dimanche 15 août 2010

Paris, Bari - Chronique tunisienne


La météorologie estivale de Kelibia est loin de posséder la complexité de celle des Iles Britanniques : point ou presque de pluie et un mercure sensiblement stable !
Seul le vent fait varier ce tableau.
Lorsqu'il souffle depuis la mer, l'humidité ambiante produit une moiteur pesante.
La répétition fréquente de la formule "srou na des niats !" (littéralement "que c'est chaud !") - éventuellement aussi de "srou na barre chat !" (littéralement "chaud beaucoup") - semble pouvoir atténuer un peu les effets de cette canicule maritime.
A l'inverse, le vent de terre est une brise sympathique qui tempère la forte chaleur.

Cette apparente simplicité recèle toutefois une difficulté périlleuse pour le tenant de la langue de Molière : les deux vents kélibiens possèdent des noms imprononçables.

Le vent de terre est pire qu'un faux ami, c'est un véritable traître. Au premier abord, il semble être plaisamment baptisé "Paris" et remplir ainsi d'aise le lutécien d'origine que je suis.
Toutefois, parlez du "Paris" à un kélibien et vous obtiendrez, au mieux, un silence poli. Au bout de quelques secondes, prenant un air affligé, il vous corrigera et vous indiquera que cet aquilon se nomme en fait "Bari". C'est effectivement beaucoup plus logique, vu que le port italien est quand même beaucoup plus près du Cap Bon que la capitale française.
Le lendemain, Eole étant toujours orienté au Nord, fier de vos récents progrès linguistiques, vous expliquez avec enthousiasme que le vent est "Bari". Malheureusement, cette nouvelle appellation suscite toujours la même consternation chez vos interlocuteurs.

Les jours suivants, plus opiniâtre que jamais, vous essayez, sans aucun succès, une ribambelle de variantes phonétiques "Bhârri", "Pahri", "Bhahrî", "Paâarrrriiii", "Bpââârrrrîî" … Rien, absolument rien, ne trouve grâce aux délicates oreilles tunisiennes.

Le vent de mer est encore plus funeste, les palais francophones étant totalement rétifs à sa première syllabe.
Grosso modo, ce zéphyr s'appelle "queue bli".
Utiliser cette prononciation en public est un moyen efficace de se ridiculiser.
Si, par malchance vous avez transgressé cette règle élémentaire de prudence linguistique, il ne vous reste plus pour soigner votre ego malmené et tenter de retrouver un peu de quiétude qu'à fumer un peu de "haschich" (littéralement herbe, par extensions algues) que le "queue bli" rabat en quantité sur les plages.
Une thalasso-chicha en quelque sorte …

Météorologiquement votre ...