Lundi dernier, tel Saint Thomas, j'ai souhaité vérifier personnellement si la frontière extérieure de l'Union Européenne est la passoire à nouilles que décrivent politiciens et gazettes.
Les principautés d'Andorre et de Monaco étant trop éloignées par rapport au temps dont je disposais, j'ai jeté mon dévolu sur les confins de la Haute Savoie et de l'Ain avec le canton suisse de Genève, à une heure et demie de route de Grenoble.
L'arrivée dans la cité de Calvin par l'autoroute à la douane de Bardonnex tend à contredire la théorie du filet troué.
Un radar automatique situé à cent mètres de la frontière immortalise votre sortie de l'Union Européenne.
Le dispositif architectural - bâtiments, dos d'âne, flèchage, voies de circulation - est impressionnant et peu propice à la photographie.
De scrupuleux gabelous suisses s'assurent que la dîme autoroutière du pays du chocolat est dument acquittée.
Toutefois, à bien y regarder, coté français, la présence policière ou douanière est invisible. Il faut dire que j'ai eu l'idée saugrenue de faire ce test à l'heure du café matinal.
Peu soucieux de rester sur les grand axes, je me suis rendu ensuite au nord-est de l'agglomération genevoise.
Sur la grande rue reliant Meyrin à Saint-Genis Pouilly, un panneau rouge masqué par des feuillages ordonne, juste avant l'entrée dans l'Union Européenne, "Service Fiscal - STOP". Mais la guérite intitulée "Service Fiscal - Police" étant totalement vide, aucun automobiliste ne juge utile de modifier son allure. Autant dire, qu'à cet endroit, l'entrée dans notre belle Europe est totalement libre. Journaux et élus du peuple auraient-ils donc raison ?
Quelques hectomètres plus loin, je quittais ma voiture et me dirigeais à nouveau vers la frontière en empruntant, cette fois, un chemin forestier.
A mon grand soulagement, un portail métallique cadenassé semblait séparer Européens et Helvètes. Malheureusement, point de clôture ou de barbelés pour prendre le relais de cette barrière. Pour passer en France voire revenir en Suisse, il suffit de se faufiler le long de cette barrière saugrenue.
A proximité de cette porte improbable, la frontière est matérialisée par des bornes en pierre posées en 1818. A l'issue de la chute de Napoléon, le Congrès de Vienne a ignominieusement soustrait le territoire genevois à la France et l'a refourgué à la Confédération Helvétique. Pour bien marquer leur indépendance retrouvée, les suisses se sont empressés de marquer la ligne de démarcation avec leur ancien occupant. Chaque borne porte un numéro, la face tournée vers Genève porte un G majuscule alors que celle regardant la France arbore une fleur de lys un peu passée de mode.
Près de deux siècles après leur installation, ces bornes sont en fait les gardiens muets de l'Union Européenne. Je suggère qu'une campagne de modernisation de ces stèles remplace le lys royal par un cercle d'étoiles.
Trois kilomètres plus à l'est, derrière l'aéroport de Genève Cointrain, Ferney-Voltaire a des airs de Gaza.
A cent mètres sous terre, à l'aplomb de la borne n°72, une organisation internationale et cosmopolite a creusé un tunnel sous la frontière. Ce passage dissimulé permet le transit discret, plusieurs milliers de fois par seconde, de particules étranges venues de l'Atlas par la Suisse. Coté français, les seuls contrôles effectués portent sur l'éventuelle beauté de ces immigrants fugaces.
Les confins de l'Europe ne sont même pas une passoire mais une brèche béante dans l'espace-temps !
La conclusion de cette courte visite sur la frontière extérieure de l'Union Européenne s'impose. Les esprits éclairés ont bien raison de nous alerter, les limites de notre territoire sont le siège de beaucoup d'abus.
La preuve : regardez bien ci-dessous la marque du cadenas fermant le portail symbolique entre la France et la Suisse.
