Monsieur le ministre de l'éducation nationale,
Mesdames et Messieurs les présidents de conseils régionaux et généraux.
Les manuels scolaires de nos chères têtes blondes sont essentiellement gérés et pris en charge par le ministère et les collectivités publiques que vous dirigez.
Cet effort louable représente une dépense annuelle de grosso modo 330 millions d'Euros, environ 8 Euros par foyer français.
Moins d'un dixième de cette manne rémunère auteurs et illustrateurs. Le reste finance l'édition, l'impression et la distribution.
Chaque élève, du Cours Préparatoire à la Terminale, se voit, en moyenne, doté, chaque année, de trois livres neufs. Le total national avoisine 40 millions d'ouvrages, l'équivalent de 125 hectares de forêt.
Contrairement à la littérature générale, les véritables décideurs des achats - les enseignants - ne sont pas les payeurs. Ce sont les régions et départements qui règlent la note avec nos impôts.
Une telle situation, que le spécialistes du marketing décrivent comme une vente via des actions de prescription, est absolument idéale pour les éditeurs. Ils déploient d'ailleurs à l'égard des pédagogues un arsenal de persuasion aussi peu moral que celui des laboratoires pharmaceutiques vis à vis des médecins.
Pendant ce temps, nos enfants croulent sous le poids des cartables et le "numérique" peine à pénétrer l'enseignement.
Bizarrement, les livres scolaires dépendent d'entreprises privées mollement concurrentielles alors que l'éducation en France est nationale et majoritairement publique.
Il y a pourtant une manière très simple et moderne de réformer ce système pour le plus grand bien des élèves, des professeurs, voire, à la marge, des finances publiques.
Pour ce faire, l'état lancerait chaque année un concours doté de règles claires et d'environ 30 millions d'Euros - la rémunération actuelle des contributeurs aux manuels - pour des livres scolaires électroniques en format ouvert.
Les différents niveaux et matières seraient concernés avec une rotation à définir en lien avec les évolutions de programmes.
Les lauréats s'engageraient à mettre leur contenu à disposition suivant une licence libre type Creative Commons, autorisant la reproduction et la citation à but non commercial.
Un serveur géré par le ministère de l'éducation mettrait ces ouvrages gratuitement à disposition de tous.
D'éventuels sponsorings, bien encadrés à l'instar de ceux de Wikipedia, pourraient limiter les coûts.
Dans le même temps, les collectivités locales doteraient, d'abord à l'entrée au collège, puis au début du lycée, chaque élève d'une tablette sur laquelle il pourrait télécharger ses manuels électroniques mais aussi effectuer bien d'autres activités tant pédagogiques que personnelles.
Plus l'enseignement se rapprochera des centres d'intérêts et des pratiques des jeunes, plus il a de chances d'en intéresser et motiver un grand nombre.
De surcroît, personne ne discuterait plus du "numérique" à l'école, il y serait d'emblée.
Financièrement, cette solution serait sensiblement aussi chère que le système actuel.
Annuellement, les élèves qui débutent collège ou lycée sont 1.5 millions. Une tablette achetée en masse peut s'obtenir pour environ 175 Euros Hors Taxes, voire nettement moins en faisant jouer la concurrence et les logiciels libres. L'équipement informatique de la jeunesse nécessiterait donc 260 millions d'Euros par année scolaire.
En ajoutant la rémunération des auteurs et les tablettes pour les enseignants, le total est proche de 300 millions d'Euros, sensiblement le coût actuel des bouquins papier, avec une empreinte écologique réduite et une diminution de l'emprise des éditeurs sur notre appareil éducatif.
En espérant que vous mettrez très rapidement en oeuvre cette réforme simple et non coûteuse, je reste, avec beaucoup d'autres, Mesdames et Messieurs votre humble électeur et financeur.
Numérico-pédagogiquement votre
Post-Scriptum du 13 mai 2013
Pan sur le bec ! Les manuels scolaires libres et gratuits existent déjà !
Je l'ignorais mais Twitter me l'a fait découvrir.
Yann Houry, enseignant et animateur du blog "Ralentir travaux", a créé un manuel de français multimédia gratuit et sous licence Creative Commons pour la classe de quatrième. Il est désormais en train de récidiver pour la classe de sixième.
