Les frontières telles que nous les connaissons - une ligne bien délimitée séparant deux états - sont historiquement récentes.
Avant 1800, dans l'ensemble du monde, on recensait moins de 20 frontières terrestres délimitées, dont la moitié en Amérique du Sud.
En Europe, seules 5 limites étatiques existaient : entre Espagne et respectivement Portugal et France, entre Suède et Norvège, les contours de la Suisse et la frontière nord-est de la France.
En Afrique, uniquement les parties nord des deux frontières entre Maroc, Algérie et Tunisie étaient déjà tracées.
Très longtemps, ce sont les villes qui affirmaient la souveraineté féodale ou étatique. Ceintes de remparts, on ne pouvait y pénétrer ou en sortir que par quelques portes dûment gardées et fermées durant les nuits et les crises.
Les alentours - villages, champs et forêts - suivaient le mouvement tant bien que mal. D'ailleurs, les habitations en dehors des murailles ont pris, au moyen-âge, le nom de faubourg, dérivé du latin falsus burgus, "faux bourg".
Jusqu'au XVIème siècle, le roi de France concevait son domaine comme une série de villes et n'était pas capable d'en dresser une carte délimitée.
Les frontières d'alors étaient soit naturelles - un fleuve, une ligne de crête - soit épaisses.
Dans ce dernier cas, la frontière était appelée marches ou confins. Il s'agissait de zones mal définies faisant tampon entre deux féodalités.
Les paysans qui y vivaient, étaient déchirés entre des allégeances contradictoires mais bénéficiaient souvent de privilèges en remerciement de leur rôle informel de gardes-frontière.
Hormis pour assurer le ravitaillement et le repos des guerriers, conquérir une marche n'avait aucun intérêt politique ou militaire puisque la puissance d'un souverain se mesurait à l'aune des places fortes qu'il maîtrisait.
Toutefois, les romains et les chinois, peuplades innovatrices, avaient bâti des prototypes de frontière en dressant des murs - murs d'Hadrien, d'Antonin, de Trajan ou encore muraille de Chine - reliant les forteresses marquant les limites - limes en latin - de leur empire.
Les traités de Westphalie en 1648 marquent symboliquement le début des états modernes et de leur corollaire, la frontière ligne. Cette dernière mettra toutefois plus de 150 ans à s'imposer définitivement.
Par exemple, en 1680, la paix de Nimègue qui met fin aux guerres de Hollande entre France, Espagne et Pays-Bas, octroie, entre autres, à Louis XIV la forteresse de Charlemont, au dessus de Givet en Ardenne. Signe d'évolution des esprits, à cette occasion, une bande de territoire - la pointe de Givet - est aussi refilée au souverain français afin qu'il puisse tranquillement ravitailler son nouveau château-fort.
Quelques années plus tôt, seule la possession de la place aurait été négociée.
Le même traité rend d'ailleurs Maastricht aux Pays-Bas. Bien que située à 200 km des autres forts français, cette ville stratégique appartenait à Louis XIV depuis plusieurs années.
Ce n'est véritablement qu'aux XIXème et XXème siècles que les frontières linéaires et homogènes d'aujourd'hui - fruits des révolutions, des guerres et des nationalismes - seront, petit à petit, délimitées.
Toutefois, notre monde moderne a recréé une nouvelle zone de marches : les aéroports.
Cette frontière d'un nouveau genre qui aurait rendu les anciens monarques perplexes, est une limite, non plus entre deux pays, mais entre un état et le ciel.
Lors de l'embarquement ou du débarquement, le passager se trouve dans le même état indéterminé que le manant du moyen-âge ballotté entre deux forteresses.
La zone située après le contrôle de police, bien que géographiquement toujours dans le pays de départ, est un territoire juridiquement flou. Les lois en vigueur alentour cessent de s'appliquer. Il est ainsi possible de se procurer moult tabac et alcool, au mépris des règles sanitaires et fiscales les plus élémentaires.
De même, une personne qui atterrit, bien que déjà physiquement sur le territoire du pays de destination, est loin d'y être légalement admise.
La fin de la marche se situe juste après le poste de garde des gabelous, au bout de long corridors, souvent au pied d'un escalator.
Vivement que les frontières soient abolies !
Aéro-marchiquement votre
Avant 1800, dans l'ensemble du monde, on recensait moins de 20 frontières terrestres délimitées, dont la moitié en Amérique du Sud.
En Europe, seules 5 limites étatiques existaient : entre Espagne et respectivement Portugal et France, entre Suède et Norvège, les contours de la Suisse et la frontière nord-est de la France.
En Afrique, uniquement les parties nord des deux frontières entre Maroc, Algérie et Tunisie étaient déjà tracées.
