Au cours des siècles, chaque peuple s'est forgé une personnalité et des talents propres. Ainsi, les gagaouzes sont devenus des spécialistes des tests.
Cette petite ethnie réside en Gagaouzie, région du sud de la République de Moldavie, dans l'ancienne Bessarabie russe.
Ce territoire méconnu, grand comme deux tiers du Luxembourg, au nord du delta du Danube sur la Mer Noire, a toujours été disputé par les grands impérialismes byzantins, bulgares, ottomans, tsaristes et même soviétiques.
Sur le plan mystique, ils ont expérimenté successivement une demi douzaine de religions : chamanisme, manichéisme, nestorianisme, bouddhisme, islam ...
A l'instant t, la majorité des gagaouzes s'est fixée sur la variante orthodoxe autocéphale bulgare du christianisme mais une avant-garde, fidèle à la tradition de tâtonnement et d'analyse, tente le protestantisme évangélique.
Je conseille aux cultes récents, comme le baha’isme ou la scientologie, d'envoyer d'urgence des missionnaires à Comrat - la capitale de la Gagaouzie - afin qu'elles puissent figurer au banc d'essai gagaouze.
La langue gagaouze, d'origine turque, a incorporé, par l'usage, beaucoup de mots slaves. Afin de conserver plusieurs fers au feu, le peuple gagaouze s'exprime dans deux dialectes : le gagaouze maritime et le gagaouze bulgare qui diffèrent par l'accent et les emprunts.
Au vingtième siècle, stimulés par Staline, les gagaouzes ont évalué, par la pratique quotidienne publique, l'idiome de Tolstoï.
Depuis le démantèlement du rideau de fer, la Gagaouzie se met à tâter un peu du moldave, variante soviétique du roumain.
Pour la liturgie orthodoxe, les gagaouzes continuent d'employer le "slavon d'église bulgaro-valaque" qu'ils jugent particulièrement bien adapté à l'hygiène spirituelle.
Nos amis bessarabes ont aussi testé plusieurs alphabets.
Jusqu'en 1957, l'alphabet grec avait leur préférence pour les affaires laïques et le cyrillique pour la religion. Peu soucieux d'honorer leur dette culturelle envers la Grèce et sous la pression de Moscou, ils ne conservèrent que l'alphabet russe.
La chute du mur de Berlin les a conduit à effectuer un nouveau benchmark et le sud de la Moldavie écrit désormais en caractères latins mais avec les accentuations turques et non roumaines.
Les gagaouzes ont passé en revue différents régimes politiques. Ils ont été inféodés à toutes les grandes puissances successives de la région mais ils ont aussi eu un épisode républicain au XIIIème siècle.
En 1906, une tentative d'indépendance nationale de la Gagaouzie eut lieu. Après 5 jours d'expérimentation, l'empire tsariste reprit ses droits à coups de knout.
Onze ans plus tard, la Bessarabie se mit au marxisme-léninisme en intégrant la patrie internationale des travailleurs.
A la chute de l'URSS, prudemment, les 160 000 gagaouzes optèrent pour un statut d'autonomie à la catalane au sein de la neuve et très fragile République de Moldavie.
Vers 1820, les gagaouzes ont été des précurseurs dans le rédecoupage de frontière et le nettoyage ethnique. Le tsar russe, qui venait de conquérir la Bessarabie, a envoyé les musulmans qui s'y trouvaient se faire voir chez les turcs.
Par souci de réciprocité, l'empire ottoman expédia les chrétiens gagaouzes, qui vivaient alors en Dobroudja, du côté russe du Danube où ils se trouvent toujours.
A la fin du XIXème siècle, de nombreux gagaouzes essayèrent l'émigration au long cours en allant, entre autres, défricher l'Amazonie à l'appel du gouvernement du Brésil. Ce test s'est avéré très positif et actuellement, les forces vives de la Gagaouzie travaillent en Russie ou en Turquie.
Pour conclure cette chronique, j'adresse un appel pressant à Mihail Formuzal - actuel dirigeant de la Gagaouzie autonome - afin qu'il lance une campagne internationale de promotion du génie particulier de ses compatriotes.
Si leurs talents de testeurs étaient mieux connus, les gagaouzes, plutôt que de s'expatrier comme simples ouvriers ou femmes de ménage, pourraient remplacer avec bonheur les crânes d'oeuf peuplant les cabinets ministériels de France et de Tunisie. Grâce à cet apport unique de compétences, l'effet des réformes gouvernementales serait évalué avant toute mise en application, ce qui nous épargnerait beaucoup de fiascos.
Moldavico-bessarabiquement votre.
Références et compléments
- Mon camarade Roland Goutay, l'auteur de chroniques de Djerba, a rappelé les gagaouzes à mon bon souvenir.
- Quelques références pour aller plus loin sur le peuple gagaouze et la Gagaouzie :
. Page sur la République de Moldavie du site histoirepostale.net avec plusieurs cartes anciennes de la Bessarabie après la conquête russe.
. Articles en français sur le peuple gagaouze, la langue gagaouze et la Gagaouzie de Wikipedia. Je conseille aussi la lecture des articles en anglais nettement plus fournis.
. Article Gagaouzie sur le site "Aménagement linguistique dans le monde" de Jacques Leclerc.
. Article du Figaro de juin 2009 "Il est une petite république autonome que le démon du séparatisme démange..."
. Deux articles de Libération : "La Gagaouzie existe, ce n'est pas une plaisanterie" (septembre 2008) et "Petit aperçu de la culture gagaouze" (juillet 2008)
. Billet du blog Moldavie.fr "La Gagaouzie, un jardin entre deux empires"
- L'image du drapeau de la région autonome de Gagaouzie de la République de Moldavie provient de Wikipedia.
Cette petite ethnie réside en Gagaouzie, région du sud de la République de Moldavie, dans l'ancienne Bessarabie russe.
Ce territoire méconnu, grand comme deux tiers du Luxembourg, au nord du delta du Danube sur la Mer Noire, a toujours été disputé par les grands impérialismes byzantins, bulgares, ottomans, tsaristes et même soviétiques.
Drapeau de la région autonome de Gagaouzie de la République de Moldavie |
Très probablement originaires d'Asie centrale et d'ascendance turque, les gagaouzes, au fil de leurs pérégrinations, n'ont cessé de faire des essais.
Sur le plan mystique, ils ont expérimenté successivement une demi douzaine de religions : chamanisme, manichéisme, nestorianisme, bouddhisme, islam ...
A l'instant t, la majorité des gagaouzes s'est fixée sur la variante orthodoxe autocéphale bulgare du christianisme mais une avant-garde, fidèle à la tradition de tâtonnement et d'analyse, tente le protestantisme évangélique.
Je conseille aux cultes récents, comme le baha’isme ou la scientologie, d'envoyer d'urgence des missionnaires à Comrat - la capitale de la Gagaouzie - afin qu'elles puissent figurer au banc d'essai gagaouze.
La langue gagaouze, d'origine turque, a incorporé, par l'usage, beaucoup de mots slaves. Afin de conserver plusieurs fers au feu, le peuple gagaouze s'exprime dans deux dialectes : le gagaouze maritime et le gagaouze bulgare qui diffèrent par l'accent et les emprunts.
Au vingtième siècle, stimulés par Staline, les gagaouzes ont évalué, par la pratique quotidienne publique, l'idiome de Tolstoï.
Depuis le démantèlement du rideau de fer, la Gagaouzie se met à tâter un peu du moldave, variante soviétique du roumain.
Pour la liturgie orthodoxe, les gagaouzes continuent d'employer le "slavon d'église bulgaro-valaque" qu'ils jugent particulièrement bien adapté à l'hygiène spirituelle.
Nos amis bessarabes ont aussi testé plusieurs alphabets.
Jusqu'en 1957, l'alphabet grec avait leur préférence pour les affaires laïques et le cyrillique pour la religion. Peu soucieux d'honorer leur dette culturelle envers la Grèce et sous la pression de Moscou, ils ne conservèrent que l'alphabet russe.
La chute du mur de Berlin les a conduit à effectuer un nouveau benchmark et le sud de la Moldavie écrit désormais en caractères latins mais avec les accentuations turques et non roumaines.
Les gagaouzes ont passé en revue différents régimes politiques. Ils ont été inféodés à toutes les grandes puissances successives de la région mais ils ont aussi eu un épisode républicain au XIIIème siècle.
En 1906, une tentative d'indépendance nationale de la Gagaouzie eut lieu. Après 5 jours d'expérimentation, l'empire tsariste reprit ses droits à coups de knout.
Onze ans plus tard, la Bessarabie se mit au marxisme-léninisme en intégrant la patrie internationale des travailleurs.
A la chute de l'URSS, prudemment, les 160 000 gagaouzes optèrent pour un statut d'autonomie à la catalane au sein de la neuve et très fragile République de Moldavie.
Vers 1820, les gagaouzes ont été des précurseurs dans le rédecoupage de frontière et le nettoyage ethnique. Le tsar russe, qui venait de conquérir la Bessarabie, a envoyé les musulmans qui s'y trouvaient se faire voir chez les turcs.
Par souci de réciprocité, l'empire ottoman expédia les chrétiens gagaouzes, qui vivaient alors en Dobroudja, du côté russe du Danube où ils se trouvent toujours.
A la fin du XIXème siècle, de nombreux gagaouzes essayèrent l'émigration au long cours en allant, entre autres, défricher l'Amazonie à l'appel du gouvernement du Brésil. Ce test s'est avéré très positif et actuellement, les forces vives de la Gagaouzie travaillent en Russie ou en Turquie.
Pour conclure cette chronique, j'adresse un appel pressant à Mihail Formuzal - actuel dirigeant de la Gagaouzie autonome - afin qu'il lance une campagne internationale de promotion du génie particulier de ses compatriotes.
Si leurs talents de testeurs étaient mieux connus, les gagaouzes, plutôt que de s'expatrier comme simples ouvriers ou femmes de ménage, pourraient remplacer avec bonheur les crânes d'oeuf peuplant les cabinets ministériels de France et de Tunisie. Grâce à cet apport unique de compétences, l'effet des réformes gouvernementales serait évalué avant toute mise en application, ce qui nous épargnerait beaucoup de fiascos.
Moldavico-bessarabiquement votre.
Références et compléments
- Mon camarade Roland Goutay, l'auteur de chroniques de Djerba, a rappelé les gagaouzes à mon bon souvenir.
- Quelques références pour aller plus loin sur le peuple gagaouze et la Gagaouzie :
. Page sur la République de Moldavie du site histoirepostale.net avec plusieurs cartes anciennes de la Bessarabie après la conquête russe.
. Articles en français sur le peuple gagaouze, la langue gagaouze et la Gagaouzie de Wikipedia. Je conseille aussi la lecture des articles en anglais nettement plus fournis.
. Article Gagaouzie sur le site "Aménagement linguistique dans le monde" de Jacques Leclerc.
. Article du Figaro de juin 2009 "Il est une petite république autonome que le démon du séparatisme démange..."
. Deux articles de Libération : "La Gagaouzie existe, ce n'est pas une plaisanterie" (septembre 2008) et "Petit aperçu de la culture gagaouze" (juillet 2008)
. Billet du blog Moldavie.fr "La Gagaouzie, un jardin entre deux empires"
- L'image du drapeau de la région autonome de Gagaouzie de la République de Moldavie provient de Wikipedia.