mercredi 22 août 2012

Chevaux, acier, journaux, disques, livres … à qui le tour ?

La récente sortie de Pierre Lescure, porte-parole désigné par le gouvernement du lobby du show business, « on ne peut pas partir à vau-l'eau et tout consommer gratuit sur internet » procède d’une formidable erreur de perspective.

Le téléchargement et le partage de musiques ou de vidéos est tout, sauf gratuit.
Jusqu’à plus ample informé, ordinateurs, smartphones et abonnements internet sont rarement donnés à titre gracieux. Annuellement, chacun d’entre nous consacre quelques centaines d’euros pour être connecté sur la toile. Ces sommes ne sont pas, ou plus, consacrées à l’achat de disques ou de DVD.
L’essentiel de ce pactole profite aux entreprises dites de « la nouvelle économie ».
Intel, Microsoft, Apple, Google, Free, Orange et quelques autres ont littéralement capturé le chiffre d’affaire d’Universal Music et consorts. Un peu comme si les imprimeurs s’étaient subrepticement emparés de la marge des éditeurs et des libraires.

L’histoire économique regorge de tels glissements de valeur qui, souvent, se terminent par la mort de l’industrie ancienne trop crispée sur son existant.
Trois exemples auxquels nous pensons rarement tellement ils ont pénétré notre quotidien.

La véhicules « auto »-mobiles sont presque venus à bout de leurs concurrents hippomobiles alors que les canassons ont pourtant assuré les déplacements de l’Humanité durant neuf millénaires.

Les fabricants de matières plastiques, à partir de la fin des années 1950, ont fait un tort considérable aux sidérurgistes dont nombre d’usines ont du fermer.
A l’époque de « Lorraine cœur d’acier », je n’ai pas le souvenir que des chanteurs ou des comédiens aient proposé de taxer le plastoc pour maintenir les métallos au boulot.

Dans le domaine « culturel », à partir de l’entre-deux-guerres, la radio puis, plus tard, la télévision ont fourni massivement et « gratuitement » du divertissement et des informations. Ce bouleversement a transformé les chanteurs de rue en espèce en péril et fait fondre comme neige au soleil les effectifs des salles de cinéma et des journaux.

Quelle différence entre ces trois précédents et le téléchargement sur internet aujourd’hui ?

L’establishment français de la « Culture », au lieu de s’adapter à vive allure, tente désespérément de retarder l’échéance avec des gadgets fiscalement coûteux comme l’Hadopi ou la mission de Pierre Lescure. Un château de sable n’a pourtant jamais empêché la mer de monter.
Cette attitude rétrograde dirigera, dans un futur très proche, les retombées économiques du divertissement et de la création artistique vers les héritiers de Steve Jobs plutôt que vers ceux de Charles Cros et de Thomas Edison.

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Références et compléments
- Sur le même thème, mon appel à François Hollande pour qu'il gracie le premier condamné d'Hadopi
- Article de 01net du 21 août 2012 relatant les récents propos de Pierre Lescure dont est extrait la citation entre guillemets en début de chronique.