Les rares frontières terrestres tracées avant 1800 D'après l'article de Ceriscope "La frontière comme enjeu de droit international" de Jean-Marc Sorel [2011] - Droits réservés. |
Les alentours - villages, champs et forêts - suivaient le mouvement tant bien que mal. D'ailleurs, les habitations en dehors des murailles ont pris, au moyen-âge, le nom de faubourg, dérivé du latin falsus burgus, "faux bourg".
Jusqu'au XVIème siècle, le roi de France concevait son domaine comme une série de villes et n'était pas capable d'en dresser une carte délimitée.
Les frontières d'alors étaient soit naturelles - un fleuve, une ligne de crête - soit épaisses.
Dans ce dernier cas, la frontière était appelée marches ou confins. Il s'agissait de zones mal définies faisant tampon entre deux féodalités.
Les paysans qui y vivaient, étaient déchirés entre des allégeances contradictoires mais bénéficiaient souvent de privilèges en remerciement de leur rôle informel de gardes-frontière.
Hormis pour assurer le ravitaillement et le repos des guerriers, conquérir une marche n'avait aucun intérêt politique ou militaire puisque la puissance d'un souverain se mesurait à l'aune des places fortes qu'il maîtrisait.
Toutefois, les romains et les chinois, peuplades innovatrices, avaient bâti des prototypes de frontière en dressant des murs - murs d'Hadrien, d'Antonin, de Trajan ou encore muraille de Chine - reliant les forteresses marquant les limites - limes en latin - de leur empire.
Les traités de Westphalie en 1648 marquent symboliquement le début des états modernes et de leur corollaire, la frontière ligne. Cette dernière mettra toutefois plus de 150 ans à s'imposer définitivement.
Par exemple, en 1680, la paix de Nimègue qui met fin aux guerres de Hollande entre France, Espagne et Pays-Bas, octroie, entre autres, à Louis XIV la forteresse de Charlemont, au dessus de Givet en Ardenne. Signe d'évolution des esprits, à cette occasion, une bande de territoire - la pointe de Givet - est aussi refilée au souverain français afin qu'il puisse tranquillement ravitailler son nouveau château-fort.
Quelques années plus tôt, seule la possession de la place aurait été négociée.
Le même traité rend d'ailleurs Maastricht aux Pays-Bas. Bien que située à 200 km des autres forts français, cette ville stratégique appartenait à Louis XIV depuis plusieurs années.
Ce n'est véritablement qu'aux XIXème et XXème siècles que les frontières linéaires et homogènes d'aujourd'hui - fruits des révolutions, des guerres et des nationalismes - seront, petit à petit, délimitées.
Toutefois, notre monde moderne a recréé une nouvelle zone de marches : les aéroports.
Cette frontière d'un nouveau genre qui aurait rendu les anciens monarques perplexes, est une limite, non plus entre deux pays, mais entre un état et le ciel.
Lors de l'embarquement ou du débarquement, le passager se trouve dans le même état indéterminé que le manant du moyen-âge ballotté entre deux forteresses.
La zone située après le contrôle de police, bien que géographiquement toujours dans le pays de départ, est un territoire juridiquement flou. Les lois en vigueur alentour cessent de s'appliquer. Il est ainsi possible de se procurer moult tabac et alcool, au mépris des règles sanitaires et fiscales les plus élémentaires.
De même, une personne qui atterrit, bien que déjà physiquement sur le territoire du pays de destination, est loin d'y être légalement admise.
La fin de la marche se situe juste après le poste de garde des gabelous, au bout de long corridors, souvent au pied d'un escalator.
Vivement que les frontières soient abolies !
Aéro-marchiquement votre
Références et compléments
- Voir aussi les chroniques frontalières "les confins de l'Union" et "lettre ouverte à Manuel Valls" (qui le 5 mai 2013 n'est toujours pas refermée !).
- Cette chronique doit beaucoup aux publications en ligne de Ceriscope Frontières de Sciences-Po Paris et notamment à l'article de Jean-Marc Sorel "la frontière comme enjeu de droit international".
La carte des frontières tracées avant 1800 reproduite en début de chronique est issue de cet article.
- Deux cartes anciennes du Boudjak, territoire désormais en Ukraine à la limite de la Moldavie, reproduites sur le site histoirepostale.net faisant apparaître le mur romain dit de Trajan.
- Voir aussi les chroniques frontalières "les confins de l'Union" et "lettre ouverte à Manuel Valls" (qui le 5 mai 2013 n'est toujours pas refermée !).
- Cette chronique doit beaucoup aux publications en ligne de Ceriscope Frontières de Sciences-Po Paris et notamment à l'article de Jean-Marc Sorel "la frontière comme enjeu de droit international".
La carte des frontières tracées avant 1800 reproduite en début de chronique est issue de cet article.
- Deux cartes anciennes du Boudjak, territoire désormais en Ukraine à la limite de la Moldavie, reproduites sur le site histoirepostale.net faisant apparaître le mur romain dit de Trajan.