être énergétique et immobilier.
Soi-disant mandatés par Électricité De France ou le Ministère de l'Écologie, ils terminent toujours leur baratin introductif par la même question rituelle “êtes-vous bien propriétaire d'une maison individuelle dans la commune de Meylan ?”.

Tout bon psychologue comportemental explique qu'avoir la faiblesse de répondre à cette injonction, fait mettre le doigt dans un engrenage pouvant conduire tout droit au diagnostic thermique générateur de refroidissement de compte en banque.
À ce stade, le psychologue comportemental cède alors le pas au jésuite qui, fort de sa sagesse ancestrale, conseille de contrer cette interrogation par une autre question.

Soucieux de la tranquillité d'esprit et des finances des lecteurs de ce blog, je vous propose dix réparties prêtes à l'emploi pour clore le bec à cette forme de harcèlement qu'est le marketing téléphonique non sollicité.

Êtes-vous bien propriétaire d'une maison individuelle dans la commune de Meylan ?
  • 0) Et vous ?
     
  • 1) Ai-je l'honneur et le privilège de communiquer avec un agent de la police ou de la gendarmerie nationale ou encore de l'administration fiscale ?
    Je ne délivre ce type d'information qu'à ces représentants du pouvoir régalien de l'état, à la condition expresse qu'il soient mandatés par une réquisition judiciaire en bonne et due forme.
     
  • 2) Aimez-vous Brahms ?
     
  • 3) Vous tombez à pic, j'allais vous justement vous appeler.
    Je commercialise d'excellents poêles à mazout dont les gaz de combustion possèdent des teneurs minimales en CO2, oxydes d'azote et particules fines garanties.
    Seriez-vous intéressé(e) ?
     
  • 4) May you rather speak in English? I don't understand French very well.
    [Utiliser indifféremment l'accent de la Reine, de Yasser Arafat, de Gandhi ou des Tontons Flingueurs]
     
  • 5) Quand je lis la réglementation, je suis perplexe.
    Agissez-vous en vertu du décret 2012-111 du 27 janvier 2012 relatif à l'obligation de réalisation d'un audit énergétique pour les bâtiments à usage principal d'habitation ou bien plutôt du décret 2012-1342 du 3 décembre 2012 relatif aux diagnostics de performance énergétique pour les bâtiments équipés d'une installation collective de chauffage ou de refroidissement ?
     
  • 6) Je crains de n'avoir guère compris le sens de votre interrogation.
    Pourriez-vous avoir l'obligeance, s'il vous plaît, de réitérer votre question ?
    [Enchaîner plusieurs fois cette répartie]
     
  • 7) Peut-on être différent de soi-même ?
    Peut-on avoir des pensées qui ne sont pas les nôtres ?
     
  • 8) Connaissez-vous l'article 222-33-2-2 du code pénal qui stipule - je cite de mémoire - que “le fait de harceler une personne par des propos ou comportements (...) est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende” ?
     
  • 9) Comment est votre blanquette ?
Je suggère d'avoir toujours à portée de téléphone une copie de cette liste. Une manière plaisante de s'en servir consiste à utiliser la répartie dont le numéro coïncide avec le dernier chiffre de la date du jour.

Téléphoniquement votre

Références et compléments
- “Aimez vous Brahms ?” est du à Françoise Sagan, “Comment est votre blanquette ?” à OSS 117.
- Les références et extraits des textes légaux et réglementaires sont strictement exacts et proviennent du site Légifrance.

mardi 30 décembre 2014

N'en déplaise à Jeremy Rifkin, internet n'éclipse pas le capitalisme

J'ai entamé, et probablement je ne terminerai pas, la lecture du livre de Jeremy Rifkin la nouvelle société du coût marginal zéro.

Ce consultant prolifique passe le plus clair de son temps à prodiguer aux grands de ce monde, moyennant quelques kilodollars sonnants et trébuchants, ses précieux avis prospectifs.
Tous les 2 ans, il s'abaisse à s'adresser au bon peuple par le biais d'un best-seller, ni libre, ni gratuit.

