Avec le second tour de l'élection présidentielle qui a vu la victoire du jeune espoir de 88 ans, Beji Caïd Essebsi, la Tunisie vient de tourner la page de sa transition démocratique.
Presque 4 ans après la révolution de janvier 2011, je vous propose d'examiner ce qui rend le verre de thé tunisien simultanément à moitié plein et à moitié vide.
Une grande liberté d’expression
Depuis 4 ans, la parole s’est libérée, non seulement dans les institutions, mais aussi, et surtout, dans la vie quotidienne.
Ce bouillonnement est un excellent rempart contre beaucoup de bêtises.
Une vraie maturité électorale
En un peu plus de 3 ans, la Tunisie a organisé 4 élections qui se sont déroulé correctement, sans incidents majeurs.
Les tunisiens se sont emparés, sans coup férir, du processus électoral dans toutes ses dimensions, y compris l'abstention et le vote blanc.
Les délices de l'alternance politique tranquille peuvent aussi se goûter au soleil.
Une alternance nette mais pas écrasante
En mettant Nidaa Tounes nettement en tête des législatives d'octobre dernier et en élisant son leader Beji Caïd Essebsi à la présidence, les tunisiens ont choisi de clore l'expérience menée par les islamistes d'Ennadha et leurs alliés suite au scrutin de fin 2011.
Toutefois, si la sanction est nette - le vainqueur emporte la présidentielle avec 55% des voix - Ennadha et ses sympathisants restent une force avec laquelle il faut compter.
La violence et la pagaille sont restées contenues durant la phase transitoire
Malgré les trop nombreuses victimes du terrorisme, un processus chaotique et la crise économique mondiale, la Tunisie a traversé sa révolution et sa transition avec des dommages minimaux.
La résilience et l'inventivité économique des tunisiens mérite d’être relevée. Bon an, mal an, malgré de nombreuses vicissitudes, l'économie s’est maintenue à flot, à défaut de croître.
La situation sécuritaire est mauvaise
Même si, fort heureusement, les djihadistes n'ont pas réussi à perturber les élections, ils sont responsables de l'assassinat de deux figures politiques, Chokri Belaïd et Mohammed Brahmi, et de dizaines de membres des forces de l'ordre.
Depuis deux ans, l'armée ne réussit pas à venir à bout du maquis terroriste implanté dans le centre du pays, près de la frontière algérienne.
À ce sombre tableau, s'ajoute une petite délinquance très active aux effets détestables au quotidien.
L'économie a besoin d'un sérieux coup de boost
Des réformes en profondeur s’imposent pour relancer la machine et obtenir la croissance à 2 chiffres que la Tunisie devrait avoir. Le chômage est stratosphérique et mine la société.
Pour plus de détails, je vous recommande la récente interview d’Habib Sayah.
Les disparités régionales sont excessives
Le centre et le sud de la Tunisie sont en déshérence.
Ces régions sont un concentré de difficultés : faible attractivité économique et touristique, chômage très au dessus de la moyenne nationale, infrastructures et équipements publics déficients, corruption et clientélisme endémiques…
Le nouveau gouvernement va devoir s’attaquer à ce problème aussi peu soluble que celui dit des banlieues en France.
Le parti vainqueur des élections est un rassemblement flou
Nidaa Tounes s'est construit autour de l'opposition aux islamistes d’Ennadha et rassemble des personnes très dissemblables.
La question de l'islamisme a confisqué le débat électoral qui aurait du porter sur les stratégies économiques et sociales ainsi que sur la place de l'état.
La majorité des récents élus de tous bords au parlement ne brille pas par ses compétences économiques et sociales.
De surcroît, beaucoup de cadres de Nidaa Tounes, à commencer par leur boss, ne sont pas vraiment des perdreaux de l’année.
Combien de temps chômeurs et travailleurs pauvres vont-ils encore accepter de patienter ?
La Tunisie est une poudrière sociale.
Le redressement de la situation impose des réformes exigeantes qu'une grande partie de la population aura du mal à supporter. Aussi les marges de manœuvre du futur gouvernement sont très étroites.
Invariablement optimiste vis à vis de ma patrie de coeur, je reste tunisiquement votre.
Tahia Tounes !
Références et compléments
- Tunisie pays de l'année selon The Economist, 3 questions à Habib Sayah
- Mes différentes chroniques sur la Tunisie notamment :
Presque 4 ans après la révolution de janvier 2011, je vous propose d'examiner ce qui rend le verre de thé tunisien simultanément à moitié plein et à moitié vide.
