Cher internaute, avant que vous entamiez la lecture de ce billet, je tiens à vous avertir que son contenu peut être particulièrement choquant à l'aune de la pensée conventionnelle et que j'y emploie des vocables tabous chez la plupart des politiques. Pour vous éviter les surprises désagréables, j'ai indiqué ces gros mots en italique.
Au soir du second tour des élections législatives, j'ai débattu avec deux twittonautes de mes amis sur la comptabilisation des votes blancs comme suffrages exprimés.
Cette évolution électorale permettrait de mettre en exergue les personnes soucieuses de citoyenneté mais non motivées par le choix leur étant proposé. Le pourcentage de chaque candidat serait revu à la baisse mais, avec le système actuel, les gagnants demeureraient inchangés.
Dans le même temps, les commentateurs des gazettes glosaient sur le taux historique d'abstention, signe, parait-il, d'un désenchantement du politique. Certains soulignaient que, depuis environ un quart de siècle, aucune sensibilité nouvelle n'avait émergé et que les six principaux partis étaient devenus des cartels électoraux.
En partant de ces deux points, j'ai mis en pratique les méthodes créatives en usage en entreprise pour rechercher des innovations en matière électorale.
Quel est le problème à résoudre ?
Imaginer un système électoral répondant simultanément aux cinq exigences ci-dessous :
- 1) Etre démocratique et représentatif, c'est à dire désigner des élus incarnant équitablement la palette des opinions politiques du pays.
- 2) Permettre aux abstentions et aux votes blancs d'avoir un effet non symbolique.
- 3) Dégager une majorité pouvant former un gouvernement stable afin de na pas revenir errements des républiques n°3 et n°4.
- 4) Etre réellement paritaire avec des proportions sensiblement équilibrées de candidats mais surtout d'élus des deux sexes.
- 5) Contribuer à l'éclosion de nouvelles tendances politiques.
Pour satisfaire des critères en apparence incompatibles, une façon efficace en développement de produits innovants consiste à choisir la contradiction la plus difficile et chercher à passer outre en "sortant du cadre". Les autres critères sont ensuite pris en compte en mixant dans un "cocktail" l'ébauche de solution nouvelle avec des éléments provenant de systèmes préexistants.
Aiguillonné par mes deux amis, j'ai choisi de retenir comme contradiction "dure" l'opposition entre les deux premières exigences : assurer une représentativité démocratique tout en donnant un impact effectif aux abstentions et votes blancs.
Cette équation semble insoluble dans l'organisation parlementaire actuelle où un nombre fixe de députés est élu indépendamment de la participation. Il suffit de supposer variable l'effectif de l'assemblée nationale pour que la difficulté s'estompe.
La constitution pourrait définir un nombre maximal de députés correspondant à l'intégralité du corps électoral. Le nombre réel d'hôtes du Palais Bourbon serait déterminé à chaque élection au prorata des suffrages exprimés.
Par exemple, dimanche dernier, seuls environ 320, et non pas 577, députés auraient été désignés.
Les postulants à la députation auraient ainsi une vraie incitation à nous intéresser à leurs propositions et actions. A défaut, leur nombre rétrécirait comme peau de chagrin. Quand les places deviennent chères, l'imagination s'aiguise !
La façon la plus simple de mettre en place un tel système est un scrutin avec des listes nationales. L'exigence démocratique serait aussi renforcée puisque l'égalité de pouvoir électoral entre tous les citoyens que le découpage actuel par circonscription ne respecte pas serait automatiquement assurée.
Les deux premiers critères étant surmontés, la solution peut être affinée pour respecter les trois autres exigences. Cette fois, les pistes sont recherchées dans des systèmes déjà en place.
Dégager une majorité stable avec un scrutin de liste s'obtient en donnant une prime à la liste arrivée en tête, comme pour l'élection des conseils municipaux des communes de plus de 3500 habitants. De surcroît, un seuil de représentativité, par exemple 5%, limiterait l'accès à l'Assemblée Nationale aux micro-partis.
