jeudi 17 septembre 2015

J'ai testé les ophtalmos industriels

Je m'enorgueillit d'être - à l'instar du Mahatma Gandhi, de Bill Gates et de Claude Nougaro - depuis mon plus jeune âge, un membre de la tribu des taupes.
Aussi, tous les deux à trois ans, un professionnel dûment patenté doit revoir mes yeux, préalablement au renouvellement de mes indispensables lunettes.

Mes lorgnons actuels - pourtant hors de prix, made in France et siglés par un designer tricolore qui pourrait passer pour austère auprès d'oreilles anglophones - n'ont pas attendu la traditionnelle visite de contrôle pour rendre l'âme.
Lorsque l'on est simultanément myope et presbyte, des verres de guingois et instables deviennent vite inconfortables, voire gênants.

Hélas, comme presque tous ses confrères dits libéraux, mon ophtalmo habituel - en dépit d'une indéfectible relation client-fournisseur de plus de 30 ans - est systématiquement booké pour les 6 mois à venir.
De ce fait, pressé par une branche cassée et des plaquettes fuyantes ainsi que par le souci d'informer toujours mieux mes fidèles lecteurs, je me suis décidé à essayer Point Vision, sorte de franchise voulant transformer l'ophtalmologie, déjà évoquée dans la chronique sur l'ubérisation des pharmacies.

Récit d'une expérience vécue dans la capitale des Alpes mi-septembre 2015.


Fin août, je me connecte sur le site internet de ces oculistes 2.0 et j'obtiens en quelques clics un rendez-vous sous une douzaine de jours.
Amis lecteurs, inutile de vous précipiter sur votre mail pour me signaler une coquille, j'ai bien écrit jours et non pas semaines ou mois.

Un mail me confirme le rendez-vous et un autre, la veille, le rappelle à mon bon souvenir.

À l'heure H, je me présente à l'entrée de locaux tous neufs, situés dans un immeuble de bureaux au centre de Grenoble, à proximité de plusieurs transports en communs et d'un grand parking.
L'accueil est poli mais minimaliste. Je suis délesté de ma carte Vitale et dirigé vers une salle d'attente au confort spartiate et remplie au trois quarts.

À ma grande et agréable surprise, mon test de l'étonnante dureté des chaises est interrompu au bout de trois minutes.
Je suis pris en main par une personne efficace et avenante qui me dirige successivement vers plusieurs machines dernier cri où mes yeux sont soumis, durant une petite dizaine de minutes, à des examens divers et variés.
Le dernier d'entre eux est bien évidemment la traditionnelle lecture de lettres sur un tableau lumineux pour déterminer mon degré de myopie et de presbytie. Toutefois cette litanie alphabétique se déroule à l'aide d'un "réfracteur automatique" qui, en deux temps trois mouvements, détermine, sans coup férir, la correction adaptée à mes yeux changeants.


Ayant manifestement été reçu avec les honneurs aux examens, je suis aiguillé vers une seconde salle d'attente.
À ce stade, le beau process industriel semble chercher son second souffle. Pendant vingt et une longues minutes, sans aucune information sur la durée probable d'attente, je n'ai rien eu de mieux à faire que de profiter de la remarquable rigidité des chaises dont le plastique semble être le même que celui des boucliers de CRS.

Finalement, je suis appelé par un médecin ophtalmologiste - du moins la blouse blanche qu'il arbore me le laisse supposer.
Il passe mes yeux en revue avec une sorte de longue-vue lumineuse, admire mes résultats aux examens, imprime et signe négligemment mon ordonnance. En 4 minutes chrono - salutations d'usage incluses - la consultation est expédiée avec brio. Chapeau bas !

Encore deux petites minutes à l'accueil pour payer le tarif conventionné de la sécurité sociale et je ressors, quarante minutes après mon arrivée, muni du précieux paplard me permettant de commander de nouvelles et robustes binocles.

Mon ressenti de cette séance d'ophtalmologie industrielle est toutefois mitigé.

Les délais raisonnables de rendez-vous ainsi que l'impression de maîtrise et de technologie durant la consultation sont très positifs.

Néanmoins, "l'expérience utilisateur" - pour parler comme les spécialistes du web - est nettement améliorable.

L'accueil pourrait être plus chaleureux et informatif, les salles d'attente mieux aménagées, un mail de synthèse, incluant prescription, facture et explications, devrait être expédié à l'issue de la visite et, surtout, le temps mort entre examens et consultation notablement réduit.
Une réflexion de type "lean manufacturing" permettrait d'améliorer ce point.
Par exemple, j'ai observé que le temps passé par les toubibs seuls dans leur bureau entre deux patients était du même ordre de grandeur que la durée moyenne d'une de leurs consultations.

Le fait de réserver son ophtalmo en ligne renforce le niveau d'attente et d'exigence des clients.
Spontanément, on a envie de jauger et juger Point Vision, non pas rapport à la performance plan plan d'un médecin traditionnel, mais à l'aune des géants d'internet comme Amazon ou les meilleurs prestataires d'hôtellerie et de voyage.
Si des acteurs de la santé réussissent à fournir ce type de prestations innovantes, l'impact sur ce secteur traditionnel sera massif et brutal.

Point Vision n'est pas très loin de cet objectif mais doit s'améliorer s'il souhaite devenir incontournable et, surtout, difficile à concurrencer.

Lunettiquement votre

Références et compléments
- Voir aussi les chroniques :
- Site web de Point Vision

- Il va sans dire que je n'ai personnellement aucun intérêt dans le groupe Point Vision ni dans aucun cabinet d'ophtalmologie.