Depuis que des barbares bas de plafond ont abattu en janvier à Paris des dessinateurs antimilitaristes et anticléricaux, médias, sondages et bistrots plébiscitent le rétablissement du service militaire obligatoire.
Cette noble tradition nationale serait, parait-il, une occasion unique de brassage social ainsi que le creuset des valeurs républicaines.
Ayant eu le privilège de passer un an sous les drapeaux, je voudrais témoigner personnellement des hautes vertus de cette corvée, au sens étymologique du terme.
Bien que je me sois présenté à reculons à l'incorporation, je tire une légitime fierté de ma prestation forcée au sein de la Marine Nationale.
D'août 1984 à juillet 1985, alors que la guerre froide battait son plein, le territoire national français n'a jamais été menacé de près ou de loin. Preuve de l'efficacité dissuasive de ma présence, l'épée dans les reins, sous l'Uniforme de la République.
Pourtant, je n'ai porté une arme que deux nuits d'affilée.
Durant mes “classes”, au coeur des landes de Gascogne, revêtu d'un seyant survêtement bleu, j'ai arpenté les couloirs des dortoirs ainsi que les sanitaires aux nombreuses fuites d'eau pour “veiller sur le sommeil de mes camarades”.
Afin de remplir au mieux cette mission tactiquement indispensable, j'avais été doté d'un fusil, qui avait du être moderne vers 1930, sans aucune munition et qui, pour plus de sécurité, avait la culasse soudée.
Mon activité militaire a beaucoup fait progresser mon niveau d'éducation générale.
J'ai appris, en vrac, à coudre un ruban de casquette, à faire un nœud de cravate, à pratiquer la “politesse militaire”, à ne pas jeter par la fenêtre une bouteille de gaz en feu et à chanter “ils ont traversé le Rhin au son des fifres et tambourins”.
Les occasions de s'initier ou de se perfectionner, avec la bénédiction du commandement, aux plaisirs raffinés du tabac, de l'alcool et des contacts tarifés avec la gent féminine étaient - si j'ose dire - légion et à la portée de nos soldes rachitiques.
La pratique du canot à rame sur un étang d'eau douce aurait pu me transformer en véritable marin. Mais, hélas, mon daltonisme, qui m'empêchait de faire la distinction entre les fanaux rouges et verts, a contrarié cette vocation aussi tardive qu'involontaire.
Plusieurs instructeurs zélés ont aussi tenté de m'inculquer la marche au pas, mais, malgré leurs efforts soutenus, douze mois n'y ont pas suffi.
Bref, à mon retour à la morne vie civile, mon employabilité s'était nettement accrue.
Seul, un petit quart de ma classe d'âge a eu le plaisir de servir notre patrie.
Les femmes étaient exclues d'office et l'armée, déjà en panne budgétaire, réformait plus d'une recrue sur deux.
Si vous aviez le bonheur d'avoir effectué quelques études, la malchance d'être sélectionné pour servir l'amère patrie se trouvait illico atténuée.
L'institution militaire s'empressait de vous proposer une version adoucie, voire carrément planquée, de votre passage en son sein : élèves-officiers de réserve, coopérants à l'étranger, scientifiques du contingent, j'en passe et des meilleures.
Votre serviteur est ainsi devenu pédagogue et a défendu le sol natal avec des craies - de couleur qui plus est ! - devant un tableau noir.
Au sein d'un centre de formation de la Marine, j'ai enseigné, à de jeunes matelots fraîchement engagés pour échapper au chômage, la beauté insoupçonnée de la loi d'Ohm et du théorème de Thévenin-Norton.
Afin de conserver la nécessaire distance entre le professeur et ses étudiants, j'ai été doté de l'uniforme et des privilèges des officiers, à l'exclusion des galons. Pendant un an, avec une cinquantaine de collègues tous diplômés, j'ai logé et mangé au mess, au lieu de dormir en chambrée et de profiter de la cantine.
Il va sans dire qu'une fois mes cours effectués, je pouvais aller et venir à ma guise dans la base mais aussi en dehors.
Prof amateur à la motivation minimale, je rentrais à mon véritable domicile chaque week-end alors que les militaires professionnels qui n'obtenaient pas la moyenne à mes contrôles, dont je bâclais la correction, étaient irrémédiablement consignés.
Cette expérience incomparable fut enrichissante à tous points de vue.
Durant une longue année, j'ai rencontré des personnes très variées venues de milieux que je ne connaissais guère, exercé une activité aussi enrichissante que formatrice et mis en pratique notre belle devise Liberté, Égalité, Fraternité.
Il est urgent que les jeunes d'aujourd'hui puissent à nouveau bénéficier de cet exceptionnel apport.
J'allais oublier un petit détail.
Les terroristes d'Action Directe, prédécesseurs rouges des sinistres frères pois chiche, qui ont sévi dans les années 1980 et assassiné Georges Besse et le général Audran, avaient effectué leur service militaire. À l'inverse de votre serviteur, ils y avaient même appris à tirer.