Les aspects positifs
Une grande liberté d’expression
Depuis 4 ans, la parole s’est libérée, non seulement dans les institutions, mais aussi, et surtout, dans la vie quotidienne.
Ce bouillonnement est un excellent rempart contre beaucoup de bêtises.
Une vraie maturité électorale
En un peu plus de 3 ans, la Tunisie a organisé 4 élections qui se sont déroulé correctement, sans incidents majeurs.
Les tunisiens se sont emparés, sans coup férir, du processus électoral dans toutes ses dimensions, y compris l'abstention et le vote blanc.
Les délices de l'alternance politique tranquille peuvent aussi se goûter au soleil.
Une alternance nette mais pas écrasante
En mettant Nidaa Tounes nettement en tête des législatives d'octobre dernier et en élisant son leader Beji Caïd Essebsi à la présidence, les tunisiens ont choisi de clore l'expérience menée par les islamistes d'Ennadha et leurs alliés suite au scrutin de fin 2011.
Toutefois, si la sanction est nette - le vainqueur emporte la présidentielle avec 55% des voix - Ennadha et ses sympathisants restent une force avec laquelle il faut compter.
La violence et la pagaille sont restées contenues durant la phase transitoire
Malgré les trop nombreuses victimes du terrorisme, un processus chaotique et la crise économique mondiale, la Tunisie a traversé sa révolution et sa transition avec des dommages minimaux.
La résilience et l'inventivité économique des tunisiens mérite d’être relevée. Bon an, mal an, malgré de nombreuses vicissitudes, l'économie s’est maintenue à flot, à défaut de croître.
Les points négatifs
La situation sécuritaire est mauvaise
Même si, fort heureusement, les djihadistes n'ont pas réussi à perturber les élections, ils sont responsables de l'assassinat de deux figures politiques, Chokri Belaïd et Mohammed Brahmi, et de dizaines de membres des forces de l'ordre.
Depuis deux ans, l'armée ne réussit pas à venir à bout du maquis terroriste implanté dans le centre du pays, près de la frontière algérienne.
À ce sombre tableau, s'ajoute une petite délinquance très active aux effets détestables au quotidien.
L'économie a besoin d'un sérieux coup de boost
Des réformes en profondeur s’imposent pour relancer la machine et obtenir la croissance à 2 chiffres que la Tunisie devrait avoir. Le chômage est stratosphérique et mine la société.
Pour plus de détails, je vous recommande la récente interview d’Habib Sayah.
Les disparités régionales sont excessives
Le centre et le sud de la Tunisie sont en déshérence.
Ces régions sont un concentré de difficultés : faible attractivité économique et touristique, chômage très au dessus de la moyenne nationale, infrastructures et équipements publics déficients, corruption et clientélisme endémiques…
Le nouveau gouvernement va devoir s’attaquer à ce problème aussi peu soluble que celui dit des banlieues en France.
Les interrogations
Le parti vainqueur des élections est un rassemblement flou
Nidaa Tounes s'est construit autour de l'opposition aux islamistes d’Ennadha et rassemble des personnes très dissemblables.
La question de l'islamisme a confisqué le débat électoral qui aurait du porter sur les stratégies économiques et sociales ainsi que sur la place de l'état.
La majorité des récents élus de tous bords au parlement ne brille pas par ses compétences économiques et sociales.
De surcroît, beaucoup de cadres de Nidaa Tounes, à commencer par leur boss, ne sont pas vraiment des perdreaux de l’année.
Combien de temps chômeurs et travailleurs pauvres vont-ils encore accepter de patienter ?
La Tunisie est une poudrière sociale.
Le redressement de la situation impose des réformes exigeantes qu'une grande partie de la population aura du mal à supporter. Aussi les marges de manœuvre du futur gouvernement sont très étroites.
Invariablement optimiste vis à vis de ma patrie de coeur, je reste tunisiquement votre.
Tahia Tounes !
Références et compléments
- Tunisie pays de l'année selon The Economist, 3 questions à Habib Sayah
- Mes différentes chroniques sur la Tunisie notamment :
- Élections de Tunisie : démonter quelques idées reçues
- Tout savoir (ou presque) sur l'économie chancelante de la Tunisie
- Plaidoyer pour la Tunisie de toujours
- Il y a un an la révolution de Tunisie vue de Grenoble