Je viens de parcourir le centre piétonnier et commerçant de Grenoble. En ce jour de pont à la météo variable, l'affluence est plus qu'honorable. De nombreux chalands, dont votre serviteur et son épouse préférée, déambulent et visitent les boutiques.
Dans cette ambiance sympathique, le contraste entre les magasins et les usines est flagrant.
Dans le monde de la production, en Europe comme en Asie ou en Amérique, la réduction des coûts est une seconde nature, la productivité une obsession.
Les gestes de chaque ouvrier sont étudiés et calibrés. Les actions inutiles sont systématiquement traquées, la chasse aux rebuts n'est jamais fermée et le mot stock est presque devenu une injure.
L'usine est un lieu de performance avec, simultanément, les bons cotés liés au dépassement et à la remise en cause, mais aussi, les aspects terriblement négatifs que sont le stress, la précarité et, parfois, la mauvaise santé des employés et des managers.
Le commerce de centre-ville, principalement habillement et équipement du logement, se situe aux antipodes de la fabrication des produits qu'il distribue.
Dans les boutiques, à un instant donné, employés et visiteurs sont en nombre équivalent. Le client étant roi, peu de tâches sont prédéfinies. La quantité de marchandises disponibles en magasin est importante et les loyers sont probablement élevés.
Même si la plupart des vendeurs ont une rémunération variant avec leur chiffre d'affaire, l'ambiance est très éloignée de la compétition permanente régnant au sein des usines et des chaînes logistiques.
De ce fait, les coûts commerciaux d'un produit d'habillement pèsent plus du quart du prix d'achat alors que la fabrication ne représente moins d'un sixième.
Le commerce est, avec les médias, le domaine le plus déstabilisé par internet.
Pour acheter en ligne, aucun déplacement n'est nécessaire, les ventes ont lieu 24 heures sur 24, la variété d'offre est incommensurable et la comparaison entre plusieurs produits aisée. De surcroît, si vous êtes, comme moi, immunisés contre la fièvre acheteuse, internet vous soulage de la discussion avec un vendeur.
L'avantage le plus important du e-commerce est sa capacité à proposer des prix attractifs en faisant l'économie des boutiques physiques et de leurs employés. Internet industrialise l'univers de la vente.
L'objection principale à ce changement est la destruction d'emplois qu'il engendre. Si beaucoup d'entre nous sont, à juste titre, inquiets de cette évolution, peu résistent aux sirènes des prix bas.
La Révolution Industrielle a débuté, au dix-neuvième siècle, lorsque les améliorations des techniques agricoles ont libéré les bras qui ont été accaparés par les premières usines.
De même, au vingtième siècle, l'accroissement de la productivité industrielle a dégagé les emplois qui, peu à peu, ont développé la médecine et le système socio-éducatif.
La révolution en cours du commerce aura le même effet. Que nous le voulions ou non, les commerces traditionnels vont s'étioler. Les vendeurs de prestations immatérielles comme les agences de voyage, ont été les premiers à passer à la trappe. Beaucoup vont suivre. Dans les rares qui subsisteront, l'ambiance de travail sera plus proche de l'usine que de l'épicerie de village. D'ici une une ou deux décennies, les centre-ville seront très différents d'aujourd'hui.
Nous allons devoir inventer massivement de nouveaux emplois. Personnellement, j'entrevois deux pistes qui mériteraient d'être explorées.
Tout d'abord, les services à la personne qui ont l'avantage d'être peu délocalisables.
Même si une coupe de cheveux me coûte seulement 1.5 € à Kelibia en Tunisie, j'ai du mal à m'y rendre aussi souvent que ma croissance capillaire le nécessite. Il en est de même pour les massages thaïlandais ou les saunas finlandais.
Certains économistes et politiques ont théorisé cette approche et voient poindre une société dite du "care", c'est dire du soin.
L'autre piste, non exclusive de la précédente, est celle de l'économie de la connaissance.
Après presque deux siècles de progrès industriel, les objets, et même les transports, ne coûtent plus guère. Par contre, l'information et, surtout, son traitement pertinent, prennent de plus en plus de valeur. Inventer les méthodes, logiciels et applications qui, à l'instar de Google, brasseront nos montagnes de données est un champ infini.
Dans ce domaine, la concurrence est mondiale et féroce mais la "vieille" Europe, avec sa culture bimillénaire, possède des atouts incontestables pourvu qu'elle ne sombre pas dans la crise des dettes, le pessimisme et le regret du passé perdu.
Optimistiquement votre
Dans cette ambiance sympathique, le contraste entre les magasins et les usines est flagrant.
Dans le monde de la production, en Europe comme en Asie ou en Amérique, la réduction des coûts est une seconde nature, la productivité une obsession.