Cloturiquement votre
Références et compléments
- Toutes les photographies ont été prises, sans trucage, par mes soins, à la frontière franco-suisse, dans les environs de Genève, le 30 avril 2012.
Le cadenas "ABUS" fermant un portail aisément contournable existe vraiment !
D'autres images sont disponibles dans un album photo en ligne intitulé "Frontière France Suisse - Avril 2012". Une carte interactive permet de situer très précisément les prises de vue (attention cette carte peut mal fonctionner sur certains navigateurs).
- Dans la région de Genève se situe le CERN (Organisation européenne par la recherche nucléaire aussi appelée Laboratoire européen pour la physique des particules).
Ce centre de recherche fondamentale opère des accélérateurs de particules qui tentent de produire des conditions extrêmes proches de celles du "Big Bang".
La machine la plus impressionnante du CERN est le LHC (Large Hadron Collider - grand collisionneur à hadrons) qui est un anneau de 26 kilomètres de circonférence situé dans un tunnel à cheval sur la frontière franco-suisse à cent mètres de profondeur. Des protons et des ions de plomb y sont accélérés à des vitesses proches de la lumière puis jetés les uns sur les autres ("collisionnés") afin d'étudier leurs propriétés intimes. Le 5 avril dernier, le LHC a produit le faisceau de particules le plus énergétique jamais créé par l'homme.
Quatre grands détecteurs mesurent les résultats des collisions.
L'un a été baptisé ATLAS (A Toroidal LHC AppartuS). Il est situé à Meyrin sur le territoire suisse à proximité du portail ubuesque. Avec le détecteur CMS, il a permis de mettre en évidence la particule élémentaire baptisée boson de Higgs.
Un autre, le LHCb (Large Hadron Collider beauty) installé à Ferney-Voltaire en France près des pistes de l'aéroport genevois, essaie de mettre en évidence la particule élémentaire appelée poétiquement "quark beauté".
- La frontière franco-suisse est une des plus anciennes au monde. Elle fait partie de la petite vingtaine de frontières tracées avant 1800 comme le montre cette carte établie par Ceriscope Sciences-Po.
Les principautés d'Andorre et de Monaco étant trop éloignées par rapport au temps dont je disposais, j'ai jeté mon dévolu sur les confins de la Haute Savoie et de l'Ain avec le canton suisse de Genève, à une heure et demie de route de Grenoble.
L'arrivée dans la cité de Calvin par l'autoroute à la douane de Bardonnex tend à contredire la théorie du filet troué.
Un radar automatique situé à cent mètres de la frontière immortalise votre sortie de l'Union Européenne.
Le dispositif architectural - bâtiments, dos d'âne, flèchage, voies de circulation - est impressionnant et peu propice à la photographie.
De scrupuleux gabelous suisses s'assurent que la dîme autoroutière du pays du chocolat est dument acquittée.
Toutefois, à bien y regarder, coté français, la présence policière ou douanière est invisible. Il faut dire que j'ai eu l'idée saugrenue de faire ce test à l'heure du café matinal.
Peu soucieux de rester sur les grand axes, je me suis rendu ensuite au nord-est de l'agglomération genevoise.
Sur la grande rue reliant Meyrin à Saint-Genis Pouilly, un panneau rouge masqué par des feuillages ordonne, juste avant l'entrée dans l'Union Européenne, "Service Fiscal - STOP". Mais la guérite intitulée "Service Fiscal - Police" étant totalement vide, aucun automobiliste ne juge utile de modifier son allure. Autant dire, qu'à cet endroit, l'entrée dans notre belle Europe est totalement libre. Journaux et élus du peuple auraient-ils donc raison ?
Quelques hectomètres plus loin, je quittais ma voiture et me dirigeais à nouveau vers la frontière en empruntant, cette fois, un chemin forestier.
A mon grand soulagement, un portail métallique cadenassé semblait séparer Européens et Helvètes. Malheureusement, point de clôture ou de barbelés pour prendre le relais de cette barrière. Pour passer en France voire revenir en Suisse, il suffit de se faufiler le long de cette barrière saugrenue.
