La protection accordée récemment au sieur Gérard D. par Sa Majesté Albert II Roi des Belges a fait bruire gazettes et politiques.
Mon incompétence n'ayant rien à envier à celle des commentateurs patentés, voici ma contribution au tintamarre ambiant sous forme de trois réflexions suscitées par l'exil outre Quiévrain d'Obélix.
- Le sieur Gérard D. est mal placé pour se plaindre des impôts élevés en France. L'action et l'argent publics sont les principales sources de sa notoriété et de son train de vie. J'affirme haut et fort qu'il a reçu plus de l'état qu'il ne lui a versé !
En effet, le cinéma est, dans l'Hexagone, une activité particulièrement protégée et subventionnée.
Les innombrables aides publiques directes et indirectes au septième art dépassent allègrement le milliard d'Euros, soit 1 Euro par mois et par français. Le chiffre exact est introuvable sur internet, probablement pour éviter que les contribuables-électeurs découvrent l'ampleur de ce savoureux fromage.
Le secteur audiovisuel est encore plus réglementé que la très colbertiste viticulture où le sieur Gérard D. a d'ailleurs investi. Par exemple, il est interdit de diffuser dès sa sortie un film à la télévision ou sur internet. Dans n'importe quel autre domaine de l'économie, une telle pratique s'appelle une entrave à la concurrence et est légalement prohibée. Pour le cinéma, il s'agit de la louable et noble défense de l'exception culturelle française.
Cette manne est très inégalement répartie. Une vingtaine d'artistes, dont le sieur Gérard D., émarge régulièrement au dessus du million d'Euros tandis que techniciens et petites mains sont payés à coups de lance-pierres, souvent par les ASSEDIC, parfois au noir ...
- Le sieur Gérard D. affirme avoir versé 145 millions d'Euros en impôts durant les 45 ans de son existence de contribuable français et donné en 2011 au fisc 85% de son revenu.
En supposant, hypothèse très défavorable, que les propos du Cyrano du Brabant soient exacts et que le taux annoncé lui ait été appliqué sa vie durant, notre outre ex-nationale aurait bénéficié chaque année, en moyenne, d'un revenu net de 570 000 Euros, le salaire de 50 smicards.
Difficile de plaider la ruine personnelle et la fiscalité confiscatoire dans ces conditions ...
- Une des causes majeures de la Révolution Française en 1789 était l'inégalité et l'absurdité du système fiscal.
Pendant que certaines catégories sociales, essentiellement la noblesse et une part du clergé, échappaient à l'impôt, d'autres étaient lourdement et étrangement taxées. Chaque région avait ses propres impositions et les exemptions, souvent incompréhensibles, étaient légions. De surcroît, la réglementation malthusienne des corporations empêchait le décollage industriel, pourtant déjà à l'œuvre en Grande Bretagne.
De nos jours, l'automobile ayant remplacé le cheval et internet la malle-poste, c'est au niveau de l'Europe que taxations et législations économiques devraient être pensées. Localiser son patrimoine personnel en Belgique ou le bureau d'études d'une entreprise en France ne devrait pas permettre d'échapper à la nécessaire gabelle. A défaut d'harmonisation rapide des impôts, les élites politiques, économiques et culturelles de notre vieux continent pourraient connaître, un jour de colère, le sort de leurs prédécesseurs sous la Monarchie qui réformèrent trop peu et trop tard ...
Sans-culottiquement votre
Post Scriptum
Le sieur Gérard D. a peut-être choisi sa nouvelle résidence un peu vite, l'alcool est plus taxé en Belgique qu'en France ...
Références et compléments
- Cette chronique, sous une forme légèrement remaniée, fait désormais partie du recueil disponible en ligne "Humeurs Économiques".
- Dans la même veine, lire aussi la chronique "Face au CAC, le SMIC prend une claque !"
- L'idée de calculer le revenu net annuel du sieur Gérard D. vient initialement du twittonaute @clumsy9. Régis (alias @rchbx sur Twitter), mon colbertiste préféré, m'a signalé le différentiel de taxation de l'alcool de part et d'autre de la frontière franco-belge. Merci à eux deux !