La formule expérimentée en Tunisie lors des premières élections démocratiques d'octobre 2011 permet de respecter la parité, tant des candidats que des élus. Les listes de candidats alternent obligatoirement du début à la fin "un homme, une femme" ou bien "une femme, un homme". Avec des listes nationales - ce qui n'était pas le cas en Tunisie - la quasi-égalité des élus des deux sexes est mécanique.
Permettre à de nouvelles opinions d'apparaitre sur le devant de la scène politique s'obtient en conservant un parlement bicaméral avec un mode de scrutin pour les sénateurs proche de celui proposé pour les députés.
Le Sénat pourrait devenir la chambre de la représentation alors que l'Assemblée Nationale aurait pour vocation de dégager une majorité stable. Pour ce faire, aux élections sénatoriales, auxquelles - autre avancée démocratique - tous les électeurs seraient conviés, serait de ne pas appliquer de prime majoritaire et d'abaisser fortement le seuil de représentativité.
Bien sur d'autres réflexions créatives, partant du même énoncé, peuvent déboucher sur des systèmes très différents.
La proposition ci-dessus n'est qu'une des multiples façons d'aborder l'équation électorale. Les produits réellement innovants naissent de réflexions croisées et de l'entrechoquement de nombreuses ébauches.
Pour départager ces différentes potentialités, je ne connais qu'une seule méthode : demander aux clients - c'est à dire dans notre cas aux citoyens - ce qu'ils en pensent. L'expérimentation de prototypes est souvent la manière la plus agile et la plus efficace d'obtenir des réponses exploitables.
Compte tenu des us et coutumes du personnel politique, nous pouvons tous dormir tranquilles, ce n'est pas demain la veille de l'essai d'un nouveau système électoral.
Innovatiquement votre
Références et compléments
- Sans aucune modestie, pour aller plus loin sur l'innovation et les méthodes créatives, je suggère mon article publié par le Cercle des Echos "L'innovation une recette à quatre ingrédients" ainsi que mon livre "Développer un produit innovant avec les méthodes agiles" (Editions Eyrolles).
- Voir aussi la chronique "Ségolène charcutée".
- Cette chronique fait suite à un échange vivifiant avec les deux twittonautes @Francoisfin et @usky73.
Au soir du second tour des élections législatives, j'ai débattu avec deux twittonautes de mes amis sur la comptabilisation des votes blancs comme suffrages exprimés.
Cette évolution électorale permettrait de mettre en exergue les personnes soucieuses de citoyenneté mais non motivées par le choix leur étant proposé. Le pourcentage de chaque candidat serait revu à la baisse mais, avec le système actuel, les gagnants demeureraient inchangés.
Dans le même temps, les commentateurs des gazettes glosaient sur le taux historique d'abstention, signe, parait-il, d'un désenchantement du politique. Certains soulignaient que, depuis environ un quart de siècle, aucune sensibilité nouvelle n'avait émergé et que les six principaux partis étaient devenus des cartels électoraux.
En partant de ces deux points, j'ai mis en pratique les méthodes créatives en usage en entreprise pour rechercher des innovations en matière électorale.
Quel est le problème à résoudre ?
Imaginer un système électoral répondant simultanément aux cinq exigences ci-dessous :
- 1) Etre démocratique et représentatif, c'est à dire désigner des élus incarnant équitablement la palette des opinions politiques du pays.
- 2) Permettre aux abstentions et aux votes blancs d'avoir un effet non symbolique.
- 3) Dégager une majorité pouvant former un gouvernement stable afin de na pas revenir errements des républiques n°3 et n°4.
- 4) Etre réellement paritaire avec des proportions sensiblement équilibrées de candidats mais surtout d'élus des deux sexes.
- 5) Contribuer à l'éclosion de nouvelles tendances politiques.
Pour satisfaire des critères en apparence incompatibles, une façon efficace en développement de produits innovants consiste à choisir la contradiction la plus difficile et chercher à passer outre en "sortant du cadre". Les autres critères sont ensuite pris en compte en mixant dans un "cocktail" l'ébauche de solution nouvelle avec des éléments provenant de systèmes préexistants.
