mercredi 29 janvier 2014

Combien de salaires, d'impôts et d'importations dans 100 € d'achats ?

Les récentes déclarations de François Hollande ont ranimé le débat jamais éteint entre partisans de la politique de l'offre et de celle de la demande.

Les tenants de la première clament sur l'air des lampions que la baisse des coûts est le meilleur moyen de tonifier une croissance anémique.
Les supporters de la seconde chantent en chœur que seules des hausses de salaire et de prestations sociales peuvent faire tourner la machine à plein régime.

La polémique entre ces deux camps est aussi vieille que la théorie économique et ressemble souvent aux querelles théologiques de l'antique Byzance sur le sexe des anges ou le nombril d'Adam et Ève.

D'ailleurs, à l'issue de la conférence de presse présidentielle, les adeptes de l'offre ont accueilli le changement de pied du leader social-libertin avec le mélange d'enthousiasme et de scepticisme réservé aux nouveaux convertis.
Dans le même temps, les disciples de la demande commençaient à instruire un procès en hérésie, voire en apostasie.

Ne prisant guère les chapelles et les sectes, cette chronique est consacrée à résumer quelques ordres de grandeur afin que chacun puisse se forger sa propre opinion.
Pour ce faire, nous allons prendre, tour à tour, la position des responsables d'entreprises puis celle des consommateurs.

Point de vue d'un chef d'entreprise
En France, une PME moyenne emploie sensiblement 30 personnes et le total de ses ventes annuelles avoisine 6 millions d'euros hors taxes.
Les entreprises plus conséquentes étant généralement très décentralisées, chaque secteur autonome peut être assimilé à une petite société.

Les achats effectués par notre PME type - 4 millions d'euros par an - représentent les deux tiers de son chiffre d'affaire
Vient ensuite la rémunération nette des salariés, un gros sixième de ses ventes, 900 000 €.
Les cotisations sociales, celles des employeurs additionnées à celles des employés, s'élèvent à 600 000 €, un dixième du chiffre d'affaire.
Enfin, la fameuse "marge brute" n'atteint que 500 000 €, 8% des ventes. Cet "excédent d'exploitation" finance à parts sensiblement égales les investissements, la rémunération des actionnaires et l'impôt sur les sociétés.

Répartition du chiffre d'affaire annuel d'une PME française type
Une entreprise qui veut abaisser ses prix pour séduire ou conserver ses clients face à la concurrence, a d'abord intérêt à améliorer ses achats.
Pour vendre 5% moins cher, elle peut, en théorie :
- soit trouver des fournisseurs en moyenne 7.5% meilleur marché,
- soit baisser ses salaires de 30%,
- soit stopper ses investissements et, dans le même temps, cesser de verser des dividendes à ses actionnaires.

Cette équation explique en grande partie, l'ampleur des délocalisations et des fermetures en cascade de nombreuses usines.
Chaque société se tourne vers des fournisseurs moins chers, souvent dans des pays à bas salaires, et, par voie de conséquence, assèche le carnet de commande de ses partenaires traditionnels.
Actuellement, environ un quart de ce qui est consommé en France est importé.

Point de vue d'un consommateur
Les produits plus ou moins périssables et les services plus ou moins utiles que nous achetons proviennent de la production des entreprises décrite ci-dessus à laquelle il faut adjoindre les taxes sur la consommation, essentiellement la TVA et la fiscalité des carburants.

Reprendre les comptes de notre PME type et décomposer ses achats en importations, salaires et prélèvements sociaux ou fiscaux permet de déterminer où va notre argent à chaque fois que nous sortons 100 € de notre poche pour payer des achats.
Ce sont évidemment des chiffres moyennés qui regroupent la totalité de notre consommation : nourritures, logements, coiffures, informatiques, meubles, services bancaires, loisirs, voitures, vêtements, énergies, livres, maquillages, vacances, téléphonies, boissons alcoolisées ou non, assurances, scooters, casques, presse people, que sais-je encore sans oublier le raton-laveur de Jacques Prévert.

Le ruban bleu est aisément remporté par la fiscalité. Cotisations sociales, impôts sur les sociétés et taxes payés en France atteignent 40 €.
Suivent les salaires et les importations qui s'élèvent chacun à un quart de nos achats, 25 €.
Bon derniers, les investissements, c'est à dire la préparation du futur, et la rémunération des actionnaires ferment la marche avec 5 €.

Répartition moyenne de 100 € d'achats de consommation en finale en France
Ces ordres de grandeur facilitent l'évaluation rapide des propositions et contre-propositions des politiques de tout poil.
Bizarrement, ceux-ci oublient trop souvent l'usage de la règle de 3 et de la preuve par 9 que l'École de la République s'est pourtant échinée à nous enseigner grâce aux impôts de nos parents ...

Économiquement votre

Références et compléments
- Voir aussi la chronique "Le pacte de responsabilité de François Hollande peut-il réussir ?".
- Les chiffres proviennent des statistiques officielles de l'INSEE et ont été arrondis par mes soins pour plus de lisibilité.