Comparer le coût de la vie entre la Tunisie et la France est l'objet de discussions sans fin entre les résidents des deux pays.
Les uns se plaignent de la cherté généralisée, "surtout depuis la révolution".
Les autres, encouragés par l'écroulement du dinar face à l'euro, trouvent que ce qui incorpore de la main d'œuvre est peu onéreux.
La macro-économie tranche ce débat de manière brutale.
La production intérieure brute tunisienne par habitant est 10 fois inférieure à la française, c'est à dire au niveau de l'Hexagone dans les années 1950.
Malheureusement, cette moyenne générale omet le secteur informel très important en Tunisie et surtout se transcrit mal dans la réalité quotidienne.
Afin de donner une tournure plus concrète à cette question, fidèle à la méthode employée à plusieurs reprises dans ce blog, j'ai évalué, dans les deux pays, le coût de 24 produits et services du quotidien en heures de salaire d'un professeur de lycée en fin de carrière.
Les résultats sont très contrastés.
Les services requièrent généralement moins de temps de travail à un enseignant tunisien qu'à son collègue français.
Le coiffeur est presque 3 fois moins coûteux, la garde d'enfant et le ménage un peu plus d'une fois et demi.
Les transports publics sont aussi une fois et demi meilleur marché au pays du jasmin.
Enfin, plus surprenant, gagner son pain est 10% plus rapide en Tunisie, en raison de subventions étatiques élevées.
Un deuxième groupe de produits et services demande nettement moins de boulot au pédagogue payé par François Hollande qu'à celui salarié par Moncef Marzouki.
Avaler un café dans un bistrot est un peu plus cher à Hammam-Lif qu'à Grenoble.
L'accès à internet et l'immobilier nécessitent deux fois plus d'heures de cours au pays d'Ibn Khaldoun.
La viande, l'électricité, le médecin généraliste, les vêtements standards et l'essence sont grosso modo 3 fois plus chers à Béja qu'à Tulle.
Enfin, un inventaire hétéroclite d'articles, que Prévert n'aurait pas désavoué, est littéralement hors de prix en Tunisie.
Automobiles, lessive, ciment et lait exigent quatre à cinq fois plus de cours d'arabe que de français.
Un prof de physique doit expliquer 6 fois plus longtemps les vases communicants pour acheter de l'eau en bouteille à Kelibia qu'à Meylan.
Au rayon luxe, on trouve, en vrac, le petit et le gros électroménager, 7 à 9 fois plus onéreux, le chocolat en poudre presque 10 fois plus cher et la téléphonie mobile 20 fois plus coûteuse depuis que Free a écroulé les prix en France.
Je suis d'ailleurs perplexe sur la manière dont les économistes établissent ce qu'ils nomment les parités de pouvoir d'achat.
Les modes et les styles de vie sont différents sur les deux rives de la Méditerranée.
Quels produits et services faut-il comparer ?
Faut-il intégrer, par exemple, le chauffage ? À quelle hauteur ?
Mêmes questions pour le tabac, l'alcool, le porc, les vêtements de l'Aïd et une multitude d'autres choses très consommées dans un pays et fort peu dans l'autre.
Histoire d'épaissir la soupe, pardon la chorba, il convient de rappeler qu'en Tunisie, par rapport à la France, la population active est presque deux fois plus réduite, qu'impôts, taxes & cotisations sont moitié plus faibles et que prestations sociales et infrastructures publiques diffèrent radicalement.
Bref, les discussions économiques enflammées autour de verres de thé ou de gazouze sont appelées à rester une valeur sûre !
Franco-tunisiquement votre
Références et compléments
- Voir aussi la chronique "Tout savoir sur l'économie chancelante de la Tunisie".
- J'ai choisi d'exprimer les prix en temps de professeur de lycée car il s'agit d'une des rares professions nécessitant des études supérieures qui soit comparable d'un pays à l'autre car elle est, simultanément, normée et avec peu de dispersions salariales.
Les autres métiers demandant aussi des études post-bac sont plus difficiles à étalonner car les niveaux, les activités et les rémunérations sont nettement plus éparpillés.
- Mes remerciements à Moncef, Omar et Taoufik pour leur aide et leurs encouragements.
- L'idée d'exprimer les prix en temps salariaux est inspirée du livre de Jean Fourastié et Béatrice Bazil "Pourquoi les prix baissent ?" (Editions Hachette 1984).