#JesuisCharlie
Insoumiquement votre
Cette noble tradition nationale serait, parait-il, une occasion unique de brassage social ainsi que le creuset des valeurs républicaines.
Ayant eu le privilège de passer un an sous les drapeaux, je voudrais témoigner personnellement des hautes vertus de cette corvée, au sens étymologique du terme.
Bien que je me sois présenté à reculons à l'incorporation, je tire une légitime fierté de ma prestation forcée au sein de la Marine Nationale.
D'août 1984 à juillet 1985, alors que la guerre froide battait son plein, le territoire national français n'a jamais été menacé de près ou de loin. Preuve de l'efficacité dissuasive de ma présence, l'épée dans les reins, sous l'Uniforme de la République.
Pourtant, je n'ai porté une arme que deux nuits d'affilée.
Durant mes “classes”, au coeur des landes de Gascogne, revêtu d'un seyant survêtement bleu, j'ai arpenté les couloirs des dortoirs ainsi que les sanitaires aux nombreuses fuites d'eau pour “veiller sur le sommeil de mes camarades”.
Afin de remplir au mieux cette mission tactiquement indispensable, j'avais été doté d'un fusil, qui avait du être moderne vers 1930, sans aucune munition et qui, pour plus de sécurité, avait la culasse soudée.
Mon activité militaire a beaucoup fait progresser mon niveau d'éducation générale.
J'ai appris, en vrac, à coudre un ruban de casquette, à faire un nœud de cravate, à pratiquer la “politesse militaire”, à ne pas jeter par la fenêtre une bouteille de gaz en feu et à chanter “ils ont traversé le Rhin au son des fifres et tambourins”.
Les occasions de s'initier ou de se perfectionner, avec la bénédiction du commandement, aux plaisirs raffinés du tabac, de l'alcool et des contacts tarifés avec la gent féminine étaient - si j'ose dire - légion et à la portée de nos soldes rachitiques.
La pratique du canot à rame sur un étang d'eau douce aurait pu me transformer en véritable marin. Mais, hélas, mon daltonisme, qui m'empêchait de faire la distinction entre les fanaux rouges et verts, a contrarié cette vocation aussi tardive qu'involontaire.
Plusieurs instructeurs zélés ont aussi tenté de m'inculquer la marche au pas, mais, malgré leurs efforts soutenus, douze mois n'y ont pas suffi.
Bref, à mon retour à la morne vie civile, mon employabilité s'était nettement accrue.
Seul, un petit quart de ma classe d'âge a eu le plaisir de servir notre patrie.
Les femmes étaient exclues d'office et l'armée, déjà en panne budgétaire, réformait plus d'une recrue sur deux.
Si vous aviez le bonheur d'avoir effectué quelques études, la malchance d'être sélectionné pour servir l'amère patrie se trouvait illico atténuée.
L'institution militaire s'empressait de vous proposer une version adoucie, voire carrément planquée, de votre passage en son sein : élèves-officiers de réserve, coopérants à l'étranger, scientifiques du contingent, j'en passe et des meilleures.
Votre serviteur est ainsi devenu pédagogue et a défendu le sol natal avec des craies - de couleur qui plus est ! - devant un tableau noir.
Au sein d'un centre de formation de la Marine, j'ai enseigné, à de jeunes matelots fraîchement engagés pour échapper au chômage, la beauté insoupçonnée de la loi d'Ohm et du théorème de Thévenin-Norton.
Afin de conserver la nécessaire distance entre le professeur et ses étudiants, j'ai été doté de l'uniforme et des privilèges des officiers, à l'exclusion des galons. Pendant un an, avec une cinquantaine de collègues tous diplômés, j'ai logé et mangé au mess, au lieu de dormir en chambrée et de profiter de la cantine.
Il va sans dire qu'une fois mes cours effectués, je pouvais aller et venir à ma guise dans la base mais aussi en dehors.
Prof amateur à la motivation minimale, je rentrais à mon véritable domicile chaque week-end alors que les militaires professionnels qui n'obtenaient pas la moyenne à mes contrôles, dont je bâclais la correction, étaient irrémédiablement consignés.
Cette expérience incomparable fut enrichissante à tous points de vue.
Durant une longue année, j'ai rencontré des personnes très variées venues de milieux que je ne connaissais guère, exercé une activité aussi enrichissante que formatrice et mis en pratique notre belle devise Liberté, Égalité, Fraternité.
Il est urgent que les jeunes d'aujourd'hui puissent à nouveau bénéficier de cet exceptionnel apport.
J'allais oublier un petit détail.
Les terroristes d'Action Directe, prédécesseurs rouges des sinistres frères pois chiche, qui ont sévi dans les années 1980 et assassiné Georges Besse et le général Audran, avaient effectué leur service militaire. À l'inverse de votre serviteur, ils y avaient même appris à tirer.
#JesuisCharlie
Insoumiquement votre