mercredi 1 août 2012

Besoin d’argumenter ? Les nombres de 1 à 500 !


La rhétorique n’est pas un genre exclusivement littéraire. Les mathématiques, plus précisément l’arithmétique, en sont le précieux auxiliaire.
Ainsi, les nombres entiers peuvent être un excellent dopant pour les raisonnements faiblards.
Ils sont aussi l’ultime coup de marteau scellant une démonstration rigoureuse.

Dénombrer a toujours été indispensable à l'essor de l'humanité.
Combien de bouches à nourrir ? Combien de proies capturées à la chasse ? Combien de lunes avant le retour de la saison chaude ? Combien de printemps ai-je vécu ? Combien d’animaux dessiner sur les parois de la grotte ?
Représentés initialement avec les doigts ou des cailloux, les nombres entiers sont enfouis au plus profond de notre patrimoine génétique.

Toutefois leur efficacité naturelle s’arrête avec notre capacité de mémorisation. Un village traditionnel ou un troupeau un peu conséquent ne dépassant guère 500 têtes, les valeurs au-delà de cette limite perdent leur signification innée.

Ces nombres très humains résonnent dans les couches profondes de notre cerveau.
Rien de tel pour renforcer une argumentation que d’en glisser quelques uns dans le fil du discours.
Par exemple, en mai 1958, peu de temps avant son retour au pouvoir, Charles de Gaulle, dans une de ses « petites phrases », chiffre son âge exact pour bien faire comprendre ses intentions :
« Pourquoi voulez-vous qu'à soixante-sept ans, je commence une carrière de dictateur ? ».
Une autre illustration de la puissance rhétorique des entiers est l'expression « deux cent familles » qui, dans l'entre-deux-guerres, a fait florès chez les politiques de droite comme de gauche.
Initialement lancée par le radical Edouard Dalladier pour désigner les actionnaires ayant le droit de vote au sein de la Banque de France, cette comptabilisation des dynasties financières et industrielles françaises est devenue la cible préférée des envolées anticapitalistes mais, aussi hélas, antisémites.

Les valeurs entre 1 et 10 qui se « comptent sur les doigts de la main » sont encore plus percutantes.
Les duettistes François Hollande et Nicolas Sarkozy ont usé et abusé du procédé dans leur débat électoral de mai 2012. Ainsi, pour souligner la responsabilité de son adversaire dans l’état de la France, le futur président normal a canardé au nombre entier :
« Est-ce que je dois vous rappeler que vous êtes au pouvoir depuis dix ans ? Pas simplement cinq ans comme président de la République, mais vous étiez cinq ans ministre sous Jacques Chirac ».
Toutefois, pour conserver leur force de frappe, les nombres entiers doivent rester cantonnés au décompte de personnes, d’objets ou d’entités très concrets. Affublez-les d’une unité abstraite et ils se dégonflent illico.
200 millions d’euros, 200 mégabits par seconde ou 200 années-lumière frappent moins les imaginations que les « deux cent familles ».

Entièrement votre, de 1 à 500 ...

Références et compléments