jeudi 16 mai 2013

Dans le Nord de l'Espagne, j'ai été victime d'un accident spatio-temporel

Lors de mon récent séjour ibérique, en traversant le village de Ramales de la Victoria, j'ai brutalement été ballotté par un séisme temporel.
Brusquement, le GPS s'est mis à indiquer "Av. General Franco".
Extrait de Google Maps
Mu par un réflexe salvateur, je me précipitais illico en dehors de la voiture et réussissait, in extremis, à reprendre pied au XXIème siècle. Des plaques de rues relativement neuves annonçaient "Paseo Barón de Adzaneta".
Manifestement si Google Maps était resté scotché avant 1975, le conseil municipal avait fini par se décider, certes un peu tardivement, de se débarrasser des restes toponymiques du regretté caudillo.

Désireux de retrouver ma sérénité, j'eus la mauvaise idée d'opter pour une promenade pédestre dans cette bourgade assoupie. A quelques encablures du parking, je fus assailli par des répliques de la secousse franquiste.
J'ai, tour à tour, parcouru une "Calle del General Mola" - inoubliable déclencheur de la guerre civile espagnole en 1936, surnommé El Director -, traversé une "Plaza de José Antonio Primo de Riveira" - prototype de Franco dans les années 1920 - et évité de justesse une "Calle del General Sanjurjo" - alias le lion du Rif, instigateur de plusieurs soulèvements nationalistes.
A Ramales de la Victoria, le Paseo Barón de Adzaneta croise la Calle del General Mola.
Terrorisé par ces attaques perfides d'un passé normalement révolu, je mis le cap sur l'église afin d'y être protégé par la bienveillance divine.
C'était oublier qu'épiscopat et clergé s'étaient très majoritairement opposés aux républicains durant la guerre d'Espagne. Aussi, l'édifice religieux abrite un monument aux morts fort seyant en l'honneur des compagnons d'armes de Primo de Riveira et, surtout, conserve, sur sa façade est, une plaque proclamant fièrement "Avenida de Franco".
La plaque de rue "Avenida de Franco" apposée sur une des façades de l'église de Ramales de la Victoria.
Vaincu par des ondes temporelles maléfiques, je repris mon véhicule pour aller retrouver la très contemporaine et très bétonnée cité balnéaire de Laredo sur la côte cantabrique. En chemin, pour me remonter le moral, j'écoutais quelques chansons de Georges Brassens.
Le barde de Sète m'affirma d'abord que "l'on a requinqué, dans le ciel de Verdun, les étoiles ternies du maréchal Pétain". Puis il me rasséréna en assurant qu'il avait "conspué Franco, la guitare en bataille, durant pas mal d'années, durant pas mal d'années" ...

No pasaran !

Spatio-temporellement votre

Références et compléments
- En guise d'exorcisme et de désinfectant, je vous propose la chronique "L'Estaca grande chanson et petit air entêtant de liberté" consacrée à l'hymne anti-franquiste du catalan Lluis Llach, repris par la suite en Pologne et en Tunisie.

- Les résidus franquistes évoqués dans cette chronique se situent dans le village de Ramales de la Victoria à la lisière entre la Cantabrie et la province de Biscaye (Communauté Autonome Basque) au Nord de l'Espagne. Bilbao est à environ 80 km.
Fort heureusement, le territoire de cette bourgade abrite aussi la grotte ornée de Covalanas inscrite au Patrimoine Mondial de l'Humanité et évoquée dans la chronique "nos ancêtres taguaient les murs de leurs grottes".

- Le Barón de Adzaneta semble être, en tous les cas au sein de Google, un illustre inconnu.
Le titre a été porté par un obscur cardinal aragonais à la fin du XVème siècle. Tombé en désuétude, la baronnie ne fut rétablie qu'en 1916 et confiée à un hidalgo tout aussi peu saillant. Toute information supplémentaire est la bienvenue.

- Les deux photos et la copie d'écran ont été réalisées par l'auteur à Ramales de la Victoria le 9 mai 2013.

- Les chansons de Brassens citées sont "les deux oncles" et "tant qu'il y a des Pyrénées".