dimanche 27 avril 2014

Comment politiques et institutions pourraient sortir de leur discrédit ?

Politiques, syndicalistes et, dans une moindre mesure, appareil judiciaire souffrent d'un discrédit exacerbé par les bouleversements technologiques et sociétaux induits par l'informatique et les télécommunications.

Les digital natives - les homo sapiens informaticus - sont désormais des adultes accomplis. Les plus vieux d'entre eux ont de 25 à 30 ans et commencent à avoir des enfants.
Dans moins de 10 ans, cette génération aura définitivement transformé notre présent et sera aux manettes ou, plus exactement, sera les manettes.
Les manière de vivre, de travailler et d'appréhender le monde de ces défricheurs sont contagieuses et irriguent l'ensemble de notre société.

Le rapport à l'espace-temps se modifie sous nos yeux.
"Partout et maintenant" est la nouvelle devise. Nous entrons dans un monde compact, rapide, mouvant.
À titre d'exemple, je rédige ce billet à Tunis, à l'aide de deux applications hébergées dans deux clouds différents, bien calé dans un canapé où une télévision diffusée par internet transmet une série américaine doublée en français et un match de football au Qatar avec des joueurs japonais et allemands.

Parallèlement, les intermédiaires traditionnels sont soumis à rude épreuve.
Tous ceux que leurs connaissances ou leurs statuts transformaient en points de passage obligés, sont systématiquement remis en cause. Des places de marché et des agoras numériques, interconnectées et de tailles très variées, les supplantent.
Ainsi, vous lisez ces lignes parce que je les ai publiées sur un de ces nombreux forums. Ni vous, ni moi n'avons eu besoin des services d'un éditeur ou d'une rédaction pour être mis en contact.

Agences de voyage, marchands de musique, journaux ont été, depuis de nombreuses années, les premiers sur la ligne de front.
Désormais, plus un seul intermédiaire n'est à l'abri.
Les technologies numériques permettent de contourner aisément les réglementations et les monopoles enserrés dans les frontières des vieilles nations.
Les taxis parisiens en font l'amère expérience. Une société localisée au Luxembourg, en Irlande, voire en Papouasie Nouvelle Guinée, peut, sans difficulté majeure, géolocaliser et vendre des prestations de transport dans l'antique Lutèce.
Ne pas savoir où sont stockées et comment sont distribuées mes humeurs mondialisées n'est pas un obstacle pour les lire ou les écrire.

Politiques, syndicalistes et juristes, au sens large de ces termes, sont des intermédiaires ancestraux qui commencent à sentir le vent des boulets.
Les digital natives ne toléreront plus très longtemps des pratiques et méthodes forgées aux XVIIIème et XIXème siècles.
Les manières de fonctionner de nos élus ainsi que de nos juges et avocats ne sont plus adaptées à notre époque. Sans réforme d'envergure, ils connaîtront sous peu le sort funeste des disquaires et des libraires.

Pour se transformer, ils doivent, tout d'abord, nettement accélérer.
Que des décisions concernant un divorce ou un permis de construire soient engluées plusieurs mois, alors qu'elles nécessitent un travail juridique cumulé de quelques heures, n'est plus acceptable.
De même, indépendamment de l'approbation ou des critiques qu'il suscite, le "pacte de responsabilité" annoncé par François Hollande 4 mois en arrière n'est toujours pas concrétisé par une seule mesure effectivement en application.
Ce train de sénateur n'est pas celui du web. Politique et justice ne sont pas assez lean et agiles.

L'espace embrassé par le politique est trop petit pour être vraiment utile.
Malgré les crispations populistes très fortes - qui sont un symptôme et en aucun cas une solution - la nation traditionnelle n'est plus un cadre adapté au monde interconnecté.
Entreprises, consommation, travail et loisirs sont devenus transnationaux. Par contre, nos cadres de régulation n'ont pas suivi le mouvement.

Politiciens et syndicalistes manquent aussi d'efficacité.
Leur mission devrait être de penser les changements en cours afin de les rendre intelligibles et d'en atténuer les effets néfastes.
Pour ce faire, l'anticipation est, de loin, plus importante que la conservation de l'existant.
Les élus de tous bords peinant de plus en plus dans cette activité, leurs émoluments, privilèges et faiblesses deviennent intolérables.
La classe politique actuelle n'est probablement pas plus malhonnête que du temps de Stavisky ou des ventes de légions d'honneur. Par contre, sa légitimité qui découle de sa performance en berne, fond à vue d'œil.

Nos institutions n'ont guère besoin d'un surcroît d'éthique mais surtout de reprendre la main sur les enjeux et les mutations de la troisième révolution industrielle.
Si les pouvoirs publics ne réussissent pas cette transformation, je suis prêt à parier que les digital natives feront très vite émerger des substituts privés, numériques et, peut-être même, a-nationaux.
De la crowd politics en quelque sorte ...

Agilopolitiquement votre

Références et compléments
- N'étant pas à un paradoxe près, je remercie la sénatrice Nathalie Goulet pour avoir suggéré le thème de cette chronique.