samedi 14 juillet 2012

Tour de France, carnaval des transgressions

Autant l'avouer, j'adore le Tour de France.
Habitant dans les Alpes, je suis au bord de sa route à peu près tous les ans et, chaque jour, j'essaie de suivre l'étape autant que faire se peut.

Pourtant, en y réfléchissant, cette course cycliste regroupe beaucoup d'éléments que je n'apprécie guère dans la vie courante.

- Habituellement, je déteste la foule et les files d'attente.
Lors du Tour de France, je suis capable de faire le pied de grue quatre heures au bord d'une route pour apercevoir vingt secondes un peloton lancé à plus de 40 km/h.

- Habituellement, ma consommation télévisuelle est réduite et toujours en soirée.
Dès que le Tour de France s'élance, je me précipite chaque fin d'après-midi devant la retransmission en direct de la course.

- Habituellement, je suis réservé, voire critique, vis à vis des corps constitués.
Le Tour de France est d'abord le festival annuel de la gendarmerie nationale. Et les grandes centrale syndicales ont une place de choix dans la caravane.


- Habituellement, je n'aime pas que les intérêts ou les biens publics soient bradés.
La route du Tour de France est très officiellement, et très gracieusement, privatisée et concédée par l'Etat à ASO, la société organisatrice.

- Habituellement, je n'adresse pas aisément la parole à des personnes que je ne connais pas.
Au bord de la route du Tour de France, j'engage des débats passionnés et fort civils avec des inconnus sur la tactique des cyclistes, le dopage et la qualité de la caravane.

- Habituellement, je ne trouve aucun réconfort dans le malheur d'autrui.
Défaillances et chutes font partie intégrante du spectacle du Tour de France.

- Habituellement, j'évite les publicités.
Assister à l'étape du Tour de France perd de son charme si l'on manque le passage de la caravane publicitaire. Et quel plaisir, d'arborer maillots, casquette et gadgets attrapés au vol !

- Habituellement, j'abhorre mafias, lobbies et groupes de pression.
Au Tour de France, il est parfaitement acceptable que huit solides gaillards - tels des siciliens d'opérette - entourent leur chef, cadenassent le peloton et distribuent les bons de sortie selon leur bon plaisir.


- Habituellement, je ne prise guère le trafic de drogue.
Le Tour de France fait défiler, sous la protection des forces de l'ordre et en direct à la télévision, deux cents toxicomanes et leurs fournisseurs de dope devant quinze millions de personnes rassemblées au bord de la route.

Tout compte fait, la vraie fonction du Tour de France ne serait-elle pas d'être un rite d'inversion ?
A l'instar des carnavals du Moyen-Age où l'ordre féodal était temporairement bouleversé, tous les ans, durant trois semaines, toutes les transgressions deviennent autorisées et même souhaitées, pour mieux nous aider à supporter, le reste du temps, les contraintes de la vie en société ...

Cyclistement votre

P.S. social : En ces temps d'annonces de fermetures d'usines automobiles, je me souviens d'une époque hélas révolue où les voitures officielles du Tour de France étaient des Peugeot, pas des Skoda ...

Références et compléments
- Voir aussi, à propos du Tour de France, la chronique "Fin d'été".
- Les deux photos ont été prises le 13 juillet 2012, au bord de la route de la douzième étape du Tour de France à Izeaux en Isère. Les autres photos de cette étape du Tour de France 2012 sont regroupées dans un album.
Voir aussi mes photos du contre la montre du Tour de France 2011 à Grenoble.
- Le site officiel du Tour de France