C'est une banalité de dire que la nouvelle révolution de l'information, en marche depuis les années 1950, bouleverse autant notre univers que l'invention de l'écriture puis de l'imprimerie en leurs temps.
Si les conséquences sur nos manières d'apprendre, de savoir et d'appréhender le monde sont amplement commentées, la mise à mal des monopoles de droit ou de fait est moins soulignée.
Pourtant, de nombreux exemples abondent dans notre vie quotidienne. En voici trois, issus de l'actualité récente.
En France, taxi est une profession à numerus clausus et à tarifs régulés.
Pour avoir le droit de transbahuter des passagers dans une voiture, il faut avoir acquis une "plaque" qui en coûte plusieurs. Le précieux sésame se négocie entre quelques dizaines et centaines de milliers d'euros, pas toujours au-dessus de la table.
Depuis quelque temps, sont apparus à Paris des "véhicules de tourisme avec chauffeur" qui, en pratique, vous emmènent aussi efficacement d'un point A à un point B qu'une voiture dûment plaquée.
Mieux même, via des applications sur téléphone mobile et ordinateur, le client est informé des disponibilités et obtient un prix ferme indépendant des aléas du trajet.
Ces nouvelles prestations connaissent un vrai succès et suscitent l'ire des taxis traditionnels qui font le siège de ministères, au nom de la sécurité, de la qualité et de la proximité avec les clients, afin d'obtenir des bâtons réglementaires à glisser dans les roues de leurs confrères 2.0.
Les hôteliers ne sont pas en reste et hurlent aussi à la concurrence déloyale.
En effet, une start-up américaine, plaisamment baptisée Airbnb, met en péril leur business dans toutes les zones touristiques de la planète.
Ce service en ligne met en relation des particuliers disposant de pièces vacantes dans leur logement avec des visiteurs en recherche d'hébergements. Comme son nom l'indique, du bed & breakfast 2.0 !
Le succès de cette formule très simple affole les autorités, inquiètes pour leurs taxations, et les hôtels qui, dans presque tous les pays du monde, pensaient bénéficier d'une concurrence atténuée grâce à une réglementation tatillonne.
Là aussi, sécurité, qualité et proximité avec la clientèle sont paradoxalement mises en avant.
Dernier exemple, les pharmacies, autre profession en France à statut et à numerus clausus.
Plutôt que de suivre l'exemple des drugstores américains ou brésiliens devenus des supermarchés, les apothicaires hexagonaux se sont ingéniés depuis un demi-siècle à empêcher Leclerc et Carrefour de vendre de la pénicilline.
Forts de cette victoire à la Pyrrhus, les pharmaciens n'ont pas anticipé les ventes en ligne contre lesquelles ils sont majoritairement vent debout.
Leurs arguments relèvent de la même litanie que ceux de leurs compagnons d'infortune taxis et hôteliers : sécurité des prescriptions, conseils thérapeutiques et disponibilité locale des médicaments.
Au fait, de quand datent votre dernier vrai conseil pharmaceutique, et non cosmétique, dans une officine et votre dernier achat conséquent de médicaments n'ayant pas nécessité une seconde visite ?
Même si ces trois professions remportent, à court terme, quelques manches face à leurs nouveaux concurrents en ligne, l'exercice traditionnel de leur activité est irrémédiablement condamné.
La vraie question n'est pas de savoir si ces nouveaux services vont émerger mais où seront-ils implantés ?
Si, mal avisés, les pouvoirs publics français maintiennent les réglementations corporatistes actuelles alors les sites web, leurs opérateurs et le gros de leur valeur ajoutée s'implanteront à l'étranger. Souhaitons-nous que nos médicaments achetés en ligne dans l'Hexagone proviennent du Luxembourg ? Que les taxis parisiens soient gérés depuis Bucarest ?
Voulons-nous, à terme, nous morfondre sur nos emplois et notre fiscalité perdus ?
Toutes les professions, sans exception, bénéficiant d'un statut ou d'un numerus clausus sont dans le ligne de mire d'internet et de ses bouleversements.
Ainsi, les activités juridiques, avocats, notaires, huissiers, voire même juges, pourraient bien être les prochaines sur la liste.
Les métiers menacés gagneraient à se mettre en ordre de bataille et à négocier rapidement un assouplissement des règles les régissant en échange d'une indemnisation de leur licence devenue obsolète.
À défaut, le sort funeste des cochers de fiacre, ancêtres des taxis, les guette.