Dans sa plus récente production (rassurez-vous, je ne l'ai pas payée), il proclame, en 500 pages filandreuses, que la troisième révolution industrielle provoquée par internet va rendre la production de tous nos besoins à coût marginal nul grâce à l'informatique, aux télécoms, aux imprimantes 3D, à la production individualisée d'énergies renouvelables et aux communaux collaboratifs.
Ces derniers, appelés aussi open source, sont, à l'instar de Wikipedia et des logiciels libres, des informations rendues par leurs auteurs accessibles et utilisables par tout un chacun. Les licences Creative Commons en sont l'emblème le plus connu.
Ce cocktail détonnant va, selon son thuriféraire, rien moins que provoquer l'éclipse du capitalisme et nous changer tous de consommateurs en prosommateurs (en anglais prosumers).

Ce savant mélange de positivisme béat, d'écologie radicale et de déni des ordres de grandeurs a le don de me hérisser le poil.
Je ne réussis pas à comprendre comment, à partir de phénomènes indéniables, un gourou autoproclamé peut tirer des conclusions aussi peu étayées et surtout fasciner nombre de nos décideurs politiques, dont Angela Merkel, Nicolas Sarkozy, Arnaud Montebourg et François Hollande.

Je vous propose donc d'examiner de plus près quelques unes des prophéties de Jeremy Rifkin.

Ne pas confondre coût marginal zéro et coût total nul

Il est vrai que, dans les domaines liés à l'informatique au sens large, le coût individuel d'un traitement ou d'un stockage - ce que les économistes appellent le coût marginal - tend vers zéro.
Par exemple, à partir du moment où vous avez fait l'acquisition d'un disque de plusieurs téraoctets, y loger vos dernières photos de vacances ne requiert aucun débours additionnel.
Toutefois, obtenir un coût marginal réduit suppose en amont des investissements souvent conséquents, dans notre exemple l'achat initial du disque.
Internet repose sur des réseaux de télécommunications et des data centers à la fois fort peu immatériels et très onéreux. Ainsi, si votre opérateur vous facture un forfait mensuel et non un prix à chaque transaction, c'est parce que l'arrivée de cette chronique sur votre terminal ne lui cause aucune dépense spécifique mais que la construction et l'entretien de son réseau doivent être couverts par des recettes.
La troisième révolution industrielle, à l'instar des deux précédentes, est mue par des infrastructures massives requérant des financements colossaux.
De même, la production énergétique, quelle que soit sa forme, classique ou renouvelable, massive ou décentralisée, est aussi un gouffre à investissements. Les technologies respectueuses de notre planète ne sont pas pour autant moins avides en capital.
À titre d'illustration, pour faire rouler l'intégralité du parc automobile français à l'électricité solaire, en faisant fi des menus problèmes d'acheminement et de stockage de l'énergie, un rapide calcul montre qu'il faudrait implanter de l'ordre 140 000 hectares de panneaux photovoltaïques, l'équivalent de 6 forêts de Fontainebleau.
Un tel équipement coûterait la bagatelle de 1 500 milliards, 23 000 euros par français, 9 mois de PIB. On est très loin d'un coût nul, même en imaginant des améliorations technologiques.

Le bénévolat a toujours existé

Il est parfaitement exact que l'irruption des communaux collaboratifs bouscule des business parfois établis de longue date.
La publication d'encyclopédies n'a pas survécu à Wikipedia, les éditeurs vacillent sous l'effet des copies et l'industrie du logiciel est durablement transformée par l'irruption du libre.
D'une manière générale, il est probable que la propriété intellectuelle traditionnelle ait pris une belle volée de plomb dans son aile.
Toutefois, au cours de l'histoire économique, les limites entre activités marchandes et non marchandes, voire bénévoles, n'ont cessé de fluctuer. Le capitalisme depuis son essor au début du dix-neuvième siècle s'est d'ailleurs toujours très bien accommodé des coopératives en tous genres.
Trois exemples, parmi de nombreux autres, de ces frontières floues de l'emprise des marchés :
  • Jusque vers le tiers du vingtième siècle, la santé était majoritairement l'apanage de la charité et du bénévolat.
  • Les tâches domestiques, longtemps rétives à tout négoce, restent encore largement hors marché, même si les équipements électroménagers - investissements non négligeables - ont secoué la donne.
  • Une grande partie des biens et services que nous utilisons dépendent de brevets tombés dans le domaine public, c'est à dire librement et légalement exploitables.
Les nouveaux communaux collaboratifs, grâce à la technologie, rendent non marchands ou plutôt indirectement marchands des domaines inédits. C'est un défi d'importance pour les entreprises et l'emploi des secteurs concernés mais pas une mise à mort des lois générales de l'économie.

