La religion catholique a connu, en France, son apogée sous le règne du regretté empereur Napoléon III.
Alors que la révolution industrielle transformait durablement la société, les effectifs du clergé ont atteint des sommets. 180 000 curés et moines étaient en activité, 1 religieux pour 200 personnes. Dans aucune autre période, les ecclésiastiques n'ont été aussi nombreux.
L'explication la plus fréquemment fournie par les manuels d'histoire est l'autoritarisme du régime impérial couplé à sa religiosité conservatrice, dont l'impératrice Eugénie était le porte-drapeau.
Si ce point est indéniable, il ne convainc pas. La monarchie de droit divin des rois capétiens était nettement plus absolutiste et favorable à l'Église.
Deux éléments, aux résonances actuelles, tant en Europe qu'au Maghreb, permettent d'appréhender cette poussée religieuse, morale et conservatrice, une génération avant la victoire au forceps des forces dites laïques.
Tout d'abord, un clergé pléthorique suppose une excellente productivité économique.
En effet, prêtres et moines ne sont pas des fonctions directement productives. Adorer le Ciel ne remplit guère les garde-manger.
Aussi des religieux ne peuvent subsister que si le reste de la population produit un surplus suffisant pour, a minima, les nourrir, les vêtir et les loger. Il en est de même pour les soldats, les nobles, les enseignants, les médecins ou encore les artistes.
Les nettes améliorations des techniques agricoles et les débuts en fanfare de l'industrie ont fourni, pour la première fois dans l'histoire, de quoi faire vivre une vaste classe tertiaire. Les ecclésiastiques en ont bénéficié au même titre que les autres professions intellectuelles.
Ensuite les formidables bouleversements de la révolution industrielle - exode rural, apparition de l'usine et du salariat, diminution relative des rentes foncières, transports de masse, progrès de l'éducation, début de transition démographique, amélioration de l'espérance de vie, montée du sentiment national... - ont secoué la société.
Repères ancestraux et contrôle social ont été durablement ébranlés.
De surcroît, ces évolutions se sont propagées en ordre très dispersé en fonction des lieux, des milieux et des personnes.
Comment dans un tel maelström ne pas être tenté de se raccrocher aux branches paraissant encore solides ?
La religion, en tant qu'institution, est idéale dans cette fonction.
Ses dogmes rendent simple et intelligible un monde qui ne l'est plus, ses rites, par leur permanence, rassurent et ses structures sont porteuses d'ordre social.
La bourgeoisie investissait dans les compagnies ferroviaires ou sidérurgiques qui détruisaient avidement l'ancestrale société paysanne et simultanément remplissait les églises.
De la même manière, de larges pans de la paysannerie et de la récente classe ouvrière changeaient d'emploi et de lieu, échappant aux familles-souche, tout en restant, encore quelque temps, fidèles à un catholicisme rigide.
À la fin du XIXème siècle, le gros de la transition industrielle étant digéré, notamment par effets de génération et de migration, le catholicisme perdit petit à petit de son attrait.
Les tenants de la laïcité, devenus sociologiquement majoritaires, purent alors lui porter des coups appuyés.
La révolution numérique mondialisée actuelle ne serait-elle pas en train de susciter des conservatismes, certes différents dans leurs apparences, mais assez similaires dans leurs raisons profondes au point culminant du catholicisme français vers 1860 ?
Le long terme leur est-il aussi favorable qu'il y parait aujourd'hui ?
Historico-mutationnellement votre
Références et compléments
- Voir aussi la chronique "Bistrots et curés professions sinistrées".
Alors que la révolution industrielle transformait durablement la société, les effectifs du clergé ont atteint des sommets. 180 000 curés et moines étaient en activité, 1 religieux pour 200 personnes. Dans aucune autre période, les ecclésiastiques n'ont été aussi nombreux.
L'explication la plus fréquemment fournie par les manuels d'histoire est l'autoritarisme du régime impérial couplé à sa religiosité conservatrice, dont l'impératrice Eugénie était le porte-drapeau.
Si ce point est indéniable, il ne convainc pas. La monarchie de droit divin des rois capétiens était nettement plus absolutiste et favorable à l'Église.
Deux éléments, aux résonances actuelles, tant en Europe qu'au Maghreb, permettent d'appréhender cette poussée religieuse, morale et conservatrice, une génération avant la victoire au forceps des forces dites laïques.
Tout d'abord, un clergé pléthorique suppose une excellente productivité économique.
En effet, prêtres et moines ne sont pas des fonctions directement productives. Adorer le Ciel ne remplit guère les garde-manger.
Aussi des religieux ne peuvent subsister que si le reste de la population produit un surplus suffisant pour, a minima, les nourrir, les vêtir et les loger. Il en est de même pour les soldats, les nobles, les enseignants, les médecins ou encore les artistes.
Les nettes améliorations des techniques agricoles et les débuts en fanfare de l'industrie ont fourni, pour la première fois dans l'histoire, de quoi faire vivre une vaste classe tertiaire. Les ecclésiastiques en ont bénéficié au même titre que les autres professions intellectuelles.
Ensuite les formidables bouleversements de la révolution industrielle - exode rural, apparition de l'usine et du salariat, diminution relative des rentes foncières, transports de masse, progrès de l'éducation, début de transition démographique, amélioration de l'espérance de vie, montée du sentiment national... - ont secoué la société.
Repères ancestraux et contrôle social ont été durablement ébranlés.
De surcroît, ces évolutions se sont propagées en ordre très dispersé en fonction des lieux, des milieux et des personnes.
Comment dans un tel maelström ne pas être tenté de se raccrocher aux branches paraissant encore solides ?
La religion, en tant qu'institution, est idéale dans cette fonction.
Ses dogmes rendent simple et intelligible un monde qui ne l'est plus, ses rites, par leur permanence, rassurent et ses structures sont porteuses d'ordre social.
La bourgeoisie investissait dans les compagnies ferroviaires ou sidérurgiques qui détruisaient avidement l'ancestrale société paysanne et simultanément remplissait les églises.
De la même manière, de larges pans de la paysannerie et de la récente classe ouvrière changeaient d'emploi et de lieu, échappant aux familles-souche, tout en restant, encore quelque temps, fidèles à un catholicisme rigide.
À la fin du XIXème siècle, le gros de la transition industrielle étant digéré, notamment par effets de génération et de migration, le catholicisme perdit petit à petit de son attrait.
Les tenants de la laïcité, devenus sociologiquement majoritaires, purent alors lui porter des coups appuyés.
La révolution numérique mondialisée actuelle ne serait-elle pas en train de susciter des conservatismes, certes différents dans leurs apparences, mais assez similaires dans leurs raisons profondes au point culminant du catholicisme français vers 1860 ?
Le long terme leur est-il aussi favorable qu'il y parait aujourd'hui ?
Historico-mutationnellement votre
Références et compléments
- Voir aussi la chronique "Bistrots et curés professions sinistrées".