À la fin du mois de ramadan, le jour de l'Aïd, se tient, à Kelibia au nord-est de la Tunisie, une compétition sportive injustement ignorée, le Marthathlon.
Il faut dire que, pour une raison mal élucidée, les femmes de la famille s'appellent toutes Marthe. Ce prénom très français est bizarrement systématiquement associé à un prénom masculin local : Marthe-Ali, Marthe-Habib, Marthe-Hamadi, Marthe-Mahmoud et même, désormais, Marthe-Didier.
Le Marthathlon, véritable course par étapes, consiste à visiter l'ensemble des Marthe à cadence élevée.
Comme au Tour de France, deux classements coexistent.
Le classement par points, dont le leader est distingué par une chéchia verte, récompense la régularité.
L'absorption d'un gâteau sec rapporte un point, une pâtisserie tunisienne deux, un thé trois, une citronnade quatre et un grand verre de "gazouze", tel un essai au rugby, pas moins de cinq points.
La "gazouze" light sans sucre est assimilée à du dopage, ne rapporte rien et, en cas de récidive, vous élimine du Marthathlon.
Les arrivées chez les premières Marthe, en quelque sorte des étapes de plaine, sont favorables aux sprinters qui se ruent à vive allure sur les sodas.
Toutefois, assez rapidement, la Marthe de montagne se profile qui propose deux tournées successives. Lestés de trois Cocas et deux biscuits obtenus aisément dans la plaine, seuls des athlètes d'exception réussissent à enchaîner un thé et une citronnade accompagnés de makrouths et de baklavas.
Le premier au classement général est récompensé par la djellaba jaune.
Décrocher cette distinction est une lutte contre la montre. À l'instar du golf, le par est fixé à 10 minutes par Marthe. L'écart, positif ou négatif, entre votre temps effectif et cet objectif s'additionne à votre score.
La plupart des Marthe sont des compétitrices redoutables qui s'ingénient à exploser votre timing.
Pour commencer, la Marthe vous claque pas moins de 4 bises.
Ensuite, elle vous demande des nouvelles de votre famille, en détaillant chacun de ses membres.
Après ces salutation d'usage, elle vous fait asseoir et enchaîne par un ravitaillement solide et liquide accroissant votre classement par points.
Lorsque vous faites mine de partir, la Marthe appelle à sa rescousse la célèbre Mademoiselle Bikri qui se place en travers de la sortie en répétant "c'est trop tôt, c'est trop tôt".
Une volonté de fer et une pratique régulière de plusieurs décennies du Marthathlon sont indispensables pour être plus rapide que le par et revêtir la tunique safran.
Personnellement, cette année, j'ai terminé le Marthathlon une vingtaine de minutes au-dessus de l'objectif mais avec 18 points dans ma besace. Une performance honorable mais trop loin des podiums.
Marthathloniquement votre
Références et compléments
- "Marthe" suivi d'un prénom signifie "femme de" en dialecte tunisien. Ainsi Marthe-Habib est l'épouse de Habib.
- "Gazouze" est le mot dialectal pour les sodas sucrés et gazeux, comme Coca, Fanta ou Apla.
- "Mademoiselle Bikri", ou plutôt "mzel bikri", veut dire littéralement "c'est trop tôt".
- Merci à Myriam & Karim qui m'ont soufflé l'idée de cette chronique
- Voir aussi les chroniques tunisiennes "Un après-midi chez Marthe" et "Précis de survie linguistique en Tunisie".
Il faut dire que, pour une raison mal élucidée, les femmes de la famille s'appellent toutes Marthe. Ce prénom très français est bizarrement systématiquement associé à un prénom masculin local : Marthe-Ali, Marthe-Habib, Marthe-Hamadi, Marthe-Mahmoud et même, désormais, Marthe-Didier.
Le Marthathlon, véritable course par étapes, consiste à visiter l'ensemble des Marthe à cadence élevée.
Comme au Tour de France, deux classements coexistent.
Le classement par points, dont le leader est distingué par une chéchia verte, récompense la régularité.
L'absorption d'un gâteau sec rapporte un point, une pâtisserie tunisienne deux, un thé trois, une citronnade quatre et un grand verre de "gazouze", tel un essai au rugby, pas moins de cinq points.
La "gazouze" light sans sucre est assimilée à du dopage, ne rapporte rien et, en cas de récidive, vous élimine du Marthathlon.
Les arrivées chez les premières Marthe, en quelque sorte des étapes de plaine, sont favorables aux sprinters qui se ruent à vive allure sur les sodas.
Toutefois, assez rapidement, la Marthe de montagne se profile qui propose deux tournées successives. Lestés de trois Cocas et deux biscuits obtenus aisément dans la plaine, seuls des athlètes d'exception réussissent à enchaîner un thé et une citronnade accompagnés de makrouths et de baklavas.
Le premier au classement général est récompensé par la djellaba jaune.
Décrocher cette distinction est une lutte contre la montre. À l'instar du golf, le par est fixé à 10 minutes par Marthe. L'écart, positif ou négatif, entre votre temps effectif et cet objectif s'additionne à votre score.
La plupart des Marthe sont des compétitrices redoutables qui s'ingénient à exploser votre timing.
Pour commencer, la Marthe vous claque pas moins de 4 bises.
Ensuite, elle vous demande des nouvelles de votre famille, en détaillant chacun de ses membres.
Après ces salutation d'usage, elle vous fait asseoir et enchaîne par un ravitaillement solide et liquide accroissant votre classement par points.
Lorsque vous faites mine de partir, la Marthe appelle à sa rescousse la célèbre Mademoiselle Bikri qui se place en travers de la sortie en répétant "c'est trop tôt, c'est trop tôt".
Une volonté de fer et une pratique régulière de plusieurs décennies du Marthathlon sont indispensables pour être plus rapide que le par et revêtir la tunique safran.
Personnellement, cette année, j'ai terminé le Marthathlon une vingtaine de minutes au-dessus de l'objectif mais avec 18 points dans ma besace. Une performance honorable mais trop loin des podiums.
Marthathloniquement votre
Références et compléments
- "Marthe" suivi d'un prénom signifie "femme de" en dialecte tunisien. Ainsi Marthe-Habib est l'épouse de Habib.
- "Gazouze" est le mot dialectal pour les sodas sucrés et gazeux, comme Coca, Fanta ou Apla.
- "Mademoiselle Bikri", ou plutôt "mzel bikri", veut dire littéralement "c'est trop tôt".
- Merci à Myriam & Karim qui m'ont soufflé l'idée de cette chronique
- Voir aussi les chroniques tunisiennes "Un après-midi chez Marthe" et "Précis de survie linguistique en Tunisie".