L'écriture, depuis son invention il y a environ 5 000 ans en Mésopotamie dans l'Irak actuel, est le moyen le plus utilisé par l'Humanité pour coder, stocker et diffuser de l'information. Au fil des ages, elle a radicalement évolué.
Ses supports n'ont cessé de s'améliorer : pierre et argile, papyrus, parchemin, papier et, désormais, mémoires magnétiques ou électroniques.
La reproduction des textes a connu deux ruptures majeures. En 1454, Gutenberg avec sa presse à imprimer renvoie les manuscrits au magasin des accessoires. Dans la seconde moitié du XXème siècle, l'informatique a commencé à dématérialiser l'écrit.
Ces révolutions technologiques et leurs conséquences ont changé les sociétés en profondeur.
Plus l'écriture et sa diffusion s'amélioraient, plus leurs coûts baissaient et plus la quantité d'information à disposition de chacun s'accroissait.
Ainsi, en Europe, les 180 exemplaires de la bible "B42" de Mayence sont au point de départ du protestantisme, de l'alphabétisation de masse et, par voie de conséquence, de la révolution industrielle.
Des processus analogues sont en cours sous nos yeux et vont profondément remanier notre futur.
Quelques chiffres permettent de mieux saisir ces bouleversements.
Prenons l'exemple d'un livre de 400 pages non illustré - c'est à dire une quantité d'information d'environ 300 à 500 kilo-octets - et évaluons, en temps de travail d'un ouvrier, son coût de fabrication au fil des âges et des techniques.
J'ai exclu de cette comparaison le très variable travail initial d'écriture de l'auteur ainsi que les coûts de diffusion.
Au XIIIème siècle, un manuscrit de 400 pages réalisé par un moine copiste valait l'équivalent de 900 heures de travail ouvrier de l'époque, environ un tiers pour fabriquer le parchemin et les deux autres tiers pour la copie proprement dite.
Dans la seconde moitié du XVème sicle, les premières imprimeries produisaient des tirages de quelques centaines d'exemplaires sur des presses entièrement manuelles.
Un ouvrage coûtait alors 60 heures de travail ouvrier, 15 fois moins cher que l'œuvre d'un copiste.
L'imprimerie s'est beaucoup mécanisée depuis la Renaissance et les séries se sont allongées.
Actuellement, la composition et l'impression d'un bouquin de 400 pages ne nécessitent plus qu'environ 30 minutes de SMIC, un gain huit fois plus élevé que celui apporté par Gutenberg.
Depuis les années 1950, les supports informatiques se sont développés.
400 kilo-octets sur un disque dur coûtent aujourd'hui sensiblement 15 secondes de SMIC, 125 fois moins que le papier imprimé !
Le stockage magnétique est 200 000 fois moins onéreux que les manuscrits en parchemin.
Les deux graphiques ci-dessous permettent de mieux appréhender ce spectaculaire mouvement de productivité.
Nous devons aussi garder à l'esprit que les coûts de diffusion, non abordés dans cette chronique, sont aussi en train de subir un saccage comparable.
Ce blog est, à son modeste niveau, au cœur de cette évolution.
Pas une ligne des Humeurs Mondialisées, depuis les tous premiers embryons d'idées jusqu'à la version publiée, n'est passée par un stylo ou une feuille de papier.
De même, je doute que beaucoup de lecteurs impriment ces chroniques pour les lire.
Quinze ans en arrière, je n'aurais pas cru celui qui m'aurait prédit ces façons de faire.
Comme les performances, les capacités et les coûts des moyens informatiques continuent de s'améliorer, demain sera encore plus surprenant, et peut-être déstabilisant, qu'aujourd'hui.
Scripturalement votre
Références et compléments
- Cette chronique, sous une forme légèrement remaniée, fait désormais partie du recueil disponible en ligne "Humeurs Économiques".
- Dans la même veine, les chroniques :
. "L'édition s'industrialise"
. "J'ai tué la librairie Arthaud de Grenoble"
. "L'irrésistible attrait du livre électronique"
. "Timbres-poste, iPhone et salaires ouvriers"
. "Des encyclopédies et de l'iPhone au fil des présidences"
. "Le prix de l'essence et des voitures en forte baisse"
. "Comme l'essence, l'immobilier baisse"
- L'étincelle initiale de cette chronique a été allumée par mon épouse préférée et son collègue le professeur Mike Coey.
Les chapitres introductifs des cours de ce dernier sur le magnétisme comportent beaucoup d'ordres de grandeur très intéressants (en anglais).
- Les évaluations économiques présentées dans cette chronique sont issues de :
. Production costs in fifteenth century printing de Michael Pollak (en anglais)
. From cave paintings to the internet - From Gutenberg's movable type to the digital book - Economic aspects de Jeremy Norman (en anglais)
. Evolution des prix du 15ème au 19ème siècle - Panier de la ménagère, services, salaires sur le site Histoire P@ssion
. Quel est le prix d'un livre ? sur le site enviedecrire.com
- Articles Wikipedia sur Johannes Gutenberg, l'inventeur de l'imprimerie, et sa bible "B42" imprimée à Mayence en Allemagne à partir de 1454.