Toute notre consommation n'est pas imprimable

Il est indéniable que la spectaculaire et récente amélioration de l'impression 3D va troubler des productions bien établies. C'est une des multiples mutations en cours dont toutes les conséquences ne sont pas encore perceptibles.
Toutefois, si nous examinons notre usage de biens et services, une bonne part n'est guère reproductible en 3D : l'alimentation et les autres éléments d'origine organique, les composants électroniques à commencer par ceux employés dans les imprimantes, les matériaux de construction, les avions, les trains, etc...
Là encore, des secteurs entiers de l'économie vont être affectés par ces évolutions et la frontière marchand - non marchand va être redessinée.
Grâce à ces changements techniques et sociétaux - Joseph Schumpeter aurait dit ces destructions créatrices - les capitalistes ont encore de très beaux jours devant eux, à commencer par les fabricants, les vendeurs et les exploitants d'imprimantes 3D.


Une des mutations que Jeremy Rifkin oublie de mentionner est que grâce à internet, notamment au communal collaboratif Wikipedia et à l’hydre capitaliste Google, les discours des experts de tout poil sont devenus aisément vérifiables.

Marginalement votre

Références et compléments
- Voir aussi la chronique "un monde sans droits d'auteur, ni brevets est possible"
- Pour évaluer par vous-même les succulents avis de Jeremy Rifkin dans son impérissable livre La nouvelle société coût marginal zéro : l'internet des objets, l'émergence des communaux collaboratifs et l'éclipse du capitalisme, tout en mettant en pratique ses conseils avisés sur les communaux collaboratifs, je vous suggère ce lien.
- Je tiens à disposition des lecteurs le détail du calcul des panneaux solaires pouvant alimenter les voitures électriques.
- Merci à Myriam de m'avoir suggéré l'oeuvre indépassable de Jeremy Rifkin.

mardi 5 août 2014

Travailler une demi-journée par semaine, est-ce possible ?

De nombreux "écos" - comprenez écologistes et économistes - prônent que la décroissance est la seule issue à la crise à visages multiples contre laquelle nous nous débattons depuis une trop grande lurette.

La décrue de notre Produit Intérieur Brut aurait, à en croire ses thuriféraires, de multiples avantages : baisse des atteintes à l'environnement, moindre consommation des ressources naturelles, meilleure répartition d'un travail devenu plus utile et, cerise dans l'infusion, plus de temps libre.

Afin de donner un peu de consistance à ce dernier point, je me suis livré au petit calcul que voici.

Actuellement en France, 43 millions de personnes ont entre 15 et 65 ans, ce que le très officiel et onusien Bureau International du Travail considère comme l'intervalle d'âge normal pour travailler.
Deux gros tiers, 30 millions, ont effectivement un emploi. L'autre petit tiers, 13 millions, sont chômeurs, étudiants ou préfèrent ne pas exercer d'activité professionnelle.

Les heureux bénéficiaires d'un boulot étant censés y consacrer 35 heures par semaine, en moyenne sur l'ensemble de la population, la durée de travail s'établit donc à 24 heures hebdomadaires.
La semaine de 3 jours est déjà une réalité statistique, à défaut d'être entrée pleinement dans les mœurs.

La décroissance suppose que, petit à petit, nous nous débarrassions du superflu et de l'ostentatoire qui polluent notre quotidien. Un mode de vie plus frugal nous serait bénéfique et permettrait de moins bosser.

Afin de déterminer quelques ordres de grandeur, j'ai choisi, un peu arbitrairement, de viser le niveau de la fin du dix-neuvième siècle.
En effet, sensiblement à partir de 1870, les français de toutes conditions ont mangé régulièrement à leur faim.
Pour ce faire, à l'époque, deux tiers des travailleurs étaient des paysans qui effectuaient, toute l'année, des semaines de 60 heures de labeur.
Désormais, l'ensemble de la filière agricole, au sens très large, n'emploie plus qu'un actif sur douze, 2.4 millions de personnes.
Si ce travail des champs et de la terre était réparti sur la totalité de la population susceptible de travailler, 2 heures par semaine et par personne suffiraient pour nourrir la France.

Pour obtenir la production industrielle, tertiaire et administrative de 1870, grosso modo, là encore, avec nos techniques actuelles, 2 heures hebdomadaires par adulte feraient l'affaire.

À condition de mobiliser de fortes doses de bonne volonté, de civisme et d'organisation collective, nous pourrions donc ne turbiner qu'une demi-journée par semaine, profiter grandement de la vie tout en mangeant sainement et en ayant le mode de vie de mes arrière-grands parents.