Révolutionnairement votre
Si les conséquences sur nos manières d'apprendre, de savoir et d'appréhender le monde sont amplement commentées, la mise à mal des monopoles de droit ou de fait est moins soulignée.
Pourtant, de nombreux exemples abondent dans notre vie quotidienne. En voici trois, issus de l'actualité récente.
En France, taxi est une profession à numerus clausus et à tarifs régulés.
Pour avoir le droit de transbahuter des passagers dans une voiture, il faut avoir acquis une "plaque" qui en coûte plusieurs. Le précieux sésame se négocie entre quelques dizaines et centaines de milliers d'euros, pas toujours au-dessus de la table.
Depuis quelque temps, sont apparus à Paris des "véhicules de tourisme avec chauffeur" qui, en pratique, vous emmènent aussi efficacement d'un point A à un point B qu'une voiture dûment plaquée.
Mieux même, via des applications sur téléphone mobile et ordinateur, le client est informé des disponibilités et obtient un prix ferme indépendant des aléas du trajet.
Ces nouvelles prestations connaissent un vrai succès et suscitent l'ire des taxis traditionnels qui font le siège de ministères, au nom de la sécurité, de la qualité et de la proximité avec les clients, afin d'obtenir des bâtons réglementaires à glisser dans les roues de leurs confrères 2.0.
Les hôteliers ne sont pas en reste et hurlent aussi à la concurrence déloyale.
En effet, une start-up américaine, plaisamment baptisée Airbnb, met en péril leur business dans toutes les zones touristiques de la planète.
Ce service en ligne met en relation des particuliers disposant de pièces vacantes dans leur logement avec des visiteurs en recherche d'hébergements. Comme son nom l'indique, du bed & breakfast 2.0 !
Le succès de cette formule très simple affole les autorités, inquiètes pour leurs taxations, et les hôtels qui, dans presque tous les pays du monde, pensaient bénéficier d'une concurrence atténuée grâce à une réglementation tatillonne.
Là aussi, sécurité, qualité et proximité avec la clientèle sont paradoxalement mises en avant.
Dernier exemple, les pharmacies, autre profession en France à statut et à numerus clausus.
Plutôt que de suivre l'exemple des drugstores américains ou brésiliens devenus des supermarchés, les apothicaires hexagonaux se sont ingéniés depuis un demi-siècle à empêcher Leclerc et Carrefour de vendre de la pénicilline.
Forts de cette victoire à la Pyrrhus, les pharmaciens n'ont pas anticipé les ventes en ligne contre lesquelles ils sont majoritairement vent debout.
Leurs arguments relèvent de la même litanie que ceux de leurs compagnons d'infortune taxis et hôteliers : sécurité des prescriptions, conseils thérapeutiques et disponibilité locale des médicaments.
Au fait, de quand datent votre dernier vrai conseil pharmaceutique, et non cosmétique, dans une officine et votre dernier achat conséquent de médicaments n'ayant pas nécessité une seconde visite ?
Même si ces trois professions remportent, à court terme, quelques manches face à leurs nouveaux concurrents en ligne, l'exercice traditionnel de leur activité est irrémédiablement condamné.
La vraie question n'est pas de savoir si ces nouveaux services vont émerger mais où seront-ils implantés ?
Si, mal avisés, les pouvoirs publics français maintiennent les réglementations corporatistes actuelles alors les sites web, leurs opérateurs et le gros de leur valeur ajoutée s'implanteront à l'étranger. Souhaitons-nous que nos médicaments achetés en ligne dans l'Hexagone proviennent du Luxembourg ? Que les taxis parisiens soient gérés depuis Bucarest ?
Voulons-nous, à terme, nous morfondre sur nos emplois et notre fiscalité perdus ?
Toutes les professions, sans exception, bénéficiant d'un statut ou d'un numerus clausus sont dans le ligne de mire d'internet et de ses bouleversements.
Ainsi, les activités juridiques, avocats, notaires, huissiers, voire même juges, pourraient bien être les prochaines sur la liste.
Les métiers menacés gagneraient à se mettre en ordre de bataille et à négocier rapidement un assouplissement des règles les régissant en échange d'une indemnisation de leur licence devenue obsolète.
À défaut, le sort funeste des cochers de fiacre, ancêtres des taxis, les guette.
Révolutionnairement votre
Références et compléments
- Voir aussi les chroniques "Le coût de l'écrit s'effondre" et "L'édition s'industrialise - Making of de mon nouveau livre".
- Sur les aspects cognitifs de la révolution de l'information, je recommande le petit livre lumineux de Michel Serres "Petite Poucette".