- Exprimer des coûts en temps de salaire d'un ouvrier est inspiré du livre de Jean Fourastié & Béatrice Bazil "Pourquoi les prix baissent ?" (Editions Hachette 1984).
Ses supports n'ont cessé de s'améliorer : pierre et argile, papyrus, parchemin, papier et, désormais, mémoires magnétiques ou électroniques.
La reproduction des textes a connu deux ruptures majeures. En 1454, Gutenberg avec sa presse à imprimer renvoie les manuscrits au magasin des accessoires. Dans la seconde moitié du XXème siècle, l'informatique a commencé à dématérialiser l'écrit.
Ces révolutions technologiques et leurs conséquences ont changé les sociétés en profondeur.
Plus l'écriture et sa diffusion s'amélioraient, plus leurs coûts baissaient et plus la quantité d'information à disposition de chacun s'accroissait.
Ainsi, en Europe, les 180 exemplaires de la bible "B42" de Mayence sont au point de départ du protestantisme, de l'alphabétisation de masse et, par voie de conséquence, de la révolution industrielle.
Des processus analogues sont en cours sous nos yeux et vont profondément remanier notre futur.
Quelques chiffres permettent de mieux saisir ces bouleversements.
Prenons l'exemple d'un livre de 400 pages non illustré - c'est à dire une quantité d'information d'environ 300 à 500 kilo-octets - et évaluons, en temps de travail d'un ouvrier, son coût de fabrication au fil des âges et des techniques.
J'ai exclu de cette comparaison le très variable travail initial d'écriture de l'auteur ainsi que les coûts de diffusion.
Au XIIIème siècle, un manuscrit de 400 pages réalisé par un moine copiste valait l'équivalent de 900 heures de travail ouvrier de l'époque, environ un tiers pour fabriquer le parchemin et les deux autres tiers pour la copie proprement dite.
Dans la seconde moitié du XVème sicle, les premières imprimeries produisaient des tirages de quelques centaines d'exemplaires sur des presses entièrement manuelles.
Un ouvrage coûtait alors 60 heures de travail ouvrier, 15 fois moins cher que l'œuvre d'un copiste.
L'imprimerie s'est beaucoup mécanisée depuis la Renaissance et les séries se sont allongées.
Actuellement, la composition et l'impression d'un bouquin de 400 pages ne nécessitent plus qu'environ 30 minutes de SMIC, un gain huit fois plus élevé que celui apporté par Gutenberg.
Depuis les années 1950, les supports informatiques se sont développés.
400 kilo-octets sur un disque dur coûtent aujourd'hui sensiblement 15 secondes de SMIC, 125 fois moins que le papier imprimé !
Le stockage magnétique est 200 000 fois moins onéreux que les manuscrits en parchemin.
Les deux graphiques ci-dessous permettent de mieux appréhender ce spectaculaire mouvement de productivité.
Nous devons aussi garder à l'esprit que les coûts de diffusion, non abordés dans cette chronique, sont aussi en train de subir un saccage comparable.
Ce blog est, à son modeste niveau, au cœur de cette évolution.
Pas une ligne des Humeurs Mondialisées, depuis les tous premiers embryons d'idées jusqu'à la version publiée, n'est passée par un stylo ou une feuille de papier.
De même, je doute que beaucoup de lecteurs impriment ces chroniques pour les lire.
Quinze ans en arrière, je n'aurais pas cru celui qui m'aurait prédit ces façons de faire.
Comme les performances, les capacités et les coûts des moyens informatiques continuent de s'améliorer, demain sera encore plus surprenant, et peut-être déstabilisant, qu'aujourd'hui.
Scripturalement votre
Références et compléments
- Cette chronique, sous une forme légèrement remaniée, fait désormais partie du recueil disponible en ligne "Humeurs Économiques".
- Dans la même veine, les chroniques :
. "L'édition s'industrialise"
. "J'ai tué la librairie Arthaud de Grenoble"
. "L'irrésistible attrait du livre électronique"
. "Timbres-poste, iPhone et salaires ouvriers"
. "Des encyclopédies et de l'iPhone au fil des présidences"
. "Le prix de l'essence et des voitures en forte baisse"
. "Comme l'essence, l'immobilier baisse"
- L'étincelle initiale de cette chronique a été allumée par mon épouse préférée et son collègue le professeur Mike Coey.
Les chapitres introductifs des cours de ce dernier sur le magnétisme comportent beaucoup d'ordres de grandeur très intéressants (en anglais).
- Les évaluations économiques présentées dans cette chronique sont issues de :
. Production costs in fifteenth century printing de Michael Pollak (en anglais)
. From cave paintings to the internet - From Gutenberg's movable type to the digital book - Economic aspects de Jeremy Norman (en anglais)
. Evolution des prix du 15ème au 19ème siècle - Panier de la ménagère, services, salaires sur le site Histoire P@ssion
. Quel est le prix d'un livre ? sur le site enviedecrire.com
- Articles Wikipedia sur Johannes Gutenberg, l'inventeur de l'imprimerie, et sa bible "B42" imprimée à Mayence en Allemagne à partir de 1454.
- Exprimer des coûts en temps de salaire d'un ouvrier est inspiré du livre de Jean Fourastié & Béatrice Bazil "Pourquoi les prix baissent ?" (Editions Hachette 1984).