Avant de vous quitter, trois petits détails que j'ai failli omettre.

En 1870, l'espérance de vie à la naissance était de 45 ans, elle dépasse aujourd'hui 80 printemps.

À cette date, j'aurais rédigé cette chronique un dimanche après-midi au cœur d'une campagne française et non un mardi d'août en Tunisie. Voyages et vacances étaient le privilège d'une infime élite rentière.
De surcroît, j'aurais eu très peu voire pas de livres à ma disposition ainsi qu'une malchance sur trois de ne pas savoir lire et écrire.
Tout cela n'aurait guère eu d'importance car le télégraphe Morse, summum de la technicité, était alors le seul moyen de télécommunication existant. Personne n'aurait eu connaissance de cet hypothétique billet.
Décroissantiquement votre

Post-scriptum février 2017
Une vidéo de la série Le Projet Fait Rage aborde ce thème d'une autre façon.

Références et compléments
- Voir aussi les chroniques :
. "Bistrots et curés professions sinistrées"
"Généalogie de la croissance - L'histoire familiale raconte l'économie et la démographie"
- Les données de base qui ont permis d'obtenir les chiffres indiqués dans cette chronique proviennent de l'INSEE et de Wikipedia

dimanche 16 mars 2014

Quel risque de rouler dans Paris pollué avec une plaque paire ?

Le gouvernement français a décidé, pour tenter de venir à bout d'un pic tenace de pollution, d'imposer, lundi 17 mars 2013, la circulation alternée dans la première couronne parisienne. Seule les voitures arborant une plaque d'immatriculation impaire auront le droit de rouler.

Pour faire respecter cette mesure de parité, la préfecture de police a annoncé haut et clair que 700 policiers seraient mobilisés "sur le terrain" pour effectuer des contrôles qui puniront les contrevenants d'une amende de 22 € et d'une injonction à rebrousser chemin, probablement parce que les véhicules retournant à leur point de départ n'émettent aucune pollution.
Ce dispositif écolo-répressif est-il aussi impressionnant qu'il en a l'air (pollué) ?
Examinons ensemble quelques ordres de grandeur.

La première couronne de Paris compte 4.4 millions d'habitants, un français sur 14.
Le parc automobile national regroupe 38 millions de véhicules.
Donc, grosso modo, 3 millions de voitures sont concernées par la mesure.

En supposant que trois quarts de ces autos roulent chaque jour et parcourent un trajet moyen de 45 minutes, on obtient, sensiblement, qu'à chaque heure de la journée 225 000 voitures arpentent Paris et sa proche banlieue.
Si l'ensemble des automobilistes s'avèrent parfaitement respectueux des consignes ministérielles, ce nombre devrait être ramené demain à 125 000.

En supposant la productivité policière au mieux de sa forme, chacun des pandores placés au bord des rues devrait être capable de verbaliser environ 1 automobiliste récalcitrant toutes les 5 minutes, soit 12 par heure.
Au total, à chaque tour d'horloge, 8 400 PV pourraient être dressés, pour un chiffre d'affaire de 185 000 €, soit 1/700ème des dépenses publiques nationales, pas de quoi boucher le déficit.

Si, demain, un automobiliste parisien muni d'une plaque paire décide de braver l'interdiction, il aura moins d'une chance sur 15 d'être pincé par les brigades de Valls, s'il est quasiment le seul à braver la loi.
Bien entendu, si son manque de conscience civique et écologiste est partagé par beaucoup de ses congénères, la probabilité de se faire gauler pourrait descendre à une chance sur 30.

L'utilisation des technologies modernes, avec des applications comme Waze qui indiquent la position des contrôles de police, diminue drastiquement les possibilités d'être pris en infraction en changeant légèrement d'itinéraire.

Probabilo-inciviquement votre

jeudi 20 décembre 2012

Éloge de l'Écologie et du Politiquement Correct

Depuis environ cinq décennies, une avant-garde éclairée de l'Humanité s'est courageusement levée pour protéger notre Environnement et éveiller nos Consciences.
Désormais, toute menace potentielle vis-à-vis de la Planète et de son bel Équilibre est la cible de Résistants rassemblés sous la bannière radieuse de l'Écologie. De plus en plus en fréquemment, leur Action porte ses fruits et nombre de projets délétères sont retardés, réduits et même annulés.
Il est regrettable que ces Croisés d'un nouveau genre n'aient pas agi nettement plus tôt, la Terre et notre Quotidien y auraient gagné des visages autrement plus avenants.
Jugez sur pièces.

