jeudi 10 juillet 2014

Automobilistes préférez-vous les carrefours libéraux ou administrés ?

Dans de nombreux domaines - professionnels, politiques, économiques, sociaux et même personnels - nous avons tendance, pour venir à bout de dysfonctionnements réels ou supposés, à imaginer puis mettre en place des procédures et des règlements toujours plus ingénieux.

Malheureusement, le remède est souvent pire que le mal.
Face à un problème, nous préférons fréquemment théorie et contrôle plutôt que pratique et confiance.

Pour tenter de vous en convaincre, je vous propose d’examiner le fonctionnement des carrefours routiers en zone urbaine.

Au début de l'automobile, une seule règle existait pour régir le passage des voitures à un croisement de voies, la priorité à droite.
Ce système qui a le mérite de la simplicité fonctionne parfaitement lorsque le nombre de véhicules reste faible mais peine lorsque le trafic devient soutenu. Les conducteurs souhaitant tourner à gauche ou traverser le croisement bloquent les autres voitures.

Pour supprimer cet inconvénient, sens uniques et interdictions de tourner ont été inventés.
Ils résolvent ponctuellement la difficulté en la reportant ailleurs, les automobilistes souhaitant aller dans une direction prohibée étant obligés d'effectuer un détour.

Vinrent ensuite les stops et les cédez le passage.
Un des axes, décrété prioritaire, se voit accorder tous les droits.
Les véhicules venant des rues adjacentes, à l'instar du tiers-état cédant le pas à la noblesse avant 1789, doivent se contenter d'attendre que le trafic dominant daigne se clairsemer.
Comble de l'ironie, les quelques nobles attirés par la gauche suscitent l'ire de leurs condisciples mainstream qu'ils empêchent d'aller de l'avant.

Peu à peu, les feux tricolores se sont imposés.
Cette solution technocratique - savant mélange de technique et de démocratie - est un précurseur de la discrimination positive.
Par l'entremise d'astucieuses modifications chromatiques, les minoritaires possèdent un quota réservé de droits de passage soustraits à la majorité contrainte de s'arrêter.
Certains ingénieurs, ayant constaté que les minoritaires, non contents de fuir les usages établis, sont aussi fantasques et changeants, ont équipé les feux rouges de capteurs et de processeurs. En théorie, ces systèmes dernier cri adaptent le fonctionnement des carrefours aux variations de trafic. En pratique, il s'agit d'exercices en vraie grandeur de discrimination aléatoire.

Enfin, derniers avatars en date, sont apparus les ronds-points dits à l'anglaise.
Ils doivent leur appellation au fait que la Grande Bretagne s'est dotée de tels carrefours dès les années 1960, alors qu'il a fallu attendre les règnes éclairés de François Mitterrand et Zine el Abidine Ben Ali pour que France et Tunisie en équipent leurs voirie.
Comme les priorités à droite, ces croisements circulaires fonctionnent avec une règle simpliste : priorité au véhicule engagé.
Paradoxalement, c'est la diversité des intervenants qui assure la fluidité de la circulation sur un rond-point. La présence simultanée de majoritaires orthodoxes et hétérodoxes ainsi que de minoritaires de tout poil garantit le bon fonctionnement de l'ensemble en alternant les trajectoires.

Je ne peux malheureusement poursuivre plus avant cette analyse routière car je dois, sans délai, franchir un stop, quatre ronds-points et un feu tricolore afin d'aller quérir le ravitaillement familial dans un hypermarché dont vous aurez aisément deviné le nom.

Aussi je laisse chaque lecteur, au vu de sa propre expérience de conducteur, définir le type de carrefour qu'il préfère et, éventuellement, en déduire quelques enseignements applicables en dehors de la route.

Carrefouriquement votre

Références et compléments
- Voir aussi la chronique "les ronds-points du Téléthon".