Si le regretté physicien Sadi Carnot, disparu en 1832, revenait parmi nous, il choisirait à coup sur le Japon comme champ d'observation pour confirmer son célèbre Second Principe de la Thermodynamique.
Ce Principe Physique explique que, quoiqu'on fasse, le désordre - le bordel diraient certains - que les spécialistes nomment entropie, ne peut qu'augmenter.
Autrement dit, plus vous mettez d'ordre quelque part, plus vous générez de chaos ailleurs.
Le Japon est un parfait exemple de ce Principe.
En apparence, tout semble beaucoup plus ordonné qu'ailleurs sur la planète :
- La politesse est partout et permanente.
- Les trains sont nombreux et à l'heure.
De surcroît, dans les liaisons inter-villes, les sièges sont toujours dans le sens de la marche.
Au guichet, les gens attendent patiemment dans des files monodimensionnelles.
- Les véhicules respectent les feux tricolores et les piétons aussi !
Votre serviteur latino-maghrebin beaucoup moins ! Ce qui lui a permis d'observer une particularité psycho-anatomique : des japonais stupéfaits lui faisant les gros yeux.
- La propreté des centres des villes est impeccable.
Les zones fumeurs et non fumeurs sont partout clairement délimitées et respectées. Dans la rue, les adeptes du tabac ne s'adonnent à leur passion que devant des fumoirs en plein air dûment signalés. Hors de question de déambuler avec une cigarette allumée.
- Les employés de bureau sont tous habillés de la même manière : costume gris, cravate sombre, chemise claire. De même, collégiens et lycéens portent un uniforme bleu marine du meilleur aloi.
- Comble de la modernité, la cuvette des toilettes est équipée de réglages hydro-électroniques en tous genres et possède un mode d'emploi copieux.
Toutefois, dès que l'on gratte la surface et que l'on tourne un peu la tête, un autre Japon apparaît, nettement plus entropique :
- Des salarymen rebelles arborent parfois des chemises à liserés - voire à carreaux ! - sous leur veston sombre.
- Leurs bureaux (au moins ceux visibles de la rue) recèlent un foutoir incroyable : des piles instables de cartons et de papiers s'accumulent en tous sens, souvent au ras des fenêtres.
De même, la sacoche que chaque bureaucrate porte dans le métro de Tokyo est en fait un réceptacle pour de multiples paplards. Le PC portable ne fait pas partie de l'attirail du cadre japonais.
- Chaque soir, des hordes entières de ces employé(e)s partent en goguette et oublient en masse leur quotidien dans l'alcool ou les love hotels.
- Les quartiers les plus animés de Tokyo sont totalement exubérants : l'ambiance à Shibuya relègue la Gran Via madrilène en division 2 et les passages commerçants d'Asakusa rappellent les souks tunisiens.
- Les pachinkos - regroupements gargantuesques de machines à sous - sont des enfers de bruit, de néons clignotants et d'addiction.
- Les plans d'urbanisme n'existent pas.
Les buildings de Tokyo sont construits en tous sens et n'importe où.
A Oita, les quartiers d'habitation sont un méli-mélo disparate de petites maisons individuelles sans véritable style ni harmonie, flirtant parfois avec la favella brésilienne.
A Beppu, c'est encore pire ! Dans le même centre-ville, maisons en bois ou en tole ondulée, immeubles, temples shinto ou bouddhistes, galeries commerçantes, restaurants plus ou moins chics, échoppes traditionnelles, karaokés, bars et soaplands s'enchevêtrent sans aucun fil directeur.
C'est un peu comme si, à Paris, une église était implantée au milieu de la rue Saint Denis entre une école maternelle, une librairie ésotérique, un peep show et la Tour d'Argent.
- Beaucoup d'artisans et même certaines usines (autant que mon regard de cycliste myope m'a permis d'en juger) ne sont vraiment pas des champions du rangement. La pratique assidue des 5 S et la lutte contre les 7 mudas chères à Taiichi Ono ne sont apparemment pas encore devenues des sports nationaux.
Sur les chantiers de construction et de travaux publics, le muda de l'attente n'a rien à envier à celui de nos DDE franchouillardes, bien au contraire !
Comme il est impossible de lutter contre l'entropie, le génie du Japon, afin de rendre le pays simultanément attachant et déroutant, a réussi à la répartir très différemment de ce que les fils spirituels de Descartes et d'Ibn Khaldoun ont l'habitude.
Entropiquement votre …
Compléments lexicaux
- Soapland, littéralement terre du savon, en japonais sopurando, est une activité de service où le personnel féminin lave très à fond le corps des clients exclusivement masculins et essore leur portefeuille.
- 5 S est l'abréviation de cinq termes japonais commençant par un S utilisés pour créer un bon environnement de travail.
- 7 mudas signifie littéralement 7 gaspillages. La lutte contre les 7 mudas est à la base du système de production de Toyota.
