Depuis sa révolution de janvier 2011, la Tunisie ne cesse de m'étonner et, je l'espère, de vous étonner.
Malgré les vicissitudes et un climat sécuritaire dégradé, pour la seconde fois en trois ans, les tunisiennes et tunisiens ont choisi, dans les urnes et sans violence, leur représentation politique. Ils viennent même de s'offrir le luxe d'une alternance et d'un vote sanction.
Malheureusement, les reportages et commentaires dans les médias du nord de la Méditerranée ne reflètent guère la réalité tunisienne.
Je vais essayer, modestement, de tordre le coup à quelques idées reçues beaucoup trop véhiculées ces dernières heures.
Les laïcs ont gagné → FAUX
Il n'y a quasiment pas d'offre politique laïque en Tunisie.
Très peu de personnes revendiquent ouvertement une stricte séparation entre état et religion telle qu'elle existe en France.
À ma connaissance, contrairement à l'Hexagone, dans l'ancienne Carthage, aucun politique d'envergure n'affiche publiquement, et même ne laisse supposer, une quelconque velléité d'athéisme.
Nidaa Tounes, le parti arrivé en tête, est un rassemblement hétéroclite dont le jeune leader de 88 ans se revendique ouvertement “bon musulman”. Sa différence avec Ennadha, parti islamiste en seconde position, porte sur le modèle de société.
Nidaa Tounes se dit parfois séculier et défend un modèle ouvert mais non déconnecté de la religion, à l'instar de l'Italie ou de l'Irlande catholiques des années 1950 à 1970.
Ennadha, nettement plus conservateur, voudrait islamiser encore plus la société et l’état.
Les opposants aux islamistes étaient unis → FAUX
Au contraire, le champ politique était, comme en 2011, pléthorique.
Les tunisiens pouvaient choisir entre des orientations incroyable variées. Plus de 1300 listes étaient en lice.
Nidaa Tounes remporte les élections mais ne bénéficie pas d'un raz de marée. Les résultats provisoires le créditent d'environ 37% des voix et 40% des députés. Ce parti devra négocier et faire alliance avec des formations au score nettement moins flatteur pour former une majorité. À cette heure, ces jeux politiciens commencent à peine. Les tunisiens ont nettement opté pour cette formation car, à tort ou raison l'avenir nous le dira, ils y voient la meilleure alternative aux islamistes.
Ennadha recule mais reste un solide second avec grosso modo le quart des suffrages et des sièges.
Le mode de scutin étant assez singulier et les scores pas encore définitifs, l'écart entre Nidaa Tounes et Ennadha pourrait même s'avérer plus faible qu'annoncé actuellement.
Le premier parti de Tunisie est le NNNN Ni Nidaa Ni (E)Nnadha avec 4 votes sur 10.
À noter aussi que les deux formations séculières qui s'étaient, en 2011, alliées avec les islamistes pour leur fournir une majorité de gouvernement, ressortent totalement essorées du scrutin d'hier.
La participation a été mauvaise → VRAI
Voici les chiffres que je vous laisse juger.
- Inscrits : environ 2 personnes sur 3 en âge de voter.
- Votants : 60% des inscrits, soit 40% des électeurs potentiels.
Toutefois, abstention et retrait du vote sont le fruit d'actes délibérés. Les inscriptions et la campagne électorale ont été très médiatisées.
La situation économique et sociale a été déterminante → FAUX
Les difficultés économiques, fortes depuis le milieu des années 2000 et qui furent l’étincelle qui alluma la révolution de 2011, n'ont eu aucune place dans la campagne électorale.
Les deux partis arrivés en tête ont publié dans leurs programmes des chiffres irréalistes et des propositions qui auraient été modernes en 1970.
Les mois et années à venir vont demander des décisions difficiles pour lesquelles les tunisiens n'ont donné, à ce jour, aucun mandat clair.
De mon point de vue, c'est, avec le rétablissement de la sécurité, le plus grand défi que les nouveaux élus vont devoir affronter.
Tahia Tounes !
Tunisiquement votre
Chronique dédiée à Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi ainsi qu'aux autres victimes civiles et militaires du terrorisme.
