Depuis de trop longs mois désormais, la plupart des politiciens tunisiens se sont lancés dans un concours de bêtise et d'inconséquence.
Jugez sur pièces.
La majorité hétéroclite issue des élections d'octobre 2011, composée d'Ennadha, parti islamiste conservateur, d'Ettakatol, sociaux-démocrates mous, et du CPR, nationalistes un brin extra-terrestres, a échoué en tout.
La situation sécuritaire est exécrable. Deux ténors politiques ont été assassinés par balles ces 6 derniers mois, un maquis salafiste s'est implanté sur le mont Chaambi et la petite délinquance coule des jours tranquilles..
L'économie est stagnante et le chômage stratosphérique, sans aucune perspective visible de redécollage rapide.
Le déficit public se creuse à vive allure. L'état tunisien dépense actuellement 20% de plus qu'il ne récolte en impôts, taxes et cotisations.
La rédaction de la nouvelle constitution, qui est pourtant l'objectif principal d'une assemblée soit disant constituante, est au point mort.
Aucun des tunisiens avec lesquels j'ai échangé n'a été capable de m'expliquer clairement qu'elle sera l'organisation des pouvoirs publics découlant de la nouvelle loi fondamentale.
Par voie de conséquence, la confiance dans cette "troïka" a fondu comme un cornet de glace au soleil d'Hammamet, y compris chez une partie de leurs sympathisants.
De nombreux élus et militants d'Ettakatol et du CPR, désappointés par l'alliance avec les islamistes, ont déserté les rangs de ces deux formations.
Des personnes naguère favorables à Ennadha en disent, désormais, beaucoup de mal.
Le plus singulier est qu'Ennadha s'est ingénié à se tirer des balles dans le pied et à renforcer ses adversaires.
Ses dirigeants n'ont pas eu la lucidité de placer des technocrates aguerris aux manettes économiques et sociales.
A minima par naïveté et, probablement aussi, par calcul stupide, ils ont laissé la violence politique et religieuse s'installer.
Et, comble de l'absurdité, en envoyant plusieurs fois la police et leur milice dite de protection de la révolution, matraquer des manifestations, les islamistes ont amélioré la visibilité et la cote de popularité des contestataires.
Omnubilée par la conquête du pouvoir, Ennadha en a oublié le difficile exercice.
L'opposition ne vaut malheureusement guère mieux.
Elle est désormais divisée en deux pôles principaux, Nidaa Tounes, sorte d'adaptation bourguibienne du gaullisme dirigée par un jeune espoir de 85 ans, et le Front Populaire, coalition de gauche qui aurait fait moderne en 1960, auxquels s'adjoignent une multitude de groupuscules et associations.
Le seul point d'accord est de "dégager" Ennadha.
Officiellement, la feuille de route anti-islamistes serait de mettre en place un gouvernement intérimaire d'union nationale constitué d'indépendants et de technocrates, de boucler rapidement la rédaction de la constitution et d'organiser des élections d'ici 6 mois à un an.
Toutefois ce plan est ambigu et ne contribue pas à débloquer la situation.
Qui pour diriger le gouvernement de salut public ? Qui aux ministères clefs ? Avec quels soutiens politiques ? Avec ou sans la participation d'Ennadha ?
Quelles actions économiques et sociales mettre en œuvre avant les élections ?
Comment rétablir la sécurité ? Comment discipliner la police ?
Quoi mettre dans la constitution ? Quels pouvoirs pour le parlement, le gouvernement, le président de la république ?
Aucune de ces questions cruciales n'a d'embryon de réponse unitaire et publique. La semaine prochaine peut-être ...
Avec autant de flou, d'indécision et d'ambitions personnelles non voilées, Nidaa Tounes, le Front Populaire et la société dite civile voudraient maintenir Ennadha au pouvoir qu'ils ne s'y prendraient pas autrement.
Les leaders de l'opposition semblent plus préoccupés par d'hypothétiques élections sans cesse repoussées aux calendes grecques, que par éviter une sortie de route imminente à la Tunisie. Alors que la maison commune brûle, les pompiers tergiversent.
Les plus optimistes des tunisiens croient en l'existence d'un "plan secret" des opposants, les plus pessimistes sont totalement désabusés.
La meilleure preuve de l'incapacité des adversaires d'Ennadha à assumer leurs responsabilités est la manifestation du 6 août dernier devant l'assemblée constituante au Bardo à Tunis.
L'affluence était imposante, toutes les catégories sociales et tous les âges y étaient représentés.
Toutefois, les seuls emblèmes arborés par la foule étaient des drapeaux tunisiens, signe à la fois encourageant d'unité nationale mais aussi, voire surtout, désespérant d'absence criante de perspectives politiques.
Envers et contre tout, tunisiquement votre
Références et compléments
- Voir aussi les chroniques "Tout savoir sur l'économie chancelante de la Tunisie" et "la Tunisie entre Fellag et Yasmina Khadra".