Les gestes de chaque ouvrier sont étudiés et calibrés. Les actions inutiles sont systématiquement traquées, la chasse aux rebuts n'est jamais fermée et le mot stock est presque devenu une injure.
L'usine est un lieu de performance avec, simultanément, les bons cotés liés au dépassement et à la remise en cause, mais aussi, les aspects terriblement négatifs que sont le stress, la précarité et, parfois, la mauvaise santé des employés et des managers.
Le commerce de centre-ville, principalement habillement et équipement du logement, se situe aux antipodes de la fabrication des produits qu'il distribue.
Dans les boutiques, à un instant donné, employés et visiteurs sont en nombre équivalent. Le client étant roi, peu de tâches sont prédéfinies. La quantité de marchandises disponibles en magasin est importante et les loyers sont probablement élevés.
Même si la plupart des vendeurs ont une rémunération variant avec leur chiffre d'affaire, l'ambiance est très éloignée de la compétition permanente régnant au sein des usines et des chaînes logistiques.
De ce fait, les coûts commerciaux d'un produit d'habillement pèsent plus du quart du prix d'achat alors que la fabrication ne représente moins d'un sixième.
Le commerce est, avec les médias, le domaine le plus déstabilisé par internet.
Pour acheter en ligne, aucun déplacement n'est nécessaire, les ventes ont lieu 24 heures sur 24, la variété d'offre est incommensurable et la comparaison entre plusieurs produits aisée. De surcroît, si vous êtes, comme moi, immunisés contre la fièvre acheteuse, internet vous soulage de la discussion avec un vendeur.
L'avantage le plus important du e-commerce est sa capacité à proposer des prix attractifs en faisant l'économie des boutiques physiques et de leurs employés. Internet industrialise l'univers de la vente.
L'objection principale à ce changement est la destruction d'emplois qu'il engendre. Si beaucoup d'entre nous sont, à juste titre, inquiets de cette évolution, peu résistent aux sirènes des prix bas.
La Révolution Industrielle a débuté, au dix-neuvième siècle, lorsque les améliorations des techniques agricoles ont libéré les bras qui ont été accaparés par les premières usines.
De même, au vingtième siècle, l'accroissement de la productivité industrielle a dégagé les emplois qui, peu à peu, ont développé la médecine et le système socio-éducatif.
La révolution en cours du commerce aura le même effet. Que nous le voulions ou non, les commerces traditionnels vont s'étioler. Les vendeurs de prestations immatérielles comme les agences de voyage, ont été les premiers à passer à la trappe. Beaucoup vont suivre. Dans les rares qui subsisteront, l'ambiance de travail sera plus proche de l'usine que de l'épicerie de village. D'ici une une ou deux décennies, les centre-ville seront très différents d'aujourd'hui.
Nous allons devoir inventer massivement de nouveaux emplois. Personnellement, j'entrevois deux pistes qui mériteraient d'être explorées.
Tout d'abord, les services à la personne qui ont l'avantage d'être peu délocalisables.
Même si une coupe de cheveux me coûte seulement 1.5 € à Kelibia en Tunisie, j'ai du mal à m'y rendre aussi souvent que ma croissance capillaire le nécessite. Il en est de même pour les massages thaïlandais ou les saunas finlandais.
Certains économistes et politiques ont théorisé cette approche et voient poindre une société dite du "care", c'est dire du soin.
L'autre piste, non exclusive de la précédente, est celle de l'économie de la connaissance.
Après presque deux siècles de progrès industriel, les objets, et même les transports, ne coûtent plus guère. Par contre, l'information et, surtout, son traitement pertinent, prennent de plus en plus de valeur. Inventer les méthodes, logiciels et applications qui, à l'instar de Google, brasseront nos montagnes de données est un champ infini.
Dans ce domaine, la concurrence est mondiale et féroce mais la "vieille" Europe, avec sa culture bimillénaire, possède des atouts incontestables pourvu qu'elle ne sombre pas dans la crise des dettes, le pessimisme et le regret du passé perdu.
Optimistiquement votre
Références et compléments
- Les composantes des prix de vente des produits grand public proviennent de mon livre "Développer un produit innovant avec les méthodes agiles" (Editions Eyrolles, 2011).
Elles ont été inspirées par l'ouvrage éclairant de Daniel Cohen "La mondialisation et ses ennemis" (Editions Pluriel Poche, 2011).
Elles ont été inspirées par l'ouvrage éclairant de Daniel Cohen "La mondialisation et ses ennemis" (Editions Pluriel Poche, 2011).
- L'objectivité m'oblige à rappeler que Martine Aubry a été la première personnalité politique d'importance à évoquer, en France, la société du "care".