A proximité de cette porte improbable, la frontière est matérialisée par des bornes en pierre posées en 1818. A l'issue de la chute de Napoléon, le Congrès de Vienne a ignominieusement soustrait le territoire genevois à la France et l'a refourgué à la Confédération Helvétique. Pour bien marquer leur indépendance retrouvée, les suisses se sont empressés de marquer la ligne de démarcation avec leur ancien occupant. Chaque borne porte un numéro, la face tournée vers Genève porte un G majuscule alors que celle regardant la France arbore une fleur de lys un peu passée de mode.
Près de deux siècles après leur installation, ces bornes sont en fait les gardiens muets de l'Union Européenne. Je suggère qu'une campagne de modernisation de ces stèles remplace le lys royal par un cercle d'étoiles.
Trois kilomètres plus à l'est, derrière l'aéroport de Genève Cointrain, Ferney-Voltaire a des airs de Gaza.
A cent mètres sous terre, à l'aplomb de la borne n°72, une organisation internationale et cosmopolite a creusé un tunnel sous la frontière. Ce passage dissimulé permet le transit discret, plusieurs milliers de fois par seconde, de particules étranges venues de l'Atlas par la Suisse. Coté français, les seuls contrôles effectués portent sur l'éventuelle beauté de ces immigrants fugaces.
Les confins de l'Europe ne sont même pas une passoire mais une brèche béante dans l'espace-temps !
La conclusion de cette courte visite sur la frontière extérieure de l'Union Européenne s'impose. Les esprits éclairés ont bien raison de nous alerter, les limites de notre territoire sont le siège de beaucoup d'abus.
La preuve : regardez bien ci-dessous la marque du cadenas fermant le portail symbolique entre la France et la Suisse.
Cloturiquement votre
Références et compléments
- Toutes les photographies ont été prises, sans trucage, par mes soins, à la frontière franco-suisse, dans les environs de Genève, le 30 avril 2012.
Le cadenas "ABUS" fermant un portail aisément contournable existe vraiment !
D'autres images sont disponibles dans un album photo en ligne intitulé "Frontière France Suisse - Avril 2012". Une carte interactive permet de situer très précisément les prises de vue (attention cette carte peut mal fonctionner sur certains navigateurs).
- Dans la région de Genève se situe le CERN (Organisation européenne par la recherche nucléaire aussi appelée Laboratoire européen pour la physique des particules).
Ce centre de recherche fondamentale opère des accélérateurs de particules qui tentent de produire des conditions extrêmes proches de celles du "Big Bang".
La machine la plus impressionnante du CERN est le LHC (Large Hadron Collider - grand collisionneur à hadrons) qui est un anneau de 26 kilomètres de circonférence situé dans un tunnel à cheval sur la frontière franco-suisse à cent mètres de profondeur. Des protons et des ions de plomb y sont accélérés à des vitesses proches de la lumière puis jetés les uns sur les autres ("collisionnés") afin d'étudier leurs propriétés intimes. Le 5 avril dernier, le LHC a produit le faisceau de particules le plus énergétique jamais créé par l'homme.
Quatre grands détecteurs mesurent les résultats des collisions.
L'un a été baptisé ATLAS (A Toroidal LHC AppartuS). Il est situé à Meyrin sur le territoire suisse à proximité du portail ubuesque. Avec le détecteur CMS, il a permis de mettre en évidence la particule élémentaire baptisée boson de Higgs.
Un autre, le LHCb (Large Hadron Collider beauty) installé à Ferney-Voltaire en France près des pistes de l'aéroport genevois, essaie de mettre en évidence la particule élémentaire appelée poétiquement "quark beauté".
- La frontière franco-suisse est une des plus anciennes au monde. Elle fait partie de la petite vingtaine de frontières tracées avant 1800 comme le montre cette carte établie par Ceriscope Sciences-Po.