Les uns se plaignent de la cherté généralisée, "surtout depuis la révolution".
Les autres, encouragés par l'écroulement du dinar face à l'euro, trouvent que ce qui incorpore de la main d'œuvre est peu onéreux.
La macro-économie tranche ce débat de manière brutale.
La production intérieure brute tunisienne par habitant est 10 fois inférieure à la française, c'est à dire au niveau de l'Hexagone dans les années 1950.
Malheureusement, cette moyenne générale omet le secteur informel très important en Tunisie et surtout se transcrit mal dans la réalité quotidienne.
Afin de donner une tournure plus concrète à cette question, fidèle à la méthode employée à plusieurs reprises dans ce blog, j'ai évalué, dans les deux pays, le coût de 24 produits et services du quotidien en heures de salaire d'un professeur de lycée en fin de carrière.
Les résultats sont très contrastés.
Les services requièrent généralement moins de temps de travail à un enseignant tunisien qu'à son collègue français.
Le coiffeur est presque 3 fois moins coûteux, la garde d'enfant et le ménage un peu plus d'une fois et demi.
Les transports publics sont aussi une fois et demi meilleur marché au pays du jasmin.
Enfin, plus surprenant, gagner son pain est 10% plus rapide en Tunisie, en raison de subventions étatiques élevées.
Quelques biens et services moins chers en Tunisie qu'en France Ratios entre prix en Tunisie & France, exprimés en temps de travail d'un professeur. |
Avaler un café dans un bistrot est un peu plus cher à Hammam-Lif qu'à Grenoble.
L'accès à internet et l'immobilier nécessitent deux fois plus d'heures de cours au pays d'Ibn Khaldoun.
La viande, l'électricité, le médecin généraliste, les vêtements standards et l'essence sont grosso modo 3 fois plus chers à Béja qu'à Tulle.
Biens et services "raisonnablement" plus onéreux en Tunisie qu'en France Ratios entre prix en Tunisie & France, exprimés en temps de travail d'un professeur. |
Automobiles, lessive, ciment et lait exigent quatre à cinq fois plus de cours d'arabe que de français.
Un prof de physique doit expliquer 6 fois plus longtemps les vases communicants pour acheter de l'eau en bouteille à Kelibia qu'à Meylan.
Au rayon luxe, on trouve, en vrac, le petit et le gros électroménager, 7 à 9 fois plus onéreux, le chocolat en poudre presque 10 fois plus cher et la téléphonie mobile 20 fois plus coûteuse depuis que Free a écroulé les prix en France.
Je suis d'ailleurs perplexe sur la manière dont les économistes établissent ce qu'ils nomment les parités de pouvoir d'achat.
Les modes et les styles de vie sont différents sur les deux rives de la Méditerranée.
Quels produits et services faut-il comparer ?
Faut-il intégrer, par exemple, le chauffage ? À quelle hauteur ?
Mêmes questions pour le tabac, l'alcool, le porc, les vêtements de l'Aïd et une multitude d'autres choses très consommées dans un pays et fort peu dans l'autre.
Histoire d'épaissir la soupe, pardon la chorba, il convient de rappeler qu'en Tunisie, par rapport à la France, la population active est presque deux fois plus réduite, qu'impôts, taxes & cotisations sont moitié plus faibles et que prestations sociales et infrastructures publiques diffèrent radicalement.
Bref, les discussions économiques enflammées autour de verres de thé ou de gazouze sont appelées à rester une valeur sûre !
Franco-tunisiquement votre
Références et compléments
- Voir aussi la chronique "Tout savoir sur l'économie chancelante de la Tunisie".
- J'ai choisi d'exprimer les prix en temps de professeur de lycée car il s'agit d'une des rares professions nécessitant des études supérieures qui soit comparable d'un pays à l'autre car elle est, simultanément, normée et avec peu de dispersions salariales.
Les autres métiers demandant aussi des études post-bac sont plus difficiles à étalonner car les niveaux, les activités et les rémunérations sont nettement plus éparpillés.
- Mes remerciements à Moncef, Omar et Taoufik pour leur aide et leurs encouragements.
- L'idée d'exprimer les prix en temps salariaux est inspirée du livre de Jean Fourastié et Béatrice Bazil "Pourquoi les prix baissent ?" (Editions Hachette 1984).