Mon incompétence n'ayant rien à envier à celle des commentateurs patentés, voici ma contribution au tintamarre ambiant sous forme de trois réflexions suscitées par l'exil outre Quiévrain d'Obélix.
- Le sieur Gérard D. est mal placé pour se plaindre des impôts élevés en France. L'action et l'argent publics sont les principales sources de sa notoriété et de son train de vie. J'affirme haut et fort qu'il a reçu plus de l'état qu'il ne lui a versé !
En effet, le cinéma est, dans l'Hexagone, une activité particulièrement protégée et subventionnée.
Les innombrables aides publiques directes et indirectes au septième art dépassent allègrement le milliard d'Euros, soit 1 Euro par mois et par français. Le chiffre exact est introuvable sur internet, probablement pour éviter que les contribuables-électeurs découvrent l'ampleur de ce savoureux fromage.
Le secteur audiovisuel est encore plus réglementé que la très colbertiste viticulture où le sieur Gérard D. a d'ailleurs investi. Par exemple, il est interdit de diffuser dès sa sortie un film à la télévision ou sur internet. Dans n'importe quel autre domaine de l'économie, une telle pratique s'appelle une entrave à la concurrence et est légalement prohibée. Pour le cinéma, il s'agit de la louable et noble défense de l'exception culturelle française.
Cette manne est très inégalement répartie. Une vingtaine d'artistes, dont le sieur Gérard D., émarge régulièrement au dessus du million d'Euros tandis que techniciens et petites mains sont payés à coups de lance-pierres, souvent par les ASSEDIC, parfois au noir ...
- Le sieur Gérard D. affirme avoir versé 145 millions d'Euros en impôts durant les 45 ans de son existence de contribuable français et donné en 2011 au fisc 85% de son revenu.
En supposant, hypothèse très défavorable, que les propos du Cyrano du Brabant soient exacts et que le taux annoncé lui ait été appliqué sa vie durant, notre outre ex-nationale aurait bénéficié chaque année, en moyenne, d'un revenu net de 570 000 Euros, le salaire de 50 smicards.
Difficile de plaider la ruine personnelle et la fiscalité confiscatoire dans ces conditions ...
- Une des causes majeures de la Révolution Française en 1789 était l'inégalité et l'absurdité du système fiscal.
Pendant que certaines catégories sociales, essentiellement la noblesse et une part du clergé, échappaient à l'impôt, d'autres étaient lourdement et étrangement taxées. Chaque région avait ses propres impositions et les exemptions, souvent incompréhensibles, étaient légions. De surcroît, la réglementation malthusienne des corporations empêchait le décollage industriel, pourtant déjà à l'œuvre en Grande Bretagne.
De nos jours, l'automobile ayant remplacé le cheval et internet la malle-poste, c'est au niveau de l'Europe que taxations et législations économiques devraient être pensées. Localiser son patrimoine personnel en Belgique ou le bureau d'études d'une entreprise en France ne devrait pas permettre d'échapper à la nécessaire gabelle. A défaut d'harmonisation rapide des impôts, les élites politiques, économiques et culturelles de notre vieux continent pourraient connaître, un jour de colère, le sort de leurs prédécesseurs sous la Monarchie qui réformèrent trop peu et trop tard ...
Sans-culottiquement votre
Post Scriptum
Le sieur Gérard D. a peut-être choisi sa nouvelle résidence un peu vite, l'alcool est plus taxé en Belgique qu'en France ...
Références et compléments
- Cette chronique, sous une forme légèrement remaniée, fait désormais partie du recueil disponible en ligne "Humeurs Économiques".
- Dans la même veine, lire aussi la chronique "Face au CAC, le SMIC prend une claque !"
- L'idée de calculer le revenu net annuel du sieur Gérard D. vient initialement du twittonaute @clumsy9. Régis (alias @rchbx sur Twitter), mon colbertiste préféré, m'a signalé le différentiel de taxation de l'alcool de part et d'autre de la frontière franco-belge. Merci à eux deux !