dimanche 27 mai 2012

Lettre ouverte à Manuel Valls

Mon cher Manuel

Tout d'abord, je te prie d'excuser le tutoiement mais, que veux-tu, j'adopte les us et coutumes de la police dite nationale que tu diriges depuis quelques semaines.

Ensuite, si je te dérange si tôt après ta prise de fonction, c'est pour éviter que tu prennes la place de Claude G., ton prédécesseur au ministère de l'intérieur, comme tête de turc favorite de ce blog.
Un type qui, à ton instar, s'habille en permanence comme s'il était le témoin de mariage de son meilleur pote ne devrait pas être foncièrement mauvais. Et puis, François Hollande a su faire montre de son sens aigu du calembour en choisissant comme responsable en chef des contredanses un dénommé Valls. Comment s'en plaindre ?
Toutefois, si tu souhaites sortir de ma ligne de mire, il va falloir que tu ailles sérieusement au charbon.

Je viens d'effectuer un déplacement professionnel en Inde. Samedi 26 mai, à mon retour à l'aéroport Charles de Gaulle de Roissy, j'ai pu constater que les pratiques de la police de l'air et des frontières n'avaient pas évolué depuis ton arrivée place Beauvau.

Dès notre sortie de l'avion, nous sommes attendus par des fonctionnaires de la PAF pour un contrôle surprise à la tête du client. Devant moi, le papy de plus de 70 ans devait avoir une sale tronche puisqu'il a été prié d'attendre qu'on daigne s'occuper de lui. Ma bobine casquettée et moustachue, beaucoup plus avenante il est vrai, est passée sans encombre.
Je m'étonne de cette vérification inopinée. Jusqu'ici, je croyais naïvement qu'il était impossible de quitter la zone internationale de l'aéroport sans passer par un guichet de police.
Si c'est bien le cas, quelle est l'utilité du comité d'accueil au pied de l'avion si ce n'est de diminuer le nombre de policiers présents au contrôle habituel et donc d'allonger les files d'attente.
Si, par contre, il y a des trous dans la raquette policière de Roissy, il serait peut-être urgent d'y remédier avec une organisation fiable plutôt que de mettre en place des bouche-trous aléatoires. Pour t'aider, mon cher Manuel, je peux te présenter d'excellents spécialistes des méthodes industrielles, du contrôle qualité et de la logistique.

Quelques minutes après, je suis en vue du poste de vérification des passeports. A l'heure d'arrivée de tous les long-courriers, seuls deux guichets sur une dizaine sont ouverts. Baptisée "tous passeports", une queue forte d'une bonne centaine de voyageurs y mène.
Une autre file étiquetée "Union Européenne" ne contenant que cinq ou six personnes conduit à des cabines fermées. Instruit par l'expérience kafkaïenne de mes passages précédents, je la choisis envers et contre tout.
Voyant que des passagers privilégiés étaient sur le point de commencer à attendre, le policier en faction a réexpédié un "tous passeports" sans ménagement dans sa file en lui criant "out". D'un geste autoritaire du doigt, il a sommé, un par un, les "Union Européenne" de se présenter devant son hygiaphone. Ce fonctionnaire, à l'uniforme taché et débraillé, n'a pas cru bon de répondre à mon salut pourtant courtois et s'est contenté d'un coup d'œil expéditif à mon passeport qu'il m'a rendu en grommelant.

Après un voyage aérien, le premier contact avec un pays s'effectue toujours avec les services de l'immigration.
Par exemple, à Bangalore ou à Mumbai en Inde, cette fonction est tenue par des fonctionnaires souriants et en civil. Une grande pancarte indique qu'il sont heureux de vous accueillir. Cette politesse n'exclut pas les contrôles très tatillons qu'ils exercent.
Mon cher Manuel, ton gouvernement s'est engagé dans le "redressement productif". Pour réussir ce louable objectif, la France a un besoin impératif des étrangers, que ce soit pour nos exportations ou pour notre tourisme. Aussi, il faudrait vraiment que tu profites de ton état de grâce auprès des pandores pour rappeler les basiques de l'accueil et de la politesse à la police de l'air et des frontières.
Pour ce faire, je t'incite à t'interroger sur ce que penserait Charles de Gaulle de l'image de la France que projette "ta" police dans l'aéroport qui porte son nom ...

Cosmopolitement votre

Références et compléments
- Sur le même thème, deux précédents chroniques : "Narita, Roissy, Carthage, même art martial" & "Lettre ouverte à Mr Claude G."