- Si les chamanes périgourdins avaient été empêchés de barbouiller leurs tags à connotation religieuse dans un espace public, la grotte de Lascaux conserverait encore aujourd'hui sa pureté minérale.

- Si les Paysans de Mésopotamie s'étaient contentés de manger des croissants dans leur campagne fertile, les carrières d'argile du Sud de l'Irak et leur fragile écosystème seraient encore intacts.
L'hideuse et très dense métropole de Sumer ne serait pas devenue un champ de ruines vu qu'elle n'aurait jamais existé.
De surcroît, l'Humanité continuerait à utiliser avec bonheur l'ancestrale et économe tradition orale plutôt que de se vautrer dans la facilité apportée par l'écriture, très consommatrice de ressources rares.

- Si les indisciplinés Moïse et Mahomet s'étaient abstenu de piétiner les réserves naturelles du Mont Sinaï et des Hauteurs de la Mecque, ils n'auraient jamais été illuminés en regardant le ciel.
De même, si un certain Jean Baptiste n'avait pas utilisé la trop rare eau du fleuve Jourdain pour un usage frivole et non agricole, le dénommé Jésus se serait contenté d'être un sympathique charpentier de Cisjordanie le jour et un vaillant Combattant contre le colonialisme de Rome la nuit.
Les religions monothéistes seraient restées lettre morte et nous vivrions heureux dans la Laïcité Originelle.
A minima, le gourou palestinien Abraham, prenant exemple sur ses confrères vachophiles des Indes, aurait pu s'abstenir d'immoler un Mouton dont la Vie n'a pas moins de valeur que celle d'un homo sapiens.

- Si, à défaut de renoncer à l'écriture, les égyptiens avaient continué à utiliser, et surtout à recycler, des tablettes de terre cuite, les roseaux des marais du Nil, improprement appelés papyrus, n'auraient pas été décimés par une exploitation quasi-industrielle.
De surcroît, les prairies pelées de la périphérie d'Alexandrie auraient été préservées de la destruction provoquée par l'édification de la grande bibliothèque. Par chance, à l'instar d'un vulgaire fast food aveyronnais, cet emblème de la vanité humaine a été entièrement mis à bas et incendié par les précurseurs de José le Moustachu.

- Si Louis Croix-Bâton-Vé n'avait pu obtenir un permis de construire une résidence de 2300 pièces sans label Haute Qualité Environnementale à Versailles et de raser la forêt amoureusement conservée par son défunt père, des hordes entières de sangliers vivraient toujours dans leur habitat naturel et la noblesse millénaire régenterait encore les provinces de France, en vertu de traditions solidement établies.

- Si Gustave Eiffel n'avait pas eu le droit d'ériger une tour géante au milieu de Paris, le minerai de fer serait demeuré dans le sous-sol lorrain, ce qui permettrait, aujourd'hui, aux métallos de Florange de redémarrer leur haut-fourneau fumant ...

Écolo-anachroniquement votre

Références et compléments
- Merci à Jean qui m'a soufflé la réactionnaire idée directrice de cette chronique.
- La structure métallique de la Tour Eiffel est en fer puddlé produit dans les ateliers de Dupont et Fould de Pompey en Lorraine.

mercredi 17 octobre 2012

A Florence Lamblin, les daltoniens reconnaissants

J'inventai la couleur des voyelles !
Arthur Rimbaud

Au nom des trois millions de daltoniens français, je tiens à adresser mes plus vifs remerciements à Florence Lamblin, adjointe au maire de mon arrondissement parisien natal. Depuis ce week-end, cette élue, empêtrée dans une sale affaire judiciaire, nous en fait voir de toutes les couleurs ce qui ne peut que réjouir les personnes qui ont du mal à les distinguer.
Jugez sur pièces.

Cette verte, qui siège avec des roses et des rouges, est accusée de blanchiment. La police aurait retrouvé, dans un coffre lui appartenant, moult billets violets, jaunes et bleus.
La présumée innocente est aussi actionnaire à 40% de l'entreprise Sexecolo qui allie "l'écologie et la sexualité" et commercialise sur internet des objets de plaisir aux magnifiques teintes pastels.

Si l'avocat marron qu'elle a engagé ne redonne pas très vite une blancheur virginale à sa réputation écornée, cette fraudeuse putative risque de se retrouver à l'ombre dans un environnement assez terne.
A n'en point douter, quelques daltoniens compatissants iront alors lui porter des oranges ...

