jeudi 28 juin 2012

Affronter la crise, cet éternel recommencement : le programme de Paul Reynaud en 1938

"Nous n'avons pas un problème monétaire mais un problème économique et financier".
"Le programme [de redressement] comporte quatre parties principales : des dispositions fiscales, une convention nouvelle avec la Banque [centrale], des mesures tendant à assouplir le statut du travail, un programme d'économies".

Ces phrases - incroyablement actuelles - ne proviennent pas d'un quelconque "sommet européen crucial" à Bruxelles mais datent de novembre 1938.
Ce sont les grandes lignes de ce que nous appellerions aujourd'hui le plan d'ajustement administré alors par Paul Reynaud.

Cet homme politique atypique avait été appelé au ministère des finances par l'Assemblée Nationale du Front Populaire totalement déboussolée, pour tenter de faire face à la crise tenace et au péril nazi.
Peu après sa prise de poste, Paul Reynaud déclara "croyez-vous que la France puisse à la fois maintenir son train de vie, dépenser 25 milliards d'armement et se reposer deux jours par semaine ?".
En quelques mois, il va mener une politique résolue de réduction du déficit budgétaire et d'augmentation des dépenses militaires.
Il stoppe aussi le recrutement des fonctionnaires, interdit toute nouvelle nationalisation et obtient l'autorisation parlementaire de consolider les emprunts d'état. Il finance l'effort d'armement par des mesures fiscales drastiques : relèvement des taux des impôts existants et création d'une contribution nationale extraordinaire.
Paul Reynaud augmente aussi le temps de travail, en amenant la durée hebdomadaire à 41.5 heures et en déplafonnant les heures supplémentaires.
Cette politique de rigueur a été acceptée par les mêmes députés qui, un peu plus de deux ans auparavant, avaient voté les mesures emblématiques du gouvernement de Léon Blum dont nous gardons un souvenir ému : congés payés, semaine de 40 heures, hausse des salaires ...

Comparaison n'est pas raison mais, comme le disait le sympathique grec Thucydide, "tout pays qui ne connait pas son passé s'expose à le revivre".

Qui seront les Paul Reynaud de François Hollande en France et de Moncef Marzouki en Tunisie ?
Il devient urgent qu'ils se manifestent.
Les postulants éventuels peuvent déposer leur candidature dans les commentaires de ce blog, je transmettrai.

Deficitiquement votre

Références et compléments
- La postérité n'a pas été clémente avec Paul Reynaud. Cet homme lucide et énergique a manqué une seule fois dans sa vie politique de jus et de discernement.
En juin 1940, bien qu'ayant envoyé Charles De Gaulle à Londres, il fait entrer Philippe Pétain dans son gouvernement et ne trouve pas l'énergie de continuer le combat. On connait la suite ...
Pour plus de détails biographiques sur Paul Reynaud, se reporter aux articles de Wikipedia et du site du ministère de l'économie et des finances.
- Autre rappel historique : la même Assemblée Nationale, élue en 1936 avec une majorité dite de "Front Populaire", a approuvé successivement les avancées sociales de Léon Blum, le plan de rigueur de Paul Reynaud et les pleins pouvoirs conférés à Philippe Pétain.
- Un grand merci à Alain qui a retrouvé des journaux de 1938.
Les deux citations au début de ce billet proviennent du Journal de la Bourse du 19 novembre 1938.
La citation de milieu de chronique est issue de Wikipedia.
- Il n'est pas certain que la phrase de Thucydide soit exacte, ni même qu'il en soit l'auteur.
Toutefois, je n'ai pas réussi à résister au plaisir de citer un auteur grec à propos de la crise. La pensée grecque est une valeur plus sure que la drachme, voire l'euro ...