jeudi 4 novembre 2010

Au Japon, bienvenue chez les chtis

Oita, dans l'île de Kyushu, est une ville à taille beaucoup plus humaine que Tokyo, sans tourisme et avec très peu de visiteurs étrangers.
Cette situation privilégiée m'a permis de participer à un mini remake du film "lost in translation".

Afin de découvrir cette cité très étendue, je décide de louer une bicyclette municipale.
La version oitite du Velib est incarnée par un bungalow à coté de la gare devant lequel sont stationnés une dizaine de vélos. Un préposé ayant largement dépassé les nouvelles bornes de la retraite française m'invite, dans sa langue, à remplir un formulaire exclusivement nippon.

Au jugé, je devine que la première ligne nécessite mes noms et prénoms et la seconde mon adresse.
Bingo ! J'ai tout juste ! Pas besoin d'être diplômé des Langues Orientales pour maîtriser le japonais de survie !
Suit une ligne où la présence de parenthèses m'incite à mettre mon numéro de téléphone.
Et là, patatras ! Mon écriture de gaucher français et malhabile est incomprise du fonctionnaire chenu. Il me faut donc lui montrer avec les doigts chaque chiffre qu'il réécrit scrupuleusement sur le papier.
Manifestement, compter avec les doigts est différent au Japon et en France, aussi le papy note 5 au lieu de 7 et 6 au lieu de 9.

Qu'à cela ne tienne, l'exercice continue  avec une ligne couverte de caractères japonais et se terminant par les lettres latines T M H D S.
Estimant, à juste titre, que je ne comprends rien, le brave grand-père me répète plusieurs fois le mot "chti" (nous sommes pourtant au Sud du Japon).
Devant ma perplexité, il enchaine par une séance de mime : il soulève son pull over, montre son ventre avec ses deux mains puis les projette vers le haut, paumes en l'air, dans ma direction tout en continuant le mantra "chti".
A ce moment, mu par une inspiration bizarre, je me dis qu'il me demande ma taille pour me donner une bicyclette adaptée (pourtant il voit bien quelle taille je fais !). Je me mets alors à faire semblant d'enlever ma veste pour tenter de vérifier le concept, ce qui déclenche immédiatement l'approbation de l'agent municipal.
Poussé par mon instinct, je décide donc d'entourer la lettre M sur le formulaire ce qui a pour effet immédiat de déclencher chez mon interlocuteur une cascade de "chtis".
Heureusement, une jeune femme du cru survient pour louer, elle aussi, une bicyclette.
L'employé lui lance une longue tirade dans sa langue où je reconnais plusieurs fois le mot fétiche de Dany Boon.
La cliente me regarde longuement en souriant d'un air gêné puis fourrage dans son sac à main et en extrait un smartphone qu'elle tapote à une vitesse supersonique. Avec une petite courbette, elle me montre ensuite l'écran sur lequel il est marqué "please indicate your birth date" (merci d'indiquer votre date de naissance). Le tout sans échanger une parole !
Aussitôt affiché, aussitôt fait, sauf que mes chiffres manuscrits ne conviennent toujours pas !
Il me faut donc redonner ma date de naissance avec mes doigts de gaucher. Grâce à cette expérience au pays des "chtis", je découvre enfin la vérité sur mes origines : je suis né le 22 mai 1161 !

Ce nouvel état-civil est un véritable sésame. Grâce à lui, je deviens l'heureux titulaire d'un vélo au style hollandais, au poids de sumo et au développement de pistard avec lequel j'entreprends l'exploration d'Oita, ville en pente et ventée.

Cycliquement votre …