Coloriquement votre

Références et compléments
- Voir aussi les trophées Dalton d'or remis aux parcmètres des Baux de Provence et aux sites d'informations routières
- Article de Paris Match détaillant les activités commerciales de la verte soupçonnée de blanchir.
- Ce blog tout public ne saurait accueillir un lien vers le site de l'entreprise Sexecolo, l'extrême pureté biologique et environnementale des objets proposés au chaland pouvant choquer les âmes jeunes ou sensibles.

lundi 20 août 2012

Le Commandant Cousteau honoré par Moncef Marzouki

Ces derniers jours, presse et réseaux sociaux ont abondamment commenté la photo ci-dessus où le binoclard en chef et très provisoire président de la Tunisie Moncef Marzouki remet un cadeau à une personne dont la totalité du corps à l’exclusion des yeux est recouvert.

La tonalité générale des gazettes et des blogueurs était que, par ce symbole, Moncef Marzouki faisait fi des acquis féministes tunisiens, foulait au pied ses idéaux droit-de-l’hommistes et offrait une magnifique publicité aux tenants d’un islam intégral.

Je suis au regret de m’inscrire en faux contre ces critiques qui auraient du se souvenir que, pas plus que le moine, l’habit ne fait l’imam.
La personne célébrée par le président tunisien n’est autre que Francine Triplet, seconde et dernière épouse de feu le Commandant Cousteau. Depuis la mort de son mari, cette veuve éplorée vit en permanence revêtue d’un scaphandre afin d’honorer la mémoire du plongeur au bonnet rouge. Tout au plus, consent-elle dans certaines occasions spéciales à ne pas arborer masque, tuba et bouteilles d’oxygène.

En recevant au Palais de Carthage, la continuatrice de l’œuvre du Commandant Cousteau, Moncef Marzouki a fait d’une pierre deux coups.
D’une part, il a célébré la mémoire d’un grand humaniste, défenseur des crustacés, champion de la décroissance démographique et partisan de la stérilisation des pauvres.
D’autre part, le président tunisien a réalisé le rêve de l’enfant qu’il était naguère et qui regardait avec passion « le Monde du Silence ». A soixante-sept ans révolus, il a, enfin, pu serrer la main, fût-elle gantée, d’un membre de la prestigieuse équipe de la Calypso.

Scaphandriquement votre

Références et compléments
- Voir aussi les autres chroniques mettant en scène le binoclard en chef Moncef Marzouki

jeudi 24 novembre 2011

Visions politiques - Chronique franco-tunisienne


Depuis le 5 octobre 2011, un quart de l'humanité est orphelin d'un représentant emblématique. L'arrivée imminente de Moncef Marzouki à la présidence de la république tunisienne devrait combler ce trou béant.

Le décès de Steve Jobs a laissé les myopes de la planète sans icône. L'ami des pommes avait choisi d'arborer fièrement ses lunettes, sans chercher à les escamoter à l'aide de lentilles ou de chirurgie au laser. Il avait ainsi revitalisé le poste d'ambassadeur universel des binoclards, vacant depuis l'assassinat en 1948 du Mahatma Gandhi.

Cette fois, le délai de carence aura duré moins de deux mois. Les accords politiques, fruits des élections en Tunisie, ont amené sur le devant de la scène une vraie taupe, fière de l'être. La grande tribu des bigleux a retrouvé un leader à sa mesure. Pour preuve, le symbole de son parti sur les bulletins électoraux était une paire de bésicles.

La France, régulièrement en retard sur la Tunisie en matière de parité politique, a décidé de reprendre à l'antique Carthage le poste tant convoité de miro en chef. Les écologistes ont donc propulsé dans l'arène électorale Eva Joly, la verte aux lunettes rouges. Depuis une semaine, elle se démène pour faire le buzz, espérant éclipser la prochaine accession à la magistrature suprème du champion tunisien des lorgnons.

Entre Moncef et Eva, je dois avouer que mon coeur balance. Les lunettes du premier me rappellent mes années 70 de lycéen myope alors que l'ex-dauphine de Miss Norvège, en jouant délibérément sur le contraste de couleurs, ravit les daltoniens.
Pour résoudre mon dilemme, je n'entrevois comme issue pour nos deux héros des miros que leur mariage et leur installation en Sardaigne, à mi-chemin de la Tunisie et de la France ...

Bigleusement votre