Jugez sur pièces.
La majorité hétéroclite issue des élections d'octobre 2011, composée d'Ennadha, parti islamiste conservateur, d'Ettakatol, sociaux-démocrates mous, et du CPR, nationalistes un brin extra-terrestres, a échoué en tout.
La situation sécuritaire est exécrable. Deux ténors politiques ont été assassinés par balles ces 6 derniers mois, un maquis salafiste s'est implanté sur le mont Chaambi et la petite délinquance coule des jours tranquilles..
L'économie est stagnante et le chômage stratosphérique, sans aucune perspective visible de redécollage rapide.
Le déficit public se creuse à vive allure. L'état tunisien dépense actuellement 20% de plus qu'il ne récolte en impôts, taxes et cotisations.
La rédaction de la nouvelle constitution, qui est pourtant l'objectif principal d'une assemblée soit disant constituante, est au point mort.
Aucun des tunisiens avec lesquels j'ai échangé n'a été capable de m'expliquer clairement qu'elle sera l'organisation des pouvoirs publics découlant de la nouvelle loi fondamentale.
Par voie de conséquence, la confiance dans cette "troïka" a fondu comme un cornet de glace au soleil d'Hammamet, y compris chez une partie de leurs sympathisants.
De nombreux élus et militants d'Ettakatol et du CPR, désappointés par l'alliance avec les islamistes, ont déserté les rangs de ces deux formations.
Des personnes naguère favorables à Ennadha en disent, désormais, beaucoup de mal.
Le plus singulier est qu'Ennadha s'est ingénié à se tirer des balles dans le pied et à renforcer ses adversaires.
Ses dirigeants n'ont pas eu la lucidité de placer des technocrates aguerris aux manettes économiques et sociales.
A minima par naïveté et, probablement aussi, par calcul stupide, ils ont laissé la violence politique et religieuse s'installer.
Et, comble de l'absurdité, en envoyant plusieurs fois la police et leur milice dite de protection de la révolution, matraquer des manifestations, les islamistes ont amélioré la visibilité et la cote de popularité des contestataires.
Omnubilée par la conquête du pouvoir, Ennadha en a oublié le difficile exercice.
L'opposition ne vaut malheureusement guère mieux.
Elle est désormais divisée en deux pôles principaux, Nidaa Tounes, sorte d'adaptation bourguibienne du gaullisme dirigée par un jeune espoir de 85 ans, et le Front Populaire, coalition de gauche qui aurait fait moderne en 1960, auxquels s'adjoignent une multitude de groupuscules et associations.
Le seul point d'accord est de "dégager" Ennadha.
Officiellement, la feuille de route anti-islamistes serait de mettre en place un gouvernement intérimaire d'union nationale constitué d'indépendants et de technocrates, de boucler rapidement la rédaction de la constitution et d'organiser des élections d'ici 6 mois à un an.
Toutefois ce plan est ambigu et ne contribue pas à débloquer la situation.
Qui pour diriger le gouvernement de salut public ? Qui aux ministères clefs ? Avec quels soutiens politiques ? Avec ou sans la participation d'Ennadha ?
Quelles actions économiques et sociales mettre en œuvre avant les élections ?
Comment rétablir la sécurité ? Comment discipliner la police ?
Quoi mettre dans la constitution ? Quels pouvoirs pour le parlement, le gouvernement, le président de la république ?
Aucune de ces questions cruciales n'a d'embryon de réponse unitaire et publique. La semaine prochaine peut-être ...
Avec autant de flou, d'indécision et d'ambitions personnelles non voilées, Nidaa Tounes, le Front Populaire et la société dite civile voudraient maintenir Ennadha au pouvoir qu'ils ne s'y prendraient pas autrement.
Les leaders de l'opposition semblent plus préoccupés par d'hypothétiques élections sans cesse repoussées aux calendes grecques, que par éviter une sortie de route imminente à la Tunisie. Alors que la maison commune brûle, les pompiers tergiversent.
Les plus optimistes des tunisiens croient en l'existence d'un "plan secret" des opposants, les plus pessimistes sont totalement désabusés.
La meilleure preuve de l'incapacité des adversaires d'Ennadha à assumer leurs responsabilités est la manifestation du 6 août dernier devant l'assemblée constituante au Bardo à Tunis.
L'affluence était imposante, toutes les catégories sociales et tous les âges y étaient représentés.
Toutefois, les seuls emblèmes arborés par la foule étaient des drapeaux tunisiens, signe à la fois encourageant d'unité nationale mais aussi, voire surtout, désespérant d'absence criante de perspectives politiques.
Envers et contre tout, tunisiquement votre
Références et compléments
- Voir aussi les chroniques "Tout savoir sur l'économie chancelante de la Tunisie" et "la Tunisie entre Fellag et Yasmina Khadra".