Le résultat est époustouflant et les réflexions qui l'accompagnent sont beaucoup plus précises, car venant d'un praticien, que celles présentées dans cette chronique.
Je vous suggère de fureter sur les manuels de Yann Houry, ils donnent envie de s'en servir (je me suis replongé dans Le Cid de Corneille avec un délice inattendu et jamais connu) et sont une grande bouffée d'optimisme.
Références et compléments
- Cette chronique doit beaucoup à mes échanges nombreux et passionnants avec A. A. (il se reconnaîtra).
- Le commentaire posté par Denis Bonzy à propos de ma chronique "J'ai tué la librairie Arthaud de Grenoble" m'a servi de déclencheur.
Denis Bonzy préconise pour sauver Arthaud, parmi bien d'autres mesures, d'orienter la commande publique locale, notamment de manuels scolaires, vers les libraires.
J'ai eu envie de montrer que cette préconisation, de mon point de vue, n'est pas en phase avec les besoins pédagogiques et budgétaires d'aujourd'hui.
Un billet du blog de Denis Bonzy intitulé "la disparition de la librairie Arthaud de Grenoble : une situation tragique mais logique" détaille ses multiples suggestions.
- Le site Creative Commons France pour en savoir plus sur ces licences libres
- Les valeurs utilisées dans cette chronique proviennent de :
. Chiffres clefs de l'édition 2012 du Syndicat National de l'Édition et reproduits par alliga-media.fr.
. L'éducation nationale en chiffres sur le site du ministère éponyme
. Recoupement de multiples données plus ou moins fantaisistes pour obtenir le nombre d'arbres pour produire une tonne de papier. J'ai, après quelques hésitations, retenu la valeur conservatrice 2 arbres par tonne de papier et supposé que chaque arbre nécessitait un quadrilatère de 25 m2.
- Comme à chaque fois qu'une de mes chroniques interpelle directement des responsables politiques, les colonnes de ce blog sont ouvertes à leurs réactions que je m'engage publier intégralement.
Dans la mesure où ils peuvent être contactés depuis le web, je leur envoie directement la mention de la chronique.
Mesdames et Messieurs les présidents de conseils régionaux et généraux.
Les manuels scolaires de nos chères têtes blondes sont essentiellement gérés et pris en charge par le ministère et les collectivités publiques que vous dirigez.
Cet effort louable représente une dépense annuelle de grosso modo 330 millions d'Euros, environ 8 Euros par foyer français.
Moins d'un dixième de cette manne rémunère auteurs et illustrateurs. Le reste finance l'édition, l'impression et la distribution.
Chaque élève, du Cours Préparatoire à la Terminale, se voit, en moyenne, doté, chaque année, de trois livres neufs. Le total national avoisine 40 millions d'ouvrages, l'équivalent de 125 hectares de forêt.
Contrairement à la littérature générale, les véritables décideurs des achats - les enseignants - ne sont pas les payeurs. Ce sont les régions et départements qui règlent la note avec nos impôts.
Une telle situation, que le spécialistes du marketing décrivent comme une vente via des actions de prescription, est absolument idéale pour les éditeurs. Ils déploient d'ailleurs à l'égard des pédagogues un arsenal de persuasion aussi peu moral que celui des laboratoires pharmaceutiques vis à vis des médecins.
Pendant ce temps, nos enfants croulent sous le poids des cartables et le "numérique" peine à pénétrer l'enseignement.
Bizarrement, les livres scolaires dépendent d'entreprises privées mollement concurrentielles alors que l'éducation en France est nationale et majoritairement publique.
Il y a pourtant une manière très simple et moderne de réformer ce système pour le plus grand bien des élèves, des professeurs, voire, à la marge, des finances publiques.
Pour ce faire, l'état lancerait chaque année un concours doté de règles claires et d'environ 30 millions d'Euros - la rémunération actuelle des contributeurs aux manuels - pour des livres scolaires électroniques en format ouvert.
Les différents niveaux et matières seraient concernés avec une rotation à définir en lien avec les évolutions de programmes.
Les lauréats s'engageraient à mettre leur contenu à disposition suivant une licence libre type Creative Commons, autorisant la reproduction et la citation à but non commercial.
