dimanche 7 novembre 2010

Hauts les voiles et bas les masques !

L'avion du retour du Japon volant à une altitude propice à la réflexion d'ensemble, je propose un problème juridique nippo-français à votre sagacité.

Il y a peu, le gouvernement français, soucieux de lutter contre les dérives sectaires, a fait voter une loi interdisant le voile dit intégral - plaisamment appelé burqa en langue pachtoune - dans l'espace public.
Comme au Pays des Droits de l'Homme et de la Laïcité, il ne saurait être question de cogner directement sur une pratique religieuse, ce sont des motifs d'ordre et de sécurité qui ont été évoqués. Chacun, homme ou femme, a le devoir de ne pas dissimuler son visage en présence d'autrui afin de rester reconnaissable en permanence.

Petit souci : environ 5% des japonais portent un masque de protection couvrant tout le visage sauf les yeux, à la fois pour ne pas partager leurs miasmes avec leurs voisins et pour ne pas bénéficier d'éventuels germes en suspension.
Ainsi, le policier ayant vérifié mon passeport à Narita m'a fait l'effet d'un Zorro passé à la chaux. Autre exemple, en ce moment, mes deux voisines dans l'avion arborent une étoffe m'empêchant de détailler leur figure.

Comment la police et la justice françaises - réputées pour leur amabilité et leur efficience - vont-elles faire appliquer cette nouvelle réglementation sur la visibilité publique du visage ?

Première hypothèse : appliquer sans état d'âme cette loi récente que nul - fût-il étranger - n'est censé ignorer et renvoyer immédiatement chez eux les contrevenants nippons.
Après tout, le masque peut dissimuler un yakuza pasteurisé.
Impossible ! L'incident diplomatique avec la seconde économie mondiale serait terrible.
De surcroît, déporter de braves visiteurs venus résorber le déficit de notre commerce extérieur ne serait pas du meilleur goût en cette "période de sortie de crise mondiale d'une ampleur inégalée".

Seconde possibilité : ne pas verbaliser les touristes japonais masqués.
Ce serait faire ouvertement une application sélective à caractère racial ou religieux de la loi. Impossible au pays de l'Egalité !
Et puis, comment distinguer, sans les démasquer, les nippons aux sympathiques motivations hygiéniques d'éventuelles japonaises totalement voilées à la démarche religieuse inquiétante ? (Eh oui ! la burqa peut cacher une ninja !)

Troisième alternative : n'appliquer cette loi que dans les banlieues dites "à problèmes" car il est peu probable qu'un japonais s'y risque vu qu'il aura déjà du mal à quitter Roissy (se reporter à la chronique précédente).
Une variante serait une clause d'extraterritorialité s'appliquant aux Galeries Lafayette, aux boutiques Hermès, à la Tour Eiffel et à Versailles.
Impossible avec un gouvernement qui se targue de "faire appliquer la loi partout sur le territoire de la République" ! La ville de Louis XIV pourrait devenir à cette occasion une banlieue intégriste (peut être l'est-elle déjà ?).

Quatrième option : ne verbaliser aucune personne au visage masqué, car en plus des disciples ultra-religieuses du Commandant Cousteau et des japonais soucieux de leur santé, le carnaval de Dunkerque pourrait entrer au Guinness Book comme la plus gigantesque "garde à vue party".
Impossible car toute loi se doit d'être appliquée !

Bref, ce problème pratique de droit positif me paraît insoluble aussi vos lumières sont, par avance, les bienvenues.
Je remets mon masque afin de cesser de vous contaminer avec mes élucubrations juridiques et me courbe mentalement pour accueillir vos sagaces réflexions ...

Aériennement votre …