Publiée le lundi 27 octobre 2014 à 22:00
Malgré les vicissitudes et un climat sécuritaire dégradé, pour la seconde fois en trois ans, les tunisiennes et tunisiens ont choisi, dans les urnes et sans violence, leur représentation politique. Ils viennent même de s'offrir le luxe d'une alternance et d'un vote sanction.
Malheureusement, les reportages et commentaires dans les médias du nord de la Méditerranée ne reflètent guère la réalité tunisienne.
Je vais essayer, modestement, de tordre le coup à quelques idées reçues beaucoup trop véhiculées ces dernières heures.
Les laïcs ont gagné → FAUX
Il n'y a quasiment pas d'offre politique laïque en Tunisie.
Très peu de personnes revendiquent ouvertement une stricte séparation entre état et religion telle qu'elle existe en France.
À ma connaissance, contrairement à l'Hexagone, dans l'ancienne Carthage, aucun politique d'envergure n'affiche publiquement, et même ne laisse supposer, une quelconque velléité d'athéisme.
Nidaa Tounes, le parti arrivé en tête, est un rassemblement hétéroclite dont le jeune leader de 88 ans se revendique ouvertement “bon musulman”. Sa différence avec Ennadha, parti islamiste en seconde position, porte sur le modèle de société.
Nidaa Tounes se dit parfois séculier et défend un modèle ouvert mais non déconnecté de la religion, à l'instar de l'Italie ou de l'Irlande catholiques des années 1950 à 1970.
Ennadha, nettement plus conservateur, voudrait islamiser encore plus la société et l’état.
Les opposants aux islamistes étaient unis → FAUX
Au contraire, le champ politique était, comme en 2011, pléthorique.
Les tunisiens pouvaient choisir entre des orientations incroyable variées. Plus de 1300 listes étaient en lice.
Nidaa Tounes remporte les élections mais ne bénéficie pas d'un raz de marée. Les résultats provisoires le créditent d'environ 37% des voix et 40% des députés. Ce parti devra négocier et faire alliance avec des formations au score nettement moins flatteur pour former une majorité. À cette heure, ces jeux politiciens commencent à peine. Les tunisiens ont nettement opté pour cette formation car, à tort ou raison l'avenir nous le dira, ils y voient la meilleure alternative aux islamistes.
Ennadha recule mais reste un solide second avec grosso modo le quart des suffrages et des sièges.
Le mode de scutin étant assez singulier et les scores pas encore définitifs, l'écart entre Nidaa Tounes et Ennadha pourrait même s'avérer plus faible qu'annoncé actuellement.
Le premier parti de Tunisie est le NNNN Ni Nidaa Ni (E)Nnadha avec 4 votes sur 10.
À noter aussi que les deux formations séculières qui s'étaient, en 2011, alliées avec les islamistes pour leur fournir une majorité de gouvernement, ressortent totalement essorées du scrutin d'hier.
La participation a été mauvaise → VRAI
Voici les chiffres que je vous laisse juger.
- Inscrits : environ 2 personnes sur 3 en âge de voter.
- Votants : 60% des inscrits, soit 40% des électeurs potentiels.
Toutefois, abstention et retrait du vote sont le fruit d'actes délibérés. Les inscriptions et la campagne électorale ont été très médiatisées.
La situation économique et sociale a été déterminante → FAUX
Les difficultés économiques, fortes depuis le milieu des années 2000 et qui furent l’étincelle qui alluma la révolution de 2011, n'ont eu aucune place dans la campagne électorale.
Les deux partis arrivés en tête ont publié dans leurs programmes des chiffres irréalistes et des propositions qui auraient été modernes en 1970.
Les mois et années à venir vont demander des décisions difficiles pour lesquelles les tunisiens n'ont donné, à ce jour, aucun mandat clair.
De mon point de vue, c'est, avec le rétablissement de la sécurité, le plus grand défi que les nouveaux élus vont devoir affronter.
Tahia Tounes !
Tunisiquement votre
Chronique dédiée à Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi ainsi qu'aux autres victimes civiles et militaires du terrorisme.
Publiée le lundi 27 octobre 2014 à 22:00