Un serveur géré par le ministère de l'éducation mettrait ces ouvrages gratuitement à disposition de tous.
D'éventuels sponsorings, bien encadrés à l'instar de ceux de Wikipedia, pourraient limiter les coûts.
Dans le même temps, les collectivités locales doteraient, d'abord à l'entrée au collège, puis au début du lycée, chaque élève d'une tablette sur laquelle il pourrait télécharger ses manuels électroniques mais aussi effectuer bien d'autres activités tant pédagogiques que personnelles.
Plus l'enseignement se rapprochera des centres d'intérêts et des pratiques des jeunes, plus il a de chances d'en intéresser et motiver un grand nombre.
De surcroît, personne ne discuterait plus du "numérique" à l'école, il y serait d'emblée.
Financièrement, cette solution serait sensiblement aussi chère que le système actuel.
Annuellement, les élèves qui débutent collège ou lycée sont 1.5 millions. Une tablette achetée en masse peut s'obtenir pour environ 175 Euros Hors Taxes, voire nettement moins en faisant jouer la concurrence et les logiciels libres. L'équipement informatique de la jeunesse nécessiterait donc 260 millions d'Euros par année scolaire.
En ajoutant la rémunération des auteurs et les tablettes pour les enseignants, le total est proche de 300 millions d'Euros, sensiblement le coût actuel des bouquins papier, avec une empreinte écologique réduite et une diminution de l'emprise des éditeurs sur notre appareil éducatif.
En espérant que vous mettrez très rapidement en oeuvre cette réforme simple et non coûteuse, je reste, avec beaucoup d'autres, Mesdames et Messieurs votre humble électeur et financeur.
Numérico-pédagogiquement votre
Post-Scriptum du 13 mai 2013
Pan sur le bec ! Les manuels scolaires libres et gratuits existent déjà !
Je l'ignorais mais Twitter me l'a fait découvrir.
Yann Houry, enseignant et animateur du blog "Ralentir travaux", a créé un manuel de français multimédia gratuit et sous licence Creative Commons pour la classe de quatrième. Il est désormais en train de récidiver pour la classe de sixième.
Le résultat est époustouflant et les réflexions qui l'accompagnent sont beaucoup plus précises, car venant d'un praticien, que celles présentées dans cette chronique.
Je vous suggère de fureter sur les manuels de Yann Houry, ils donnent envie de s'en servir (je me suis replongé dans Le Cid de Corneille avec un délice inattendu et jamais connu) et sont une grande bouffée d'optimisme.
Références et compléments
- Cette chronique doit beaucoup à mes échanges nombreux et passionnants avec A. A. (il se reconnaîtra).
- Le commentaire posté par Denis Bonzy à propos de ma chronique "J'ai tué la librairie Arthaud de Grenoble" m'a servi de déclencheur.
Denis Bonzy préconise pour sauver Arthaud, parmi bien d'autres mesures, d'orienter la commande publique locale, notamment de manuels scolaires, vers les libraires.
J'ai eu envie de montrer que cette préconisation, de mon point de vue, n'est pas en phase avec les besoins pédagogiques et budgétaires d'aujourd'hui.
Un billet du blog de Denis Bonzy intitulé "la disparition de la librairie Arthaud de Grenoble : une situation tragique mais logique" détaille ses multiples suggestions.
- Le site Creative Commons France pour en savoir plus sur ces licences libres
- Les valeurs utilisées dans cette chronique proviennent de :
. Chiffres clefs de l'édition 2012 du Syndicat National de l'Édition et reproduits par alliga-media.fr.
. L'éducation nationale en chiffres sur le site du ministère éponyme
. Recoupement de multiples données plus ou moins fantaisistes pour obtenir le nombre d'arbres pour produire une tonne de papier. J'ai, après quelques hésitations, retenu la valeur conservatrice 2 arbres par tonne de papier et supposé que chaque arbre nécessitait un quadrilatère de 25 m2.
- Comme à chaque fois qu'une de mes chroniques interpelle directement des responsables politiques, les colonnes de ce blog sont ouvertes à leurs réactions que je m'engage publier intégralement.
Dans la mesure où ils peuvent être contactés depuis le web, je leur envoie directement la mention de la chronique.