Aiguillonné par mes deux amis, j'ai choisi de retenir comme contradiction "dure" l'opposition entre les deux premières exigences : assurer une représentativité démocratique tout en donnant un impact effectif aux abstentions et votes blancs.
Cette équation semble insoluble dans l'organisation parlementaire actuelle où un nombre fixe de députés est élu indépendamment de la participation. Il suffit de supposer variable l'effectif de l'assemblée nationale pour que la difficulté s'estompe.
La constitution pourrait définir un nombre maximal de députés correspondant à l'intégralité du corps électoral. Le nombre réel d'hôtes du Palais Bourbon serait déterminé à chaque élection au prorata des suffrages exprimés.
Par exemple, dimanche dernier, seuls environ 320, et non pas 577, députés auraient été désignés.
Les postulants à la députation auraient ainsi une vraie incitation à nous intéresser à leurs propositions et actions. A défaut, leur nombre rétrécirait comme peau de chagrin. Quand les places deviennent chères, l'imagination s'aiguise !
La façon la plus simple de mettre en place un tel système est un scrutin avec des listes nationales. L'exigence démocratique serait aussi renforcée puisque l'égalité de pouvoir électoral entre tous les citoyens que le découpage actuel par circonscription ne respecte pas serait automatiquement assurée.
Les deux premiers critères étant surmontés, la solution peut être affinée pour respecter les trois autres exigences. Cette fois, les pistes sont recherchées dans des systèmes déjà en place.
Dégager une majorité stable avec un scrutin de liste s'obtient en donnant une prime à la liste arrivée en tête, comme pour l'élection des conseils municipaux des communes de plus de 3500 habitants. De surcroît, un seuil de représentativité, par exemple 5%, limiterait l'accès à l'Assemblée Nationale aux micro-partis.
La formule expérimentée en Tunisie lors des premières élections démocratiques d'octobre 2011 permet de respecter la parité, tant des candidats que des élus. Les listes de candidats alternent obligatoirement du début à la fin "un homme, une femme" ou bien "une femme, un homme". Avec des listes nationales - ce qui n'était pas le cas en Tunisie - la quasi-égalité des élus des deux sexes est mécanique.
Permettre à de nouvelles opinions d'apparaitre sur le devant de la scène politique s'obtient en conservant un parlement bicaméral avec un mode de scrutin pour les sénateurs proche de celui proposé pour les députés.
Le Sénat pourrait devenir la chambre de la représentation alors que l'Assemblée Nationale aurait pour vocation de dégager une majorité stable. Pour ce faire, aux élections sénatoriales, auxquelles - autre avancée démocratique - tous les électeurs seraient conviés, serait de ne pas appliquer de prime majoritaire et d'abaisser fortement le seuil de représentativité.
Bien sur d'autres réflexions créatives, partant du même énoncé, peuvent déboucher sur des systèmes très différents.
La proposition ci-dessus n'est qu'une des multiples façons d'aborder l'équation électorale. Les produits réellement innovants naissent de réflexions croisées et de l'entrechoquement de nombreuses ébauches.
Pour départager ces différentes potentialités, je ne connais qu'une seule méthode : demander aux clients - c'est à dire dans notre cas aux citoyens - ce qu'ils en pensent. L'expérimentation de prototypes est souvent la manière la plus agile et la plus efficace d'obtenir des réponses exploitables.
Compte tenu des us et coutumes du personnel politique, nous pouvons tous dormir tranquilles, ce n'est pas demain la veille de l'essai d'un nouveau système électoral.
Innovatiquement votre
Références et compléments
- Sans aucune modestie, pour aller plus loin sur l'innovation et les méthodes créatives, je suggère mon article publié par le Cercle des Echos "L'innovation une recette à quatre ingrédients" ainsi que mon livre "Développer un produit innovant avec les méthodes agiles" (Editions Eyrolles).
- Voir aussi la chronique "Ségolène charcutée".
- Cette chronique fait suite à un échange vivifiant avec les deux twittonautes @Francoisfin et @usky73.