- Taiichi Ono, ingénieur industriel japonais (1912 - 1990), est considéré comme le père du système de production de Toyota à l'origine du Lean Manufacturing (littéralement fabrication maigre).
Ce Principe Physique explique que, quoiqu'on fasse, le désordre - le bordel diraient certains - que les spécialistes nomment entropie, ne peut qu'augmenter.
Autrement dit, plus vous mettez d'ordre quelque part, plus vous générez de chaos ailleurs.
Le Japon est un parfait exemple de ce Principe.
En apparence, tout semble beaucoup plus ordonné qu'ailleurs sur la planète :
- La politesse est partout et permanente.
- Les trains sont nombreux et à l'heure.
De surcroît, dans les liaisons inter-villes, les sièges sont toujours dans le sens de la marche.
Au guichet, les gens attendent patiemment dans des files monodimensionnelles.
- Les véhicules respectent les feux tricolores et les piétons aussi !
Votre serviteur latino-maghrebin beaucoup moins ! Ce qui lui a permis d'observer une particularité psycho-anatomique : des japonais stupéfaits lui faisant les gros yeux.
- La propreté des centres des villes est impeccable.
Les zones fumeurs et non fumeurs sont partout clairement délimitées et respectées. Dans la rue, les adeptes du tabac ne s'adonnent à leur passion que devant des fumoirs en plein air dûment signalés. Hors de question de déambuler avec une cigarette allumée.
- Les employés de bureau sont tous habillés de la même manière : costume gris, cravate sombre, chemise claire. De même, collégiens et lycéens portent un uniforme bleu marine du meilleur aloi.
- Comble de la modernité, la cuvette des toilettes est équipée de réglages hydro-électroniques en tous genres et possède un mode d'emploi copieux.
Toutefois, dès que l'on gratte la surface et que l'on tourne un peu la tête, un autre Japon apparaît, nettement plus entropique :
- Des salarymen rebelles arborent parfois des chemises à liserés - voire à carreaux ! - sous leur veston sombre.
- Leurs bureaux (au moins ceux visibles de la rue) recèlent un foutoir incroyable : des piles instables de cartons et de papiers s'accumulent en tous sens, souvent au ras des fenêtres.
De même, la sacoche que chaque bureaucrate porte dans le métro de Tokyo est en fait un réceptacle pour de multiples paplards. Le PC portable ne fait pas partie de l'attirail du cadre japonais.
- Chaque soir, des hordes entières de ces employé(e)s partent en goguette et oublient en masse leur quotidien dans l'alcool ou les love hotels.
- Les quartiers les plus animés de Tokyo sont totalement exubérants : l'ambiance à Shibuya relègue la Gran Via madrilène en division 2 et les passages commerçants d'Asakusa rappellent les souks tunisiens.
- Les pachinkos - regroupements gargantuesques de machines à sous - sont des enfers de bruit, de néons clignotants et d'addiction.
- Les plans d'urbanisme n'existent pas.
Les buildings de Tokyo sont construits en tous sens et n'importe où.
A Oita, les quartiers d'habitation sont un méli-mélo disparate de petites maisons individuelles sans véritable style ni harmonie, flirtant parfois avec la favella brésilienne.
A Beppu, c'est encore pire ! Dans le même centre-ville, maisons en bois ou en tole ondulée, immeubles, temples shinto ou bouddhistes, galeries commerçantes, restaurants plus ou moins chics, échoppes traditionnelles, karaokés, bars et soaplands s'enchevêtrent sans aucun fil directeur.
C'est un peu comme si, à Paris, une église était implantée au milieu de la rue Saint Denis entre une école maternelle, une librairie ésotérique, un peep show et la Tour d'Argent.
- Beaucoup d'artisans et même certaines usines (autant que mon regard de cycliste myope m'a permis d'en juger) ne sont vraiment pas des champions du rangement. La pratique assidue des 5 S et la lutte contre les 7 mudas chères à Taiichi Ono ne sont apparemment pas encore devenues des sports nationaux.
Sur les chantiers de construction et de travaux publics, le muda de l'attente n'a rien à envier à celui de nos DDE franchouillardes, bien au contraire !
Comme il est impossible de lutter contre l'entropie, le génie du Japon, afin de rendre le pays simultanément attachant et déroutant, a réussi à la répartir très différemment de ce que les fils spirituels de Descartes et d'Ibn Khaldoun ont l'habitude.
Entropiquement votre …
Compléments lexicaux
- Soapland, littéralement terre du savon, en japonais sopurando, est une activité de service où le personnel féminin lave très à fond le corps des clients exclusivement masculins et essore leur portefeuille.
- 5 S est l'abréviation de cinq termes japonais commençant par un S utilisés pour créer un bon environnement de travail.
- 7 mudas signifie littéralement 7 gaspillages. La lutte contre les 7 mudas est à la base du système de production de Toyota.
- Taiichi Ono, ingénieur industriel japonais (1912 - 1990), est considéré comme le père du système de production de Toyota à l'origine du Lean Manufacturing (littéralement fabrication maigre).