Au risque de surprendre beaucoup de fidèles lecteurs, je dois avouer que je suis en accord avec plus de 80% du programme politique du Front National. Aucune autre formation française ne s'intéresse aussi complètement au bonheur universel.
Cet épais document de 106 pages est une pure merveille. Sa lecture a illuminé ma journée.
Il nous promet, simultanément et en vrac, une hausse de nos revenus, une baisse de nos impôts et taxes, un accroissement de nos exportations concomitant avec une diminution de nos importations, une amélioration de notre sécurité, des progrès éducatifs notables, une diplomatie éclairant le monde ainsi que le renforcement du bien-être animal et, cerise sur l'ausweis, le renvoi dans leurs foyers des métèques qui abusent et salissent notre belle république laïque.
À la réflexion, je trouve même ce sympathique parti, désormais situé à l'hyper-centre de l'échiquier politique français, presque trop timoré.
Pour un peu, M. L. P. (désolé mais j'ai toujours mon souci récurrent de crampe aux doigts) pourrait s'allier avec les duettistes mous Bayrou et Borloo.
Il manque quand même dans ses engagements la promesse de la garantie pour tous d'une sexualité épanouie, d'une météo perpétuellement au beau fixe et de l'abolition de la mortalité, sauf pour les délinquants multi-récidivistes.
Sur le plan économique, les nationo-frontistes taquinent le chef d'œuvre, peut-être même le prix Nobel.
Je passerais rapidement sur les difficultés techniques de la sortie de l'euro, évoquées mais pas détaillées. Pourquoi s'encombrer avec l'intendance quand le volontarisme est là ?
La dévaluation monétaire de 10% à 20% et la fuite des capitaux qu'une telle mesure provoqueraient sont pareillement escamotées car, probablement comme disait Boris Vian, elles se résolvent en un quart d'heure.
Glissons aussi sur le blocage des taux des prêts octroyés par les banques dont le principal effet serait d'assécher le crédit et de permettre aux mafias de renouer avec la lucrative et ancestrale activité d'usurier.
Intéressons-nous plutôt au budget public.
M. L. P. et ses comparses annoncent pas moins de 75 milliards annuels de baisses d'impôts et de nouvelles dépenses, 1 100 € par français.
La mesure la plus coûteuse, mais aussi la plus charmante, consiste à abonder de 200 € par mois la feuille de paie de chaque salarié touchant moins de 1.4 SMIC.
12 millions de personnes seraient concernés par cette subvention de près de 30 milliards par an, sensiblement ce que nous consacrons chaque année pour la police et la justice réunies.
Soucieux de la félicité de chacun, les nationo-frontistes envisagent aussi une quinzaine de milliards, 200 € annuels par français, dans les domaines de la santé et de l'action sociale.
De surcroît, un salaire parental de 80% du SMIC durant 3 ans viendrait rajouter de l'ordre de 5 milliards. La plénitude familiale n'a pas de prix !
Bien entendu, notre sécurité intérieure et extérieure est aussi une priorité nécessitant un effort d'une vingtaine de milliards, presque 300 € annuels par tête de pipe.
Notons que, bizarrement, le programme du Front National ne détaille pas les sommes consacrées à la marine.
Enfin, les taxes sur les carburants, ponctions iniques, seraient amputées de 20%, soit 5 petits milliards supplémentaires.
Bien entendu, le parti hyper-centriste a prévu des économies budgétaires et une fiscalité remaniée pour équilibrer ces nouvelles dépenses.
La clef de voûte de ce bel édifice est un droit de douane de 3% sur toutes les importations.
Le retour des gabelous sur nos frontières aurait comme conséquence, outre de mettre la France au ban de l'Union Européenne, d'augmenter les prix de 1% puisque les importations représentent un tiers de l'activité économique française.
Par ailleurs, il est probable que des rétorsions s'exerceraient sur nos exportations qui emploient un gros quart de la main d'œuvre hexagonale.
Sur le plan financier, cette taxe ne rapporterait que 20 milliards annuels, 300 € par français.
Le Front National indique sans vergogne être prêt à plonger la France dans l'isolement autarcique alors que même François Mitterrand, champion jusqu'alors de l'hermétisme aux choses économiques, ne l'a pas osé en 1983.
Pour tenter de boucler les fins de mois étatiques, M. L. P. veut aussi supprimer la niche fiscale dite "Copé", 3 milliards, et toutes les aides aux sans-papiers et demandeurs d'asile, chiffrées allègrement à 1.5 milliards.
Tous comptes faits, 75 milliards de dépenses nouvelles et à peine 25 milliards de recettes additionnelles conduisent mécaniquement à une augmentation du déficit public d'environ 50 milliards d'euros annuels, 750 € par français, plus de la moitié du montant actuel pourtant déjà abyssal.
Qu'à cela ne tienne, lorsque l'argent manque, il suffit d'en fabriquer. Courageusement, un mouvement qui fait de la lutte implacable contre la criminalité un de ses chevaux de bataille, semble prêt à tout pour améliorer notre vie, y compris éditer de la fausse monnaie.
Les stratèges nationo-frontistes souhaitent, en effet, autoriser, voire forcer, la Banque de France à imprimer les billets nécessaires pour colmater les trous étatiques dont ils auront augmenté la profondeur.
Cette excellente recette a déjà été expérimentée dans les années 1920 en Allemagne par d'autres centristes qui gouvernaient la république de Weimar. Elle a plongé la population dans la misère et a conduit l'extrême-droite nazie au pouvoir ...
Fort heureusement, de tels événements funestes n'ont aucune chance de survenir au pays de Charles Maurras et de Philippe Pétain puisque, depuis la rentrée, il n'y existe plus de parti politique d'extrême-droite.
No pasaran !
Extrémistement votre
Références et compléments
- Voir aussi les 3 chroniques sur la percée de l'extrême-droite populiste en France :
. Lettre à mes compatriotes tentés de voter Front National
. Quelles sont les racines de l'extrême-droite populiste ? Comment la faire reculer ?
. Allons-nous renoncer encore longtemps ? Réaction épidermique aux élections européennes de mai 2014
- Pour se remémorer les ordres de grandeur des finances publiques françaises, mes 4 chroniques :
. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les dépenses publiques françaises
. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les impôts et les taxes en France
. Tout ce que vous toujours voulu savoir sur le déficit public de la France
. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les pistes de sortie de crise
- Toutes les mesures citées sont présentées dans le document "Notre Projet - Programme Politique du Front National" téléchargé sur le site du parti d'hyper-centre le 4 novembre 2013 (ma crampe récurrente aux doigts m'empêche d'insérer un lien vers cet Everest de la pensée politico-économique).
- Les chiffres économiques ont été établis par mes soins à partir des données floues contenues dans le programme nationo-frontiste. Les valeurs ont été arrondies pour faciliter la compréhension.
Cet épais document de 106 pages est une pure merveille. Sa lecture a illuminé ma journée.
Il nous promet, simultanément et en vrac, une hausse de nos revenus, une baisse de nos impôts et taxes, un accroissement de nos exportations concomitant avec une diminution de nos importations, une amélioration de notre sécurité, des progrès éducatifs notables, une diplomatie éclairant le monde ainsi que le renforcement du bien-être animal et, cerise sur l'ausweis, le renvoi dans leurs foyers des métèques qui abusent et salissent notre belle république laïque.
À la réflexion, je trouve même ce sympathique parti, désormais situé à l'hyper-centre de l'échiquier politique français, presque trop timoré.
Pour un peu, M. L. P. (désolé mais j'ai toujours mon souci récurrent de crampe aux doigts) pourrait s'allier avec les duettistes mous Bayrou et Borloo.
Il manque quand même dans ses engagements la promesse de la garantie pour tous d'une sexualité épanouie, d'une météo perpétuellement au beau fixe et de l'abolition de la mortalité, sauf pour les délinquants multi-récidivistes.
Sur le plan économique, les nationo-frontistes taquinent le chef d'œuvre, peut-être même le prix Nobel.
Je passerais rapidement sur les difficultés techniques de la sortie de l'euro, évoquées mais pas détaillées. Pourquoi s'encombrer avec l'intendance quand le volontarisme est là ?
La dévaluation monétaire de 10% à 20% et la fuite des capitaux qu'une telle mesure provoqueraient sont pareillement escamotées car, probablement comme disait Boris Vian, elles se résolvent en un quart d'heure.
Glissons aussi sur le blocage des taux des prêts octroyés par les banques dont le principal effet serait d'assécher le crédit et de permettre aux mafias de renouer avec la lucrative et ancestrale activité d'usurier.
Intéressons-nous plutôt au budget public.
M. L. P. et ses comparses annoncent pas moins de 75 milliards annuels de baisses d'impôts et de nouvelles dépenses, 1 100 € par français.
La mesure la plus coûteuse, mais aussi la plus charmante, consiste à abonder de 200 € par mois la feuille de paie de chaque salarié touchant moins de 1.4 SMIC.
12 millions de personnes seraient concernés par cette subvention de près de 30 milliards par an, sensiblement ce que nous consacrons chaque année pour la police et la justice réunies.
Soucieux de la félicité de chacun, les nationo-frontistes envisagent aussi une quinzaine de milliards, 200 € annuels par français, dans les domaines de la santé et de l'action sociale.
De surcroît, un salaire parental de 80% du SMIC durant 3 ans viendrait rajouter de l'ordre de 5 milliards. La plénitude familiale n'a pas de prix !
Bien entendu, notre sécurité intérieure et extérieure est aussi une priorité nécessitant un effort d'une vingtaine de milliards, presque 300 € annuels par tête de pipe.
Notons que, bizarrement, le programme du Front National ne détaille pas les sommes consacrées à la marine.
Enfin, les taxes sur les carburants, ponctions iniques, seraient amputées de 20%, soit 5 petits milliards supplémentaires.
Bien entendu, le parti hyper-centriste a prévu des économies budgétaires et une fiscalité remaniée pour équilibrer ces nouvelles dépenses.
La clef de voûte de ce bel édifice est un droit de douane de 3% sur toutes les importations.
Le retour des gabelous sur nos frontières aurait comme conséquence, outre de mettre la France au ban de l'Union Européenne, d'augmenter les prix de 1% puisque les importations représentent un tiers de l'activité économique française.
Par ailleurs, il est probable que des rétorsions s'exerceraient sur nos exportations qui emploient un gros quart de la main d'œuvre hexagonale.
Sur le plan financier, cette taxe ne rapporterait que 20 milliards annuels, 300 € par français.
Le Front National indique sans vergogne être prêt à plonger la France dans l'isolement autarcique alors que même François Mitterrand, champion jusqu'alors de l'hermétisme aux choses économiques, ne l'a pas osé en 1983.
Pour tenter de boucler les fins de mois étatiques, M. L. P. veut aussi supprimer la niche fiscale dite "Copé", 3 milliards, et toutes les aides aux sans-papiers et demandeurs d'asile, chiffrées allègrement à 1.5 milliards.
Tous comptes faits, 75 milliards de dépenses nouvelles et à peine 25 milliards de recettes additionnelles conduisent mécaniquement à une augmentation du déficit public d'environ 50 milliards d'euros annuels, 750 € par français, plus de la moitié du montant actuel pourtant déjà abyssal.
Qu'à cela ne tienne, lorsque l'argent manque, il suffit d'en fabriquer. Courageusement, un mouvement qui fait de la lutte implacable contre la criminalité un de ses chevaux de bataille, semble prêt à tout pour améliorer notre vie, y compris éditer de la fausse monnaie.
Les stratèges nationo-frontistes souhaitent, en effet, autoriser, voire forcer, la Banque de France à imprimer les billets nécessaires pour colmater les trous étatiques dont ils auront augmenté la profondeur.
Cette excellente recette a déjà été expérimentée dans les années 1920 en Allemagne par d'autres centristes qui gouvernaient la république de Weimar. Elle a plongé la population dans la misère et a conduit l'extrême-droite nazie au pouvoir ...
Fort heureusement, de tels événements funestes n'ont aucune chance de survenir au pays de Charles Maurras et de Philippe Pétain puisque, depuis la rentrée, il n'y existe plus de parti politique d'extrême-droite.
No pasaran !
Extrémistement votre
Références et compléments
- Voir aussi les 3 chroniques sur la percée de l'extrême-droite populiste en France :
. Lettre à mes compatriotes tentés de voter Front National
. Quelles sont les racines de l'extrême-droite populiste ? Comment la faire reculer ?
. Allons-nous renoncer encore longtemps ? Réaction épidermique aux élections européennes de mai 2014
- Pour se remémorer les ordres de grandeur des finances publiques françaises, mes 4 chroniques :
. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les dépenses publiques françaises
. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les impôts et les taxes en France
. Tout ce que vous toujours voulu savoir sur le déficit public de la France
. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les pistes de sortie de crise
- Toutes les mesures citées sont présentées dans le document "Notre Projet - Programme Politique du Front National" téléchargé sur le site du parti d'hyper-centre le 4 novembre 2013 (ma crampe récurrente aux doigts m'empêche d'insérer un lien vers cet Everest de la pensée politico-économique).
- Les chiffres économiques ont été établis par mes soins à partir des données floues contenues dans le programme nationo-frontiste. Les valeurs ont été arrondies pour faciliter la compréhension.