mardi 3 mai 2011

Lettre ouverte à Mr Claude G. - Chronique indienne


Mon cher Claude (je me permets de vous appeler ainsi car je séjourne dans un pays où dès que l'on connaît quelqu'un, on utilise son "premier nom").

En arrivant la nuit dernière à l'aéroport de Bangalore dans l'état du Karnataka en Inde, je nourrissais les pires craintes.

Je voyage avec un basque pendu aux miennes. Le bayonnais, c'est bien connu, c'est de la graine d'etarra …

Oussama venait juste d'être envoyé au tapis par Obama, qui plus est, au Pakistan, pays voisin récemment battu au cricket.
Les services de sécurité indiens, c'est bien connu, n'allaient pas manquer d'être sur les dents, les séides de l'infâme barbichu ayant déjà frappé plusieurs fois aveuglément la plus grande démocratie du monde.

A ce propos, l'Inde est une jeune démocratie, de seulement un peu plus de 60 ans et d'un milliard d'électeurs.
Une démocratie balbutiante, c'est bien connu, est forcément beaucoup plus imparfaite que la Patrie des Droits de l'Homme et ses 222 ans d'exemplarité. Il est peu probable que sa police sache se tenir aussi bien que celle de la République Française.

Mes sympathies tunisiennes, et donc arabes, n'allaient pas manquer de sauter à la figure du premier pandore enturbanné venu (Eh oui, le turban c'est indien, mon cher Claude. Ici beaucoup de flics et militaires l'arborent fièrement) .
. Je possède grâce à vos services un passeport d'un vert seyant, couleur de l'islam.
. Il est désormais orné de tampons de la Carthage post révolutionnaire.
. Et, en plus, je trimballe "le Guépard" de Lampedusa (j'ai bien dit Lampedusa, mon cher Claude) dans ma valise !
Le tunisien, c'est bien connu, ne cherche, par les temps qui courent, qu'à exporter sa pagaille dans des contrées paisibles, plutôt que de relancer son industrie touristique mise à mal par le soulèvement du jasmin.

Enfin, pour rallier la Silicon Valley indienne, j'avais traversé pas moins de deux frontières dites Schengen, ayant transité par Genève et Francfort.
Oser franchir une frontière ouverte avec des papiers en règle, c'est bien connu, est un signe indéniable de sédition, voire d'anarchie.

Bref, l'etarra et le franco-tunisien n'en menaient pas à large à la sortie de l'avion. La police indienne n'allait pas manquer de nous refouler illico presto vers la capitale de la saucisse et la cité de Calvin.

Quelle ne fut pas notre surprise, mon cher Claude, d'être accueilli tout d'abord par un poster géant annonçant fièrement "India Immigration welcomes you".
Ce qui donne grosso modo en français "la Police de l'Air et de Frontières est heureuse de vous accueillir" (vous avez bien lu, mon cher Claude, le verbe accueillir).
Quelques minutes après, un fonctionnaire, souriant, en civil, vérifiait nos passeports et visas, tout en blaguant sur la couleur étonnamment verte de mon passeport pour daltonien.
Encore plus surprenant, il nous laissait pénétrer sans encombre sur le territoire de l'Union Indienne.

Un collègue de travail à qui je racontais l'anecdote (Eh oui, mon cher Claude, j'ai aussi des collègues indiens), me disait "for us guest is God", chez nous l'hôte est un Dieu.

Alors, mon cher Claude, je vous suggère d'envoyer votre PAF en stage au pays de Gandhi et, surtout, de lui demander d'ACCUEILLIR les migrants, tunisiens ou pas, possédant des papiers en